Tempête à New York. L’université de Columbia qui vit depuis le mois d’octobre aux rythmes des manifestations contre le génocide perpétré par Israël à Gaza, la situation s’est tendue. 108 étudiants ont été arrêtés, le maire de New York qui s’en mêle et même l’administration Biden; quant au Congrès, il continue de faire pression sur la présidente de l’université même après l’arrestation des étudiants exigeant sa démission si les manifestations se poursuivent. Les dirigeants américains donnent une piètre image de la démocratie américaine, ou de ce qui en reste…
Imed Bahri
Sous la pression des responsables politiques des deux camps républicain et démocrate, la présidente de l’université de Columbia Minouche Shafik fait face à des appels à la démission alors que des centaines d’étudiants ont occupé la semaine dernière le centre du campus pour protester et demander la fin de la guerre israélienne contre Gaza et exiger de l’administration Biden de mettre fin à l’aide militaire à Israël.
Les étudiants ont lancé le «Camp de solidarité avec Gaza» mercredi dernier, le jour même où Shafik a été sévèrement auditionnée par la commission de l’éducation de la Chambre des représentants sur des allégations d’«antisémitisme» sur le campus.
Minouche Shafik a demandé jeudi (le lendemain de son audition) à la police de la ville de New York d’expulser les étudiants affirmant que le camp des manifestants représentait un «danger clair et présent pour le fonctionnement fondamental de l’université». Suite à cela, la police de New York a procédé à l’arrestation de 108 étudiants qui participaient au campement.
Une stratégie contre-productive
Il est à indiquer que Nemat Shafik communément appelé Minouche Shafik est une économiste détentrice de trois nationalités égyptienne, britannique et américaine et a toujours évolué dans les hautes sphères du monde universitaire, financier et politique anglo-saxon. Elle fut vice-présidente de la Banque mondiale à seulement 36 ans, ensuite membre de l’équipe dirigeante du FMI, vice-gouverneur de la Banque d’Angleterre de 2014 à 2017, présidente de la prestigieuse London School of Economics de 2017 à 2023 et depuis 2023 présidente de l’université de Columbia qui fait partie de l’Ivy League, les huit universités prestigieuses de la côte est des États-Unis.
Minouche Shafik a été également anoblie en 2020 en recevant le titre de baronne et a été nommée lord à vie dans la chambre des Lords britanniques. Avec les vives protestations qui secouent aujourd’hui Columbia, sa prestigieuse carrière est en jeu et pour la sauver elle donne satisfaction à l’establishment et au pouvoir dominés par le lobby sioniste. Cependant, sa stratégie s’avère contre-productive et la tempête ne se calme pas, loin de là!
En effet, l’arrestation des étudiants à la demande de Shafik n’a fait que renforcer les manifestations qui se sont désormais étendues à plusieurs universités à travers les États-Unis notamment l’Université de New York, l’Université de Yale et le Massachusetts Institute of Technology (MIT), a noté The Hill. Au moins, trois étudiants du Barnard College ont été suspendus, dont la fille la représentante démocrate du Minnesota Ilhan Omar.
L’administration Biden a dénoncé les manifestations de dimanche comme étant «manifestement antisémites» et a déclaré que «ces manifestations encourageaient les appels à la violence». Quant au maire démocrate de New York Eric Adams, il a fait des commentaires similaires.
Lundi, les représentants des deux partis dont la plupart reçoivent d’énormes dons du lobby israélien aux États-Unis ont appelé Minouche Shafik à freiner les manifestations ou à démissionner de son poste. La représentante républicaine de New-York Elise Stefanik a affirmé que la direction de l’université de Columbia «a clairement perdu le contrôle de son campus mettant en danger la sécurité des étudiants juifs». Le sénateur démocrate de Pennsylvanie John Fetterman a ajouté que Shafik devrait «faire son travail ou démissionner», allant jusqu’à comparer les manifestations de Columbia aux violentes manifestations de la suprématie blanche à Charlottesville, en Virginie, en 2017.
Un culot monstre
Dans un post sur X, qui a suscité des commentaires sarcastiques sur les réseaux sociaux, le gouvernement israélien qui perpètre depuis bientôt sept mois un atroce génocide à Gaza et des crimes de guerre qui n’en finissent pas a qualifié les étudiants qui protestent à Columbia contre le génocide de «terroristes». Un culot monstre dont seuls les Israéliens en sont capables!
La présidente du comité de l’éducation de la Chambre des représentants et représentante du 5e district de la Caroline du Nord, Virginia Foxx, a averti dimanche qu’elle pourrait de nouveau convoquer Shafik devant son comité en raison des manifestations «inacceptables».
«L’échec persistant de Columbia à rétablir rapidement l’ordre et la sécurité sur le campus constitue une violation significative des obligations de l’université en vertu du Titre VI, auquel est subordonnée l’aide financière fédérale et qui doit être corrigée immédiatement», a écrit Foxx dans une lettre envoyée à Shafik. «Si vous ne parvenez pas à remédier à ce danger, le comité n’hésitera pas à vous demander des comptes», a poursuivi Foxx âgée de 80 ans mais qui semble en pleine forme pour défendre les intérêts sionistes.
Il est à indiquer que les dirigeants de Harvard, de l’Université de Pennsylvanie et du MIT ont été confrontés à des questions similaires à celles auxquelles Shafiq a été confronté par le Comité de l’éducation en décembre, déclenchant une réaction généralisée qui a finalement conduit à la démission des présidents des trois universités.
Tensions sur le campus
En réponse aux critiques adressées à l’administration de l’Université de Columbia, Shafik a déclaré lundi dans un communiqué qu’elle était «profondément attristée» par les manifestations sur le campus. Elle poursuit dans son communiqué: «Nos divergences se sont accentuées ces derniers jours. Ces tensions ont été exploitées et amplifiées par des individus non affiliés à l’Université de Columbia qui sont venus sur le campus pour poursuivre leurs propres programmes. Nous avons besoin d’une réinitialisation. Un terrible conflit a lieu au Moyen-Orient et il a des conséquences humanitaires dévastatrices. Mais nous ne pouvons pas laisser un groupe dicter ses conditions et essayer de perturber des étapes importantes comme l’obtention du diplôme pour faire avancer son point de vue. Asseyons-nous, discutons, discutons et trouvons des moyens de parvenir à des compromis.» Elle a ajouté que les dirigeants de l’université tiendraient des discussions avec les étudiants manifestants et les professeurs dans les prochains jours pour tenter de désamorcer les tensions sur le campus.
Cet épisode éloquent montre le fossé qui ne cesse de se creuser entre les milieux du pouvoir aux États-Unis et en Occident -qui sont carriéristes et sous l’emprise du lobby sioniste- et la jeunesse qui, elle, obéit à sa conscience. Un fossé qui tourne aujourd’hui à la confrontation. Les prochains jours nous diront quel sera l’épilogue de cette crise qui secoue la célèbre université new-yorkaise.
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