Le poème du dimanche : ‘‘Dis adieu à Hurayra’’ de Al-A’cha Maymûn

Al-A’cha Maymûn fait partie des sept auteurs majeurs des Mouallaqâts, les poésies arabes anté-islamiques, honorées et suspendues, selon les chroniqueurs, aux murs de la Kaâba, en période païenne. (Illustration : célébration d’Al -A’cha aujourd’hui dans sa ville natale de Manfouha).

Le poète serait né vers 570 à Manfouha, aux environs de Riadh, en Arabie. Il se distingue par une poésie bachique, amoureuse, audacieuse transgressant les mœurs courantes. Le début de son long poème est devenu presque proverbial.

Mort en 629, l’an 9 de l’Hégire, vraisemblablement, sans se convertir à la nouvelle religion.

Tahar Bekri

Dis adieu à Hurayra la caravane est en partance
Ô toi homme supporteras-tu l’adieu ?

Blanche de front chevelure longue dents parfaites
L’allure nonchalante comme un coursier au pied malade qui s’embourbe

Sa marche de chez la voisine est celle d’un nuage
Qui passe sans presse ni vitesse

Tu entends à ses bijoux des cliquetis quand elle s’en va
Comme ceux des graines d’ishriq dans le doux vent

Les voisins ne détestent sa vue
Ni elle ne révèle leurs secrets

Elle risque de tomber d’indolence quand elle se lève
Si elle ne rassemble ses forces pour visiter ses voisines

A jouer une heure avec une complice l’épuise
Lui fait trembler le bas des reins et la croupe

La taille fine et la poitrine large à peine se contient
Dans la chemise les flancs au risque de rompre

Heureux l’amant qui la renverse par un ciel nuageux
Pour un plaisir sans rudesse ni lourdeur

Les rondeurs balancées les coudes aux bras charnus
Les pieds posés sur le sol comme sur des épines

Quand elle se lève le musc se répand
La rose rouge s’exhale de ses habits

Nul jardin d’entre les autres où l’herbe est verdoyante
Sans que l’averse forte ne change en prairie

Où les plantes arrosées et accomplies
Ne sourient au soleil astre bien levé

Pas de jour à la fragrance de plus exhalée
Ni de plus beau à l’approche du crépuscule

Je l’ai aimée fortuitement quand elle en aimait
Un autre lequel en aimait une autre

Aimé lui-même d’une autre qu’il ne désire
Alors qu’un cousin en brûle et perd raison

Une autre m’aime que je n’aime guère
Les amours se réunissent d’un amour tout malheureux

Chacun de nous passionné délirant de son amour
Eloigné et proche pris dans les rets captif et soupirant

Hurayra nous repousse ne nous parle
Suis-je indigne de l’amour de Um Khulayd

N’a-t-elle aperçu un homme aux yeux souffrants
Atteint de la mort qui guette le temps qui menace

Hurayra dit quand je lui ai rendu visite
Malheur à toi malheur à moi que fais-tu ?

Ne vois-tu que je suis pieds-nus
Je suis ainsi sans savate ou je me chausse

Je trompe la vigilance du maître du foyer
Il prend garde de moi mais il n’échappe à mes pièges

Parfois je guide l’amour et il me suit
Parfois m’accompagnent ceux qui aiment l’ivresse et le plaisir

Parfois je cours au matin vers la taverne
Un rôtisseur alerte rapide leste me suit

Parmi de jeunes gens comme des sabres d’Inde
Qui savent qu’aucune ruse ne repousse la fin fatale
(extraits

Traduit de l’arabe par Tahar Bekri

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