Alors que la grande mode dans les pays du Vieux continent est à la surenchère anti-immigration et qu’il faut fermer la citadelle Europe ou bien la laisser ouverte à la seule immigration choisie, la crise démographique inquiète de plus en plus et les politiques publiques pour relancer la natalité montrent leurs limites. Il ne suffit pas de décréter des mesures pour qu’en un claquement de doigts, les gens se mettent à faire des enfants. Il y a des tendances sociétales de fond irréversibles et des situations individuelles complexes qui font qu’aujourd’hui le déclin démographique européen est devenu une problématique sans issue.
Imed Bahri
Le Washington Post a publié une enquête sur ce sujet, soulignant qu’il constitue un défi majeur pour le Vieux continent et suscitant des inquiétudes quant à son impact sur le marché du travail et la stabilité économique.
Cette enquête de Chico Harlan note que les Nations Unies prévoient que la population des pays de l’Union européenne atteindra un pic l’année prochaine, avant d’amorcer son premier déclin durable depuis la peste noire du XIVe siècle.
Il indique que plusieurs gouvernements européens s’efforcent de résoudre ce problème par une combinaison d’incitations financières et de politiques sociales. Et explique que les pays scandinaves ont commencé à former des comités chargés d’élaborer de nouvelles stratégies pour lutter contre la baisse de la fécondité.
Réarmement démographique
En France, le président Emmanuel Macron a évoqué la nécessité d’un «réarmement démographique» suite à la chute de 18% du taux de fécondité au cours de la dernière décennie. Dans certains pays dirigés par des nationalistes, les gouvernements offrent des incitations financières importantes pour encourager la natalité, tout en promouvant la famille traditionnelle.
En Italie, les mères actives de deux enfants ou plus perçoivent des primes. En Pologne, les allocations familiales mensuelles ont été portées à 220 dollars par enfant et le président a promulgué une loi instaurant d’importantes réductions d’impôts pour les familles de deux enfants ou plus. Ces mesures visent à encourager les familles à avoir plus d’enfants et à stimuler la croissance démographique.
L’expérience européenne montre que même les programmes gouvernementaux les plus ambitieux n’ont parfois qu’un impact partiel. Si certains programmes ont réussi à ralentir le déclin démographique, ils n’ont pas permis d’inverser complètement la tendance.
L’expérience hongroise illustre clairement ces limites : le pays a investi 5% de son PIB dans les politiques familiales sans atteindre l’objectif escompté.
Les décisions relatives au fait d’avoir des enfants sont personnelles et complexes et souvent hors du champ d’action des politiques publiques. Ces décisions incluent des facteurs structurels tels que le coût du logement, l’inflation et l’accès aux soins de santé et à une éducation de qualité.
1,38 enfant par femme
Par ailleurs, la baisse des taux de fécondité reflète des mesures sociétales comme l’accès à la contraception, la diminution des grossesses chez les adolescentes et l’amélioration de l’éducation et des perspectives de carrière des femmes.
Les données indiquent que le taux de fécondité dans l’Union européenne a chuté à un niveau historiquement bas de 1,38 enfant par femme. De nombreuses personnes retardent leur projet d’avoir des enfants, beaucoup attendant la fin de la vingtaine ou le début de la trentaine.
La Hongrie a mis en place des mesures incitatives à la fécondité il y a une quinzaine d’années, et son taux de fécondité est passé de 1,25 à 1,45 en 2015, puis à 1,61 en 2021. Cependant, ce taux a de nouveau baissé depuis, pour atteindre 1,39 en 2024, témoignant des difficultés persistantes à maintenir cette amélioration. Certains experts estiment que ces mesures incitatives ont simplement encouragé les personnes qui envisageaient déjà d’avoir des enfants à le faire plus tôt.
Le coût élevé de la vie
Le journal américain note que ses entretiens avec des jeunes à Budapest ont révélé que les politiques actuelles n’ont pas permis de répondre à certaines des principales préoccupations concernant l’éducation des enfants, telles que la dégradation du système d’éducation publique et le coût élevé de la vie. Hannah Kirisch, une étudiante de 24 ans, a déclaré : «Je pense qu’il faut améliorer d’autres aspects. Aider les parents ne suffit pas».
Le WP a constaté un sentiment partagé par de nombreux jeunes: inciter à la procréation ne résout qu’une partie du problème et ne permet pas de s’attaquer aux difficultés rencontrées par les parents.
Adam Petrizschlem, père de jumeaux de 5 ans et d’un autre enfant, a déclaré : «Les inconvénients de la parentalité sont bien supérieurs aux avantages. Avoir trois enfants est difficile, quel que soit le pays».
L’immigration, une solution temporaire
L’immigration est une des solutions envisagées pour les pays confrontés au déclin démographique, mais dans les décennies à venir, ce problème se complexifiera avec la baisse des taux de fécondité à l’échelle mondiale, à l’exception de l’Afrique subsaharienne.
Stephen Shaw, réalisateur du documentaire sur le déclin démographique, a déclaré : «L’immigration ne sera qu’une solution temporaire».
Bref, la résolution du problème du déclin démographique en Europe exige une approche multidimensionnelle qui doit prendre en compte les facteurs économiques, sociaux et culturels, et que les incitations financières peuvent certes obtenir un certain succès mais que les solutions durables nécessitent une amélioration globale des infrastructures publiques, de l’éducation et de la santé afin de favoriser un environnement qui permette aux familles de s’épanouir durablement.



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