Ainsi donc, l’affaire de l’erreur médicale survenue dans une clinique, dont un jeune enfant a gardé des séquelles neurologiques importantes, n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît, et suscite certaines interrogations. Certes elle s’est conclue par trois condamnations à des peines d’emprisonnement de six mois, et pour deux des accusés, à moins d’improbables nouveaux éléments susceptibles d’entraîner une révision du procès, la culpabilité a été définitivement établie.
Par Dr Mounir Hanablia *
Les prévenus, il faut le rappeler, incluaient un radiologue, un médecin anesthésiste, et un infirmier anesthésiste. Mais il faut bien le dire, c’est l’expertise médicale établie par un chef de service hospitalier d’anesthésie réanimation et un chirurgien cardiovasculaire qui a été déterminante dans le verdict rendu par les juges.
On l’aura remarqué, aucun expert radiologue n’avait été désigné alors que le drame avait eu lieu avec comme toile de fond une exploration IRM, et la demande de contre-expertise a été refusée.
Les experts judiciaires ont incriminé le médecin anesthésiste, ce qui est normal, mais aussi le radiologue, et cela l’est moins, accusés tous deux de ne pas avoir examiné le jeune malade avant l’exploration envisagée, autrement dit de négligence.
En effet, un examen IRM pratiqué chez un enfant impose préalablement une anesthésie générale, dont la responsabilité incombe au médecin anesthésiste, et il n’y avait à priori aucune raison pour exiger du radiologue de l’examiner en sachant qu’il était déjà confié à son collègue
La responsabilité du radiologue n’est pas directement engagée
Le dysfonctionnement a eu lieu parce que les médecins anesthésistes, étant toujours occupés ailleurs, ont l’habitude de déléguer, sous leur responsabilité, pour les anesthésies au cours des explorations radiologiques, des infirmiers anesthésistes, et parce que celui qui était présent ce jour-là, n’avait pas comme tous ses collègues les compétences nécessaires pour affronter une situation médicale imprévue, un malaise de l’enfant suivi d’une perte de connaissance, de raison inconnue.
C’est au cours de la préparation de l’IRM, c’est-à-dire avant et non pas au cours de l’examen, dans une petite pièce spéciale attenante à la salle de radiologie, que le drame a eu lieu, et ainsi que l’a justement souligné le rapport d’expertise, l’infirmier anesthésiste qui était présent n’a pas prodigué les soins nécessaires.
Le radiologue n’est à aucun moment intervenu et à priori sa responsabilité directe ne pouvait être engagée. Mais c’est bien justement cela qu’on lui a reproché, de ne pas être intervenu dès le début, parce qu’il s’agissait d’un patient très particulier, qui lui avait été adressé à partir d’un service hospitalo-universitaire de cardio-pédiatrie avec une lettre à son nom, évoquant une myocardite, c’est-à-dire une inflammation du muscle cardiaque, consécutive à une infection pulmonaire, dont l’IRM était censée déterminer la cause. Or une myocardite en insuffisance cardiaque, à l’instar de celle en cause dans le cas précis, est une maladie susceptible de complications graves comme les arrêts cardiorespiratoires et les troubles du rythme graves. Et son exploration impose évidemment certaines précautions particulières, ainsi que la présence de médecins qualifiés pour la prise en charge, et non pas un simple infirmier anesthésiste.
Malheureusement, personne n’a prévenu le radiologue de l’arrivée de ce malade si particulier dans la clinique. La ou les personnes qui ont pris connaissance de la lettre de liaison, en général les réceptionnistes ou les secrétaires, ont simplement compris qu’il s’agissait d’une IRM sous anesthésie générale, et ont agi en conséquence en l’envoyant vers l’infirmier anesthésiste, ainsi qu’elles ont l’habitude de le faire.
La responsabilité du médecin anesthésiste est grandement engagée
Le rapport d’expertise écrit par des médecins hospitalo-universitaires, il ne faut pas l’oublier, n’a pas incriminé la responsabilité de la cardiologue hospitalière qui a jugé nécessaire de prescrire cette exploration invasive, l’IRM, en phase aiguë de la maladie. Pourtant, un simple examen écho doppler cardiaque dénué d’anesthésie générale aurait pu suffire.
Cependant il a été demandé à la mère la réalisation de cette exploration dont l’indication à cette phase de la maladie était d’autant plus discutable qu’elle devait se faire en dehors du milieu hospitalier et que l’utilité n’en est pas évidente dans la conduite thérapeutique. Et la mère n’a pas pris la peine d’amener son enfant à la clinique dans une ambulance, ainsi qu’on le lui aurait proposé dans le service hospitalier. Si elle l’avait fait, tout aurait été différent et nul n’aurait ignoré dans la clinique la gravité du cas à son arrivée. Au lieu de quoi elle a pris la pire des décisions en s’y rendant en taxi, avec son enfant sur les genoux, sans aucune précaution médicale. Ce transport dans ces conditions a-t-il été pour quelque chose dans les développements dramatiques qui ont suivi? L’expertise ne le dit pas.
On peut certes se montrer critique sur l’organisation du travail dans le service de radiologie de la clinique, quand le radiologue passe ses journées à interpréter les dizaines d’explorations réalisées alors que ce sont les techniciens de radiologie qui prennent les clichés des explorations et qui sont en contact avec les malades.
Quant aux médecins anesthésistes, leur manie de s’occuper simultanément de plusieurs malades à la fois et d’être partout sans être nulle part, frise l’inconscience, et cela fait des années que cela dure sans que les détenteurs du pouvoir, c’est à dire les directeurs médicaux, n’y mettent de l’ordre.
Dans l’affaire qui nous intéresse, il faut bien se rendre compte que l’exploration en cause ne s’imposait pas à cette phase de la maladie, que l’enfant n’a pas été emmené dans les meilleures conditions à la clinique, et que celui qui avait le devoir d’examiner le patient avant l’anesthésie et avant l’IRM, était bel et bien le médecin anesthésiste.
Pourtant sur la foi de conclusions hâtives issues d’un rapport d’expertise peu objectif, c’est aussi le radiologue, la personne la moins impliquée parmi toutes dans la chaîne de décisions funestes ayant conduit au drame, qui se retrouve condamné non pas à une amende ou à des travaux d’intérêt général, mais, à une peine de prison ferme.
C’est l’honneur et le devoir de tout médecin honnête de le rappeler, afin d’obtenir la réhabilitation d’un collègue dont la vie se trouve désormais hypothéquée sans possibilité de recours.
* Médecin de pratique libre.
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