Bien qu’ils ne soient pas représentés dans les médias conventionnels, les disciples de Kaïs Saïed qui l’ont porté au pouvoir multiplient depuis une semaine les publications sur les réseaux sociaux pour dire et insister sur leur refus catégorique qu’un profil affairiste soit nommé à la Kasbah. Et ces jeunes «révolutionnaires» ont souvent l’oreille de leur idole.
Par Imed Bahri
Les disciples de l’austère constitutionnaliste devenu président de la République qu’ils surnomment respectueusement «Al-Oustadh» (le professeur) ne cessent de réitérer leur refus à tout profil affairiste pour être nommé chef de gouvernement. Ce refus s’est renforcé après que les principaux partis politiques aient préféré présenter au président de la république des profils affairistes principalement l’héritier et financier Fadhel Abdelkéfi, directeur général de l’intermédiaire en bourse Tunisie Valeurs, ancien président de la Bourse de Tunis et homme proche des réseaux d’influence et l’hispano-tunisien Khayem Turki, également financier dépouillé de toute connaissance de l’Etat mais qui à l’instar de M. Abdelkéfi est un ami du sulfureux affairiste Nabil Karoui, patron du parti Qalb Tounes dont, sans surprise, les deux financiers sont les candidats à la Primature.
Ces deux financiers sont également les deux candidats d’Ennahdha ainsi que d’autres partis moins importants comme Tayha Tounes, parti présidé par l’ancien chef de gouvernement Youssef Chahed, longtemps combattu par ces mêmes réseaux mais qui les soutient aujourd’hui.
Les jeunes refusent le monopole du pouvoir par une caste de privilégiés
Ce choix dérange beaucoup de Tunisiens, dont l’électorat de M. Saïed et ses disciples parmi la jeunesse qui a vécu une décennie de désœuvrement après la révolution de 2011, cette jeunesse tient cette caste de privilégiés pour responsable de leur malheur et refuse qu’elle continue de s’emparer du pouvoir et de le confisquer.
Ce choix de profils affairistes ne passe pas parmi les disciples de M. Saïed, comme nous l’avons expliqué hier dans l’article consacré à Fadhel Abdelkéfi. Ils refusent encore plus qu’El Oustadh devenu président serve ces réseaux et nomme un de leurs candidats à la Primature. C’est dans ce sens, que l’activiste politique Kaïs Karoui, soutien de M. Saïed et ayant participé avec énergie à sa campagne (campagne explicative comme ne cesse de le marteler M. Saïed et non pas campagne électorale).
Kaïs Karoui a écrit un statut Facebook, le 22 juillet, disant que le message de refus que le candidat de Tunisie Valeurs (Fadhel Abdelkéfi) soit nommé chef de gouvernement est parvenu au Oustadh. Hier, il a rappelé les casseroles que traînent les profils affairistes, celui de M. Abdelkéfi et celui de Khayem Turki. Quant à ce matin, Kaïs Karoui à publié un article, en langue arabe, publié dans Anbaa Tounes où il écrit notamment: «Al Oustadh s’est présenté aux élections présidentielles uniquement pour protéger l’État de l’effondrement et protéger la Constitution en dépit de ses bévues, ses lacunes et ses contradictions, mais il n’a jamais cessé d’avertir tout le monde d’un système infiltré et gangrené par la corruption qui assoit et consacre le pouvoir des réseaux d’influence et des forces de l’argent aux dépens des pauvres et des plus démunis.
«Si le président choisit un personnage mentionné dans leurs listes (celles des partis politiques, Ndlr), il leur rendra leurs déchets, et la situation pourrira inévitablement de plus en plus, et ce sont eux qui porteront la responsabilité de la pourriture qui suivra.
«Si le président choisit une figure irréprochable, il pourra peut-être réduire ce scénario de pourriture, mais celle-ci continuera car le système est en faillite et nous ne pouvons pas remplir un puits sans fond.»
La place des affairistes n’est pas en politique mais dans les affaires
Nous l’avons compris, les disciples d’Al-Oustadh sont pour la fin de l’actuel système politique comme l’a souvent préconisé Al-Oustadh lui-même, mais leur refus est encore plus fort concernant la nomination d’un profil affairiste à la Kasbah surtout après le Fakhfakh Gate. D’ailleurs les disciples de M. Saïed rappellent que le président de la République n’était pas au courant des affaires de M. Fakhfakh et que ce dernier les lui a dissimulées.
Dans tous les cas, afin de couper l’herbe sous le pied des réseaux d’influence et afin de prémunir la vulnérable Tunisie d’un autre scandale de conflit d’intérêts, il serait judicieux d’éviter tout profil affairiste qui sera au pouvoir pour servir les réseaux qui l’ont mis sur orbite et non pas l’Etat.
Al Oustadh écoutera-t-il ses disciples ou bien prendra-t-il le risque de perdre leur soutien en commettant l’erreur, fatale à leurs yeux, de nommer un profil affairiste? Plus que quelques heures et le très taiseux Al-Oustadh dévoilera son choix.
On entend déjà dès maintenant les cris d’orfraie des piliers de l’establishment !
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