La souveraineté numérique est désormais une condition essentielle pour le développement des nations. Les pays du sud de la Méditerranée font face aujourd’hui à un besoin accru de promotion de leur souveraineté numérique par l’hébergement de la data africaine sur le territoire africain. African Digital Hub est un projet ambitieux qui va tirer profit du positionnement géographique et géo-numérique de la Tunisie, au centre du monde et au centre de la Méditerranée, pour créer un hub numérique mondial.
Le marché des câbles sous-marin a le vent en poupe. Aujourd’hui, 450 à 500 câbles sont en service dans le monde entier, soit 1,2 million de kilomètres de câbles posés au fond des mers pour interconnecter les continents et les pays du monde entier. Il existe une grande diversité en taille et en capacité. Ces installations assurent des dizaines de millions de connexions simultanées. Pratiquement, 99% des flux intercontinentaux passent par les câbles sous-marins.
En termes de capacité et de coût, les réseaux sous-marins offrent la solution la plus pertinente pour pouvoir se connecter. Ils constituent la colonne vertébrale de la connectivité internationale.
Beaucoup de mal à répondre à la demande de connectivité
Selon Damien Bertrand, expert en connectivité, «le secteur des câbles sous-marin est en plein essor. Aujourd’hui, il y a une forte demande de connectivité à laque les géants mondiaux de fabrication de câbles sous-marins à savoir Alcatel Submarine Networks (ASN), SubCom, NEC et HMN ne peuvent pas y répondre. Le développement technologique et l’accroissement exponentiel des objets connectés mettent le réseau Internet sous pression».
Il est utile de mentionner que ASN, SubC0om, NEC et HMN se partagent aujourd’hui le marché des câbles sous-marin avec des parts divers. ASN et SubCom ont chacun 40% de parts de marché alors que NEC et HMN se partagent le reste.
M. Betrand a ajouté : «Une évolution extrêmement rapide a été également recensée côté opérateur. Au cours des 6 dernières années, le volume des câbles s’est rapidement développé. Auparavant, il y a les opérateurs traditionnels comme Tunisie Telecom, Orange et Telecom Italia qui avaient leurs propres câbles. Ces opérateurs détiennent aujourd’hui 1/3 des réseaux sous-marins à travers le monde. Les OTT, Amazon, Google et Facebook ont fait également un peu près de 1/3 de câbles existants alors qu’ils étaient à zéro il y a 6 ans. Il y a aussi les opérateurs neutres de câbles sous-marin mutualisés qui font aussi 1/3 des câbles Internet mondiaux».
Une opportunité pour placer la Tunisie sur la carte numérique mondiale
Située le plus au nord de l’Afrique avec une large ouverture sur la Méditerranée, la Tunisie, à travers la ville de Bizerte, est naturellement favorable pour faire atterrir des câbles sous-marins.
Selon Damien Bertrand : «La chance de la Tunisie, c’est sa position géographique et stratégique au cœur de la Méditerranée. Ce pays a aujourd’hui une forte opportunité pour héberger un port numérique et devenir l’un des hubs incontournables du réseau mondial internet. Il y a aussi la géographie sous-marine qui fait que tous les câbles de la Méditerranée passent entre la Sicile et la Tunisie. Même au niveau des fonds sous-marins, la ville de Bizerte est naturellement favorable pour être un point d’atterrissage des câbles».
Il a ainsi souligné : «Il y a aujourd’hui des initiatives pour profiter du positionnement de la Tunisie et renforcer sa connectivité. African Digital Hub est l’un des projets ambitieux qui visent à connecter l’Afrique avec le reste du monde à travers ce qu’on appelle les points cardinaux numériques. À travers ce projet, la Tunisie pourrait renforcer sa position numérique à l’échelle nationale et internationale». Et M. Bertrand d’expliquer : «Le pays est aujourd’hui sur le câble SEA-ME-WE4 mis en service en 2005 qui vient d’extrême orient et finit à Marseille. Il a un atterrissage à Bizerte. Donc là, on a 16 membres de consortium, 20.000 kilomètres de long et deux pairs de fibre et la capacité est partagée entre tous les membres. Rajouter de la capacité pour satisfaire la demande croissante de connectivité coûtera relativement plus cher que de remplacer les câbles existants. La durée de vie des câbles sous-marins est estimée à 25 ans. Les câbles mis dans l’eau depuis 10 à 15 ans peuvent être technologiquement dépassés parce que l’évolution est très rapide. Le remplacement des câbles existants est donc la solution la plus pertinente en termes de capacité et de coût. C’est le choix qui va impacter la prochaine génération en Tunisie».
L’expert enchaîne : «À l’échelle internationale, la Tunisie, à travers African Digital Hub, devrait jouer un rôle de Gateway Nord de l’Afrique pour être à l’avenir souveraine et autonome. Et Bizerte devrait être la première pierre de l’édifice. La Tunisie a des atouts clairs et a cette opportunité qui est à prendre. Ce qu’il faut maintenant, c’est arriver à décider, à avancer, à passer en mode projet et à être présent sur la carte numérique des câbles sous-marins de la Méditerranée. Plus tôt c’est fait, plus il est probable que la Tunisie joue ce rôle».
M. Bertrand a évoqué, à titre d’exemple à suivre, l’expérience de Marseille en tant que l’un des plus importants points d’atterrissage de câbles sous-marins à l’échelle européenne et internationale. «Le port numérique de Marseille représente aujourd’hui autant de business que le port traditionnel. Son impact économique est estimé à 8 milliards de dollars, soit l’équivalent de l’impact économique du port traditionnel. Grâce à cette nouvelle activité, la ville française a réussi à doubler son port. On est aujourd’hui à 14 câbles numériques à Marseille. Mais dans la communication, on a besoin de la diversité. Il y a naturellement deux villes qui vont permettre cette diversité; Gènes en Italie et Barcelone en Espagne qui sont en train de monter en puissance. Alors, ce qu’on voit, que les flux de la Data se sont dirigés de l’Europe du nord (premier câble sous-marin reliait l’Angleterre à Paris) vers le sud. La prochaine étape, ce sera de traverser la Méditerranée. C’est l’Afrique du nord, et plus particulièrement la Tunisie, qui devrait jouer ce rôle et prendre sa place sur l’échiquier numérique mondial», conclut-il.
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