Il y a bien des manières de raconter l’histoire d’un pays aux non-initiés, et Slah Eddine Ayachi a choisi la meilleure de toutes. En effet, dans les trois petits ouvrages que cet historien vient de publier aux éditions IRIS*, il retrace l’histoire de la Carthage punique et de la civilisation carthaginoise et livre aux lecteurs un compendium sous forme de trilogie. Nous avons présenté le premier tome : « Histoire de la Tunisie (illustrée), 1ère partie : Elyssa, de la Préhistoire à 814 av. J.-C. » et le second : « Histoire de la Tunisie (illustrée), 2e partie : Carthage, de 814 à 264 av. J.-C. ». Dans ce troisième et dernier article, nous présentons le 3e tome: « Histoire de la Tunisie (illustrée), 3e partie : Hannibal, de 264 à 146 av. J.-C.«
Par Mohamed Sadok Lejri *
L’auteur revient sur l’empire carthaginois, et plus particulièrement sur l’empire à son apogée et les colonies carthaginoises, mais aussi sur les causes de sa décadence. L’auteur souligne que l’histoire a, entre autres, été écrite par l’historien grec Polybe, un admirateur inconditionnel de Rome qui a vécu les guerres contre Carthage, et l’historien romain Tite-Live, celui-là même qui a contribué à répandre une image exaltante de Rome.
Avant d’attaquer les guerres puniques, Slah Eddine Ayachi s’est intéressé aux relations profondes qui unissaient les numides aux carthaginois. L’intérêt de cette partie du livre réside dans les explications fournies quant à l’influence mutuelle de ces deux peuples et au caractère tourmenté de leur coexistence. Leur histoire n’a pas été un long fleuve tranquille, loin sans faut. L’historien prépare le lecteur aux guerres puniques. En effet, les numides, appartenant à la race des valeureux cavaliers, ont été engagés en grand nombre dans l’armée carthaginoise, avant d’être sollicités par Rome.
L’historien retrace les guerres puniques qui ont opposé les Carthaginois aux Romains et qui avaient pour enjeu l’hégémonie en Méditerranée occidentale. Rome, après avoir conquis l’Italie méridionale, s’est heurtée à Carthage en Sicile.
La première guerre punique – de 264 à 241 av. J.-C.
L’historien passe en revue les événements historiques les plus importants de la première guerre punique. Les Carthaginois, d’abord vaincus à Agrigente et au Cap d’Ecnome, parent au débarquement du consul Régulus en Afrique.
La suite permet aux lecteurs de mieux connaître des personnages historiques que la majorité des Tunisiens ne connaissent que de nom. L’auteur commence par décrire la déroute du général Hasdrubal en Sicile, mais aussi la résistance héroïque, dans le sud de l’Italie, des Carthaginois aux armées romaines sous le commandement du général Hamilcar Barca.
Slah Eddine Ayachi consacre toute une partie de ce volume à la révolte des mercenaires qui eût lieu juste après la première guerre punique (de 241 à 238 av. J.-C.). Carthage, extrêmement affaiblie et saignée à blanc par Rome, ne pouvait plus payer ses mercenaires. En lisant cet opuscule, vous vous apercevrez jusqu’à quel point Hamilcar Barca est un personnage historique des plus illustres.
L’historien, avant d’attaquer la deuxième guerre punique, dresse le portrait de trois célèbres généraux carthaginois :
Hamilcar Barca, le fondateur de la dynastie barcide. Il oppose, en tant que commandant en chef, une vive résistance aux Romains en Sicile. Il réprime, par la suite, la révolte des mercenaires à Carthage et conquiert le sud de l’Espagne pour «payer les indemnités de guerre de Carthage» (p. 17) et préparer sa revanche.
Hasdrubal, dit Le Beau, est le gendre de Hamilcar Barca. Associé à son pouvoir en Espagne, il lui succède à sa mort, fonde Carthagène ou Carthage Nova (la nouvelle Carthage) et négocie le traité avec Rome, lequel délimite les zones d’influence à l’Ebre.
Et, enfin, le plus célèbres des généraux et hommes d’Etat carthaginois : Hannibal Barca. Enfant, il accompagne son père Hamilcar Barca en Espagne et s’y distingue, plus tard, sous les ordres de son beau-frère Hasdrubal Le Beau.
Slah Eddine Ayachi revient sur la solide formation qui lui a été donnée durant sa jeunesse, passe en revue les principaux faits d’armes du général Hannibal et fait défiler les épisodes historiques les plus significatifs de son parcours. On comprend, après avoir lu ces quelques pages consacrées à Hannibal Barca, pourquoi il est considéré comme l’un des plus grands chefs de guerre de l’Antiquité.
La deuxième guerre punique – de 218 à 202 av. J.-C.
Après la défaite des îles Egates, Carthage demande la paix et accepte la perte de la Sicile et le paiement d’une forte indemnité de guerre. Trois ans plus tard, et comme nous l’avons vu un peu plus haut, les mercenaires se révoltent et provoquent une guerre civile à Carthage, laquelle achète la non-intervention romaine par l’abandon de la Corse et de la Sardaigne, perte bientôt compensée par les conquêtes de Hamilcar Barca en Espagne. Rome, inquiète, impose au successeur de Hamilcar Barca, Hasdrubal Le Beau, le traité de l’Ebre. Après la prise de Sagunto, «ville riche, florissante et alliée à Rome» (p. 22), par Hannibal, Rome déclare la deuxième guerre punique.
Il s’ensuit alors les exploits du légendaire Hannibal :
- Le passage du Rhône, après le passage des Pyrénées, «avec son armée et ses éléphants, montés sur des radeaux» (p. 23) ;
- La traversée des Alpes, renforçant au passage son armée avec des Gaulois cisalpins révoltés contre Rome;
- Hannibal remportera sur les Romains de brillantes victoires en Italie. L’historien raconte les différentes batailles que Hannibal a livrées avec succès contre les Romains, dont la bataille de Cannes, «la plus grande bataille terrestre de l’antiquité» (p. 26).
Ensuite, l’historien explique les raisons des revers subis par Hannibal. S. Ayachi avance les différentes thèses développées par les historiens au sujet du refus de Hannibal de marcher sur Rome. Il décrit aussi comment Rome étend la guerre à tout le pourtour de la Méditerranée occidentale, mais aussi la reconquête de l’Espagne par le redoutable Scipion l’Africain. L’ennemi juré de Carthage, buriné par le soleil d’Afrique, mais aussi par une haine héréditaire et par les traits de la plus implacable des vengeances, détruit les armées de secours carthaginoises commandées par Hasdrubal Barca et Magon et mène avec succès ses batailles nord-africaines, grâce entre autres à l’alliance numide. Ayachi explique, non sans éloquence, les raisons qui ont poussé Massinissa à s’allier à Scipion l’Africain et cite les différentes batailles remportées par le proconsul romain en faisant logiquement la part belle à la célèbre bataille de Zama.
La troisième guerre Punique – de 150 à 146 av. J.-C.
Carthage abandonne l’Espagne et le contrôle de sa diplomatie à Rome, paye une forte indemnité de guerre et livre sa flotte et ses éléphants. En dépit de ces dures conditions, Carthage prospère de nouveau sous l’impulsion d’Hannibal. Inquiets, les Romains saisissent le prétexte d’une guerre de Carthage contre Massinissa, l’allié de Rome, pour déclencher la troisième guerre Punique. Le roi numide voulait profiter «de la faiblesse de la cité punique et de l’impunité romaine pour étendre son territoire du sud-ouest de Tabarka jusqu’aux limites de la grande Syrte (Golfe de Libye)» (p. 37).
Caton l’Ancien ou Caton le Censeur, très impressionné par la prospérité de Carthage, joue un grand rôle dans le déclenchement de la troisième guerre Punique : «Rome ne peut pas se permettre d’avoir un tel ennemi à ses portes» déclara-t-il un jour (p. 38). Il y contribue par ses discours incendiaires auxquels il ajoute invariablement la célèbre formule : «Delenda est Carthago» (il faut détruire Carthage).
Slah Eddine Ayachi reproduit, à la fin de ce troisième opuscule, un passage très poignant de l’historien grec Appien : «Dans un intense effort de survie, les habitants [ndlr : les habitants de Carthage] se mettent à fabriquer des armes et du matériel de guerre. Femmes, vieillards et enfants travaillent nuit et jour. Une flotte est construite à partir de poutres de maisons et les femmes coupent leurs chevelures pour tresser des cordes et pour confectionner les arcs…» (p. 39).
Les Carthaginois se battirent jusqu’à la fin avec l’énergie du désespoir, mais ils ne purent échapper à leur fin tragique.
Slah Eddine Ayachi est né à Sousse en 1950. Après des études secondaires à Sfax, il poursuit ses études supérieures en histoire, en droit et en sciences politiques à la Sorbonne et au Panthéon.
De retour en Tunisie, il crée une société de publicité, de communication et de création artistique, Elyssa Création, une société de production de films, Hannibal Films, une imprimerie graphique, Imprimerie Graphique du Centre – IRIS, et, pour finir, une maison d’édition, IRIS, destinée à la jeunesse pour la découverte du patrimoine historique et culturel tunisien.
Il est le co-auteur du livre encyclopédique Si Sousse m’était contée http://kapitalis.com/tunisie/2018/03/10/vient-de-paraitre-histoire-de-sousse-de-lepoque-phenicienne-a-nos-jours/ et auteur de nombre de contes arabo-maghrébins ayant pour objectif de faire découvrir aux jeunes et aux moins jeunes la culture et l’imaginaire traditionnels.
Hannibal, de 264 à 146 av. J.-C.; collection Histoire de la Tunisie; Sousse, éditions IRIS, 2021, 40 pages; 12 dinars.
* Universitaire.
** Les trois opuscules en question sont déjà disponibles dans plusieurs librairies de Tunisie
Précédents articles :
http://kapitalis.com/tunisie/2021/10/01/vient-de-paraitre-carthage-ressuscitee-par-iris-1-3/
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