L’épisode du «rapt» de Noureddine Bhiri – et le mot a été prononcé par les dirigeants d’Ennahdha – est utilisé par les adversaires de Kaïs Saïed pour abîmer davantage son image auprès des partenaires occidentaux de la Tunisie, qui accordent beaucoup d’importance au respect des droits humains. Et si, par ses erreurs consécutifs, le locataire du palais de Carthage servait ses adversaires islamistes en en faisant des victimes, posture qu’ils affectionnent particulièrement ?
Par Imed Bahri
En justifiant les conditions pour le moins rocambolesques dans lesquelles se passe la «mise sous résidence surveillée» du dirigeant islamiste Noureddine Bhiri dans un endroit non défini, les partisans du président Kaïs Saïed servent le même discours de propagande que servaient les islamistes quand leur parti était au pouvoir, entre 2012 et 2021.
Selon les rares informations filtrées sur cette affaire, le dirigeant islamiste serait en «résidence surveillée» dans une maison située aux environs de Menzel Jemil. Selon son épouse Saïda Akremi et son avocat Samir Dilou, il souffre de plusieurs maladies chroniques, notamment l’hypertension artérielle et le diabète et aurait refusé de manger et de prendre ses médicaments. C’est ce qui a nécessité son transfert, hier soir, samedi 2 janvier 2022, au service de cardiologie de l’hôpital Habib-Bougatfa de Bizerte.
La victimisation est un cadeau offert à Ennahdha
L’ancien ministre de la Justice est certes loin d’être un enfant de choeur. Il traîne tellement de casseroles que l’intérêt que portent à sa personne les autorités publiques est amplement justifié, d’autant que la justice, qu’il avait réussi à mettre sous ses ordres, n’a pas jugé de son devoir de s’intéresser à son cas.
Cependant, on ne peut raisonnablement justifier la détention d’un citoyen, même si c’est le pire criminel, dans un lieu maintenu secret et refuser de communiquer sur les raisons et les conditions de sa détention.
Par ce genre de pratiques d’un autre âge et qui rappellent de douloureux souvenirs aux Tunisiens, le président Saïed, l’homme qui détient aujourd’hui tous les pouvoirs en Tunisie, et qui a sans doute donné lui-même l’ordre d’arrêter Bhiri, offre ainsi un cadeau à ses adversaires islamistes qui affectionnent la posture des victimes. Et pour cause, la victimisation leur permet de faire passer au second plan tous les abus qu’ils ont eux-mêmes commis au cours de leur dix ans de règne, y compris les innombrables abus qu’ils ont commis aux dépens des droits de l’homme.
Les dirigeants d’Ennahdha ont de bonnes raisons de paniquer
Cet épisode du «rapt» de Noureddine Bhiri – et le mot a été prononcé par les dirigeants d’Ennahdha – est utilisé par les adversaires de Kaïs Saïed pour abîmer davantage son image auprès des partenaires occidentaux de la Tunisie, qui accordent beaucoup d’importance au respect des droits humains. Et c’est pour ainsi dire de bonne guerre. Rached Ghannouchi et ses Frères musulmans ont, en effet, de bonnes raisons de craindre que cet épisode ne soit le point départ de procès politiques qui les verraient tous défiler au palais de justice pour répondre de leurs malversations restées impunies.
Le locataire du Palais de Carthage, qui semble perdre le sens des réalités et s’empêtrer dans son projet d’assainissement du l’Etat, a l’art de faire de ses adversaires des victimes.
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