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Tunisie : Kaïs Saïed et les spéculateurs, un feuilleton devenu barbant

La spéculation est le thème qui revient le plus régulièrement dans les speechs du président Saïed à l’ouverture des conseil des ministres.

Le président Kaïs Saïed justifie l’impuissance des services de l’Etat à agir contre les spéculateurs qui œuvrent contre l’intérêt public par le sabotage dont il ferait l’objet de la part d’une partie de l’administration publique (ou l’Etat profond) et qui l’empêche de mettre en application ses décisions. Dans ce cas, que peut-on encore sérieusement attendre d’un homme dont l’impuissance à agir sur le quotidien de ses électeurs se confirme chaque jour un peu plus ? Vidéo.

Par Imed Bahri

Lors du conseil des ministres qu’il a présidé hier, jeudi 24 février 2022, au palais de Carthage, le président Kaïs Saïed est revenu, encore une fois (c’est devenu une véritable litanie), sur la spéculation qui domine les circuits de distribution, augmente les prix à la consommation et affecte le pouvoir d’achat du peuple, tout en tempêtant contre les spéculateurs et en les menaçant de représailles. Vidéo.

Une appréciation biaisée de la réalité

Non seulement, le président de la république donne ainsi l’impression d’être complètement déconnecté de la réalité du monde et d’avoir une appréciation biaisée de celle de son propre pays, puisqu’il élude toutes les autres causes de l’inflation et de la baisse du pouvoir d’achat (hausse des cours des matières premières sur le marché mondial, effritement de la valeur de la monnaie nationale, inflation importée, mauvaise gouvernance administrative, dont il est, jusqu’à preuve du contraire, le principal responsable…), pour ne retenir qu’une seule cause : la spéculation à laquelle s’adonnent certains opérateurs économiques avec la complicité (sinon active, du moins de fait) de nombreux agents publics. Et cela, c’est bien son problème à lui, puisqu’il accapare tous les pouvoirs (exécutif, législatif et même judiciaire) et dispose de tous les leviers (contrôle économique, police, justice…) pour agir efficacement contre les spéculateurs, «qui sont des criminels» (sic!), d’autant qu’il affirme depuis des mois qu’ils sont biens identifiés, ainsi que les «dizaines ou centaines» (re-sic) de dépôts de marchandises et les chambres froides qu’ils contrôlent.

Des représailles qui tardent toujours à venir

Hier, le président a cru devoir envoyer à ces spéculateurs un «tahdhir akhir» (dernier avertissement). Et là, il précise encore «dernier avertissement avant l’application de la loi», concédant, au passage, que la loi n’est pas appliquée (et ce n’est pas la faute des spéculateurs) et que la vocation de la loi est d’être… un dernier recours… !

Un homme de loi soucieux de l’application du droit, comme se targue d’être le chef de l’Etat, ne doit pas perdre beaucoup de temps pour se décider d’agir contre les fraudeurs qui mettent en péril l’intérêt public en spéculant sur les prix des produits de première nécessité et en rognant ainsi sur le pouvoir d’achat du peuple.

S’il a encore une signification, le «tahdhir akhir» du président Kaïs Saïed exprime l’ampleur du sentiment d’impuissance qui l’anime et qui lui fait élever la voix et afficher la mine d’un homme en colère à chaque fois qu’il évoque les méfaits des spéculateurs et les menace de représailles… lesquelles représailles tardent toujours à venir.

La puissance publique… impuissante

Pis encore, hier, le président nous a gratifiés d’une révélation lourde de conséquence (en est-il au moins conscient?), en affirmant que des collaborateurs de la ministre du Commerce, Fadhila Rabhi Ben Hamza, c’est-à-dire de hauts cadres de l’Etat, sont au service des spéculateurs, dont ils défendent les intérêts contre l’intérêt supérieur de l’Etat et celui des citoyens contribuables qu’ils sont censés servir en premier lieu et en dernière instance.

Là, on atteint vraiment les sommets de l’absurde : car si l’administration publique (ou l’Etat profond) sabote le président de la république (comme il l’affirme lui-même) et l’empêche de mettre en application ses décisions, que peut-on encore sérieusement attendre de ce dernier, dont l’impuissance à agir sur le quotidien de ses électeurs se confirme chaque jour un peu plus ?

Vidéo.

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