Tunisie : Najla Bouden et son geste clarificateur

La vidéo a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Elle a suscité des réactions passionnées. Entre approbation effrénée et condamnation sans nuance. Le court échange entre la Première ministre tunisienne Najla Bouden et le président israélien Isaac Herzog, lors du sommet COP 27 à Charm El-Cheikh, en Egypte, ne mérite ni autant d’enthousiasme, ni autant d’opprobre. Explications.

Par Maître Taoufik Ouanes *

Plusieurs qui, à l’intérieur ou à l’extérieur de la Tunisie, veulent enraciner dans les opinions publiques nationale et internationale des idées aussi fausses que malintentionnées; à savoir que les Tunisiens et leur président Kais Saïed sont antisémites et antijuifs. De telles idées sont tout simplement infondées et dangereuses.

Il ne faut pas monter très loin dans le passé pour se rendre compte que tout au long de l’histoire la communauté tunisienne de confession israélite n’a pas souffert de discrimination ou de persécution à cause de sa religion. Du moins à un degré significatif.

Nous n’allons pas réitérer la réalité, maintes fois rappelée, de l’intégration depuis toujours des juifs dans le tissu social de la Tunisie. Une des preuves les plus édifiantes est que l’île Djerba a été historiquement une terre d’accueil et d’asile pour les juifs persécutés à l’époque de la destruction du temple de Jérusalem, plus de cinq siècles avant Jésus-Christ. La synagogue de la Ghriba dans cette île située au sud-est de la Tunisie est ainsi devenue un symbole de la sacralité juive et un lieu de pèlerinage et d’enracinement cultuel.

Plus récentes sont les positions prises par Bourguiba lors de la deuxième guerre mondiale contre la tentation nazie et dans son discours à Jéricho (Ariha) en 1965, en Palestine.

Tromperie politique et malhonnêteté intellectuelle

Ainsi, pure imposture que de penser que la Tunisie ou son peuple sont un berceau de l’antisémitisme ou de l’antijudaïsme. 

La problématique arabo/palestino israélienne n’est apparue et n’a la moindre raison d’être qu’en référence aux droits des Palestiniens et des exactions commises à leur encontre. Poser cette problématique en dehors de ce cadre et tenter de l’appréhender dans le référentiel de l’antisémitisme et de la hai²ne n’est qu’une tromperie politique et une malhonnêteté intellectuelle.

A ce propos, ce qu’on appelle «normalisation» entre des Etats arabes et Israël ne peut être conçue, analysée ou critiquée que dans la mesure où elle débouche sur un abandon, voire une négation des droits des Palestiniens.  Ces droits sont universellement reconnus et par l’écrasante majorité des Etats de la communauté internationale.

C’est exactement cela, et que cela que voulait mettre en exergue le candidat Kaïs Saïed en déclarant que la «normalisation» est une «haute trahison… aux droits des Palestiniens, et rien d’autres». D’ailleurs Kaïs Saïed, devenu président de la république, a très vite déclaré que la «normalisation» était une décision souveraine des Etats arabes qui seuls peuvent la décider.

C’est dans ce sens que lors de son discours d’investiture de président de la république, Saïed a invité et chaleureusement salué la présence du Grand Rabbin de Tunis comme l’un des représentants des trois grandes religions des Tunisiens. Beaucoup d’esprits chagrins se sont frotté les mains en attendant ou plutôt souhaitant que le président de la Tunisie fasse de la question de la «normalisation» le thème central de son discours pendant le sommet arabe qui vient d’avoir lieu à Alger il y a quelques jours. Ils ont été lamentablement déçus. Leur obsessionnelle frénésie à coller au président de la Tunisie l’étiquette antisémite ne cesse de faire des flops successifs.

Contrairement à plusieurs pays, la Tunisie n’a interdit à aucun de ses sportifs de jouer contre des Israéliens et à aucun de ses artistes de se produire en Israël.

Tous ceux qui ont poussé à de tels forfaits ne présentent qu’une faible minorité, au fond animés par des réflexes d’ignorants que des sentiments de haine contre les juifs.

Courtoisie diplomatique et discernement politique

C’est dans ce contexte qu’on doit scruter l’échange furtif entre la cheffe du gouvernement et le président d’Israël lors du sommet de la COP27 à Charm El-Cheikh. Faire preuve de courtoisie diplomatique et de discernement politique n’a pas toujours été le point fort des dirigeants arabes. Ceci n’est pas une «normalisation» qui fait fi des droits des Palestiniens.

Tous ceux qui essayent de faire ou dire le contraire ne feront ni avancer la cause palestinienne ni la promouvoir la paix et la prospérité dans le Moyen-Orient. Ils ne rendront surtout pas service à la Tunisie qui fait face à une restructuration institutionnelle compliquée et à une situation économique très difficile.

A ceux-là, je leur demande de cesser leurs logorrhées malsaines. Notre pays n’a pas besoin de plus de faux problèmes ni de plus tensions. Surtout quand ils émanent de mauvaises intentions.

A Madame Bouden je dis merci pour avoir, avec votre courtoisie sobre et distinguée, su montrer que le peuple tunisien et son leadership ne sont ni antisémite ni antijuif. Ils sont tout simplement en faveur des droits du peuple palestinien.

* Avocat à Tunis et Genève.

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