La confiance de Hafedh Caïd Essebsi et d’Ennahdha, seul atout dont se prévaut Slim Chaker, ne suffit pas pour faire d’un mauvais ministre des Finances un Premier ministre pour temps de tempête.
Par Nadya B’chir
Depuis l’annonce de l’initiative du président de la république à propos d’un gouvernement d’union nationale, c’est la course au Palais de la Kasbah. Une course effrénée, l’oreille basse, pour hériter du trône d’un Habib Essid déjà presque oublié. Des bruits de couloirs font échos et des noms retentissent, dont un en particulier: celui de l’actuel ministre des Finances, Slim Chaker.
C’est un bal de pourparlers, de négociations et de conciliabules – de conspirations diraient les plus pessimistes –, auquel la scène politique et l’opinion publique assistent, en retenant le souffle.
La rumeur trouve de quoi s’alimenter et les hypothèses présomptives se nourrissent grassement. Et c’est vers Slim Chaker que vont certains pronostics. Et pour cause : il serait le favori de Hafedh Caïd Essebsi, le patron autoproclamé de Nidaa Tounes et fils du président de la république.
Un bilan pour le moins mitigé
Cependant, le ministre des Finances présente-t-il le profil seyant à un poste aussi stratégique en cette conjoncture périlleuse?! Ou aurait-il les yeux plus gros que le ventre en lorgnant vers le siège du chef du gouvernement sans en avoir ni la carrure?!
Le nom de Slim Chaker résonne à une cadence suffisamment fréquente pour agiter la scène politique, inquiéter l’opinion publique et obliger tout le monde à prendre l’hypothèse avec sérieux. D’autant qu’un député du parti Nidaa Tounes a indiqué, dans une déclaration à la presse, qu’avec le parti Ennahdha, un accord a déjà été scellé sur la candidature de Slim Chaker pour succéder à Habib Essid à la tête du gouvernement. Bien que, selon des fuites, il n’existe pas d’unanimité sur la personne du ministre des Finances, son nom est souvent cité.
Zohra Driss, elle aussi députée de Nidaa Tounes, a un avis opposé et ne s’est pas privée de l’exprimer. Elle a, en effet, insisté, dans une déclaration à la presse, sur le fait que Slim Chaker n’est pas apte à tenir les rênes du gouvernement et qu’il n’y aurait qu’à dresser un bilan sommaire de son passage à la Finance pour en tirer les conclusions qui s’imposent.
Bien visé ! Justement, quel est le bilan de Slim Chaker depuis qu’il est membre du gouvernement? Car, en démocratie, on se doit de demander des comptes avant de décider d’une promotion. Or, il n’est un secret pour personne, que sous nos cieux, les nominations par complaisance, par intérêt obscur, ou pour allégeance à un parti ou une partie politique sont encore d’usage. Et c’est là où le bât blesse. Que Slim Chaker ait le profil approprié au poste, aux attentes et aux exigences du moment importe peu pour les grosses têtes qui décident pour nous.
Slim Chaker, quant à lui, n’en démord pas, les objurgations et les réquisitoires à son encontre se multiplient. Le butin en vaut le sacrifice! L’homme n’a guère fait preuve d’efficacité à la tête des Finances. L’aggravation de la crise financière dans le pays depuis son accession au poste de grand argentier de la république en témoigne largement : un taux de croissance prévu dans la Loi de finances 2016 à 2,5% peine à atteindre le 1%, une dette extérieure en gradation pour calfeutrer les trous du budget, des remboursements de prêts onéreux ardemment honorés à échéance, des réformes qui tardent à donner leurs fruits en dépit du caractère urgent de la situation économique, et nous en passons.
La patrie avant ceux des partis
Le choix d’un chef de gouvernement en ces temps fort moroses ne doit s’établir que sur l’unique critère de la compétence assortie de la loyauté aux intérêts suprêmes du pays. Le profil recherché est à mile lieux de celui qu’arbore aujourd’hui Slim Chaker qui ne semble pas s’effrayer d’une mission qui dépasse largement ses moyens. Une mission où le moindre faux pas peut coûter lourdement cher au pays.
Le choix du prochain chef du gouvernement d’union nationale devrait revenir théoriquement au président de la république, réputé pour sa sagesse. Une sagesse fort recommandée dans les pourparlers en cours entre les diverses formations politiques dont les intérêts divergent, et pas toujours sur les idées et les programmes.
Cette épreuve représente pour Béji Caïd Essebsi une occasion pour hisser le seuil de confiance des Tunisiens, responsables politiques et simples citoyens, en sa connaissance des hommes et ses compétences de président de la république, qui veille sur les intérêts de la patrie avant ceux des partis. Et ce sera bien la dernière occasion, car, en cas d’échec, son image et sa réputation, déjà fortement ébranlées, en subiront un coup fatal.
Aussi Slim Chaker devrait-il, en toute humilité, réviser ses ambitions à la baisse, car elles sont trop incongrues dans la situation actuelle du pays. Il devrait aussi comprendre que la confiance de Hafedh Caïd Essebsi et d’Ennahdha, seul atout dont il se prévaut, ne suffit pas pour faire d’un mauvais ministre des Finances un Premier ministre pour temps de tempête.
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