Les législatives anticipées vont avoir lieu comme prévu, le 17 décembre courant, et même si le taux d’abstention risque d’être très élevé, comme s’y attendent tous les observateurs, cela aurait-il un effet dissuasif sur le président Kaïs Saïed, qui semble déterminé à aller jusqu’au bout de son projet politique personnel qu’il a lancé avec la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021 ? Qu’on nous permette d’en douter… (Le Front national du salut manifeste aujourd’hui à Tunis pour exiger le départ de Saïed).
Par Imed Bahri
La présidente du Parti destourien libre (PDL), Abir Moussi, n’en démord pas : les résultats des législatives anticipées sont connues d’avance. Boycottées par des pans entiers de la société, ces élections sont, selon elle, illégales, nulles et non avenues. «Elles sont illégitimes et leurs résultats ne sauraient être reconnus», a-t-elle martelé, lors d’une conférence de presse tenue à Tunis vendredi 9 décembre 2022, poursuivant ainsi son combat contre le président de la république Kaïs Saïed, séparément des autres partis de l’opposition.
Boycotter ou pas…
Mme Moussi, qui reproche au chef de l’Etat de poursuivre un projet politique personnel, a aussi déclaré que la tenue de ces élections n’est pas conforme aux normes internationales ni à la constitution tunisienne, celle de 2014 s’entend, qui a été abrogée par le président Saïed et remplacée par celle adoptée par référendum, le 25 juillet 2022, et entrée en vigueur le 16 août de la même année.
Toute en rappelant la décision du PDL de boycotter ces élections, Mme Moussi a ajouté que son parti «poursuivra tous ceux qui sont impliqués dans le processus devant les tribunaux nationaux et internationaux». Cela inclut les candidats, la commission électorale, le pouvoir politique en place ainsi que les organisations d’observation électorale qui, selon elle, risquent, par leur activité, de légitimer et de «blanchir» ce scrutin illégal, qu’elle appelle également les médias nationaux et internationaux à boycotter, tout en mettant en cause la crédibilité de l’Instance supérieure indépendante pour les élections (Isie), dont tous les membres ont été désignés par le président Saïed.
Par-delà le sérieux dont on pourrait créditer une telle démarche, qui met tout le monde dans le même sac, et fait feu de tout bois, le problème de Mme Moussi et des Destouriens, ainsi que des autres formations boycottant les prochaines législatives (Ennahdha, Front du salut national, Afek Tounes, Attayar, Al-Massar, etc.), c’est qu’ils ont de bonnes raisons de ne pas reconnaître la légitimité d’un scrutin organisé dans le cadre d’un processus politique amorcé par un pouvoir personnel et en dehors de tout consensus national, mais quel résultat pourraient-ils sérieusement espérer d’un tel boycott?
Une impasse politique
En effet, et en dépit de cette forte opposition, les élections vont finalement avoir lieu et même si le taux d’abstention va être très élevé, comme s’y attendent tous les observateurs, cela aurait-il un effet dissuasif sur le président Saïed, qui semble déterminé à aller jusqu’au bout du processus qu’il a entamé avec la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021 ? Qu’on nous permette d’en douter, d’autant que les opposants à Saïed sont en train de lui faciliter énormément la tâche en menant leur combat séparément et en se regardant comme des chiens de faïence.
Aussi, dans tous les cas de figure et qu’elle que soit l’issue d’un scrutin qui ne semble pas intéresser beaucoup de monde, le résultat sera catastrophique pour toute les parties en présence, pouvoir, opposition et peuple réunis, c’est-à-dire qu’on aura droit à plus d’incertitude, plus de crise et plus d’instabilité politique, qui plus est, dans un contexte de gros marasme économique et social.
Il faut dire, dans ce contexte, à la décharge de ses opposants, que le président Saïed ne leur a pas laissé beaucoup le choix des armes : il les a enfermés dans une impasse politique, et ce sont les Tunisiens dans leur ensemble, ceux qui participent aux élections comme ceux qui les boycottent, les partisans de M. Saïed comme ses opposants, qui, au final, auront à payer les pots cassés. Et il y en aura des pots cassés…
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