Les potins du cardiologue : ces couleuvres qu’on nous fait avaler !

Du syndrome de la persécution au narcissisme pervers : variations sur le thème du déni, ou les bienfaiteurs de l’humanité font ce qui bon leur semble.

Par Dr Mounir Hanablia

Un voisin, dont le chantier traîne maintenant depuis près de sept ans, passe son temps à construire, polir et creuser le mur d’enceinte du véritable mégalithe, digne d’un tombeau, qu’il est en train de bâtir.

D’aucuns diront qu’après tout, c’est son droit, d’autant que par les temps qui courent, les emplois se font plutôt rares.

Certes ! Mais ce bienfaiteur de l’humanité s’étant vu prier de fixer une date de clôture des travaux du fait des nuisances évidentes occasionnées a balayé les remarques relatives à la présence dérangeante de ses ouvriers face aux fenêtres de ses voisins, en usant d’une expression savante, celle de «syndrome de la persécution».

L’accusé mué en psychiatre

Autrement dit, l’accusé s’étant mué en psychiatre, ses accusateurs sont devenus par la force des choses des malades mentaux, auxquels aucun crédit ne peut être accordé.

Cela rappelle évidemment les livres d’Alexandre Soljenitsyne, en particulier ‘‘Une journée d’Ivan Denissovitch’’. En Union Soviétique, l’ex-paradis socialiste, les opposants au régime politique n’étaient pas reconnus par les autorités, et ils étaient ainsi pris en charge dans des asiles psychiatriques en tant que déviants asociaux.

Si donc un point commun peut être établi entre un homme d’affaires prodigue et un apparatchik socialiste, il ne peut se résumer que dans une volonté commune de s’imposer, et le choix des moyens importe peu.

La célèbre expérience de Milgram avait ainsi apporté la preuve que, placées dans un système hiérarchisé, rares étaient les personnes qui se soucient du mal qu’elles peuvent occasionner à autrui, y compris en le soumettant à des décharges électriques de forte intensité.

Il faut à ce sujet préciser que le voisin en question n’a rien à voir ni de près ni de loin avec le domaine médical. Mais c’est ainsi ! Le prestige de la profession médicale demeure tel que rares sont ceux qui, un jour ou l’autre, ne cèdent pas à la tentation d’en user quelques expressions afin de faire avaler quelques couleuvres.

Ainsi le propriétaire d’un grand laboratoire pharmaceutique avait dans les années 80-90 pris l’habitude de se faire appeler Docteur par son personnel. Mais il ne faut pas croire que la profession chère à Esculape échappe à ce narcissisme pervers. Ainsi le nombre de médecins dans les congrès médicaux, qui par des communications scientifiques s’attribuent des compétences qu’ils ne possèdent en réalité pas, demeure plus important qu’on ne le pense. Et les identités véritables des praticiens auteurs des actes sont souvent des secrets jalousement gardés dans les cliniques.

Mais il n’y a pas que le domaine scientifique. Plusieurs écrivains réputés avaient ainsi l’habitude de se faire rédiger leurs best-sellers par des doubles; en le niant bien évidemment.

Esprit citoyen et/ou langue de bois

La question du déni peut certes prendre des proportions graves. Une dame distinguée, qui un beau jour avait décidé d’interdire à la circulation le terrain municipal adjacent à son domicile pour le transformer en un jardin à son usage exclusif, ne s’est pas fait appeler docteur; elle a simplement prétendu agir pour embellir le quartier, et contre le danger… des chiens. Quant à son voisin, qui n’y avait pas soulevé d’objection, il a qualifié les inévitables réactions contre cette annexion… de querelles de voisinage. Et l’autorité municipale en charge d’un quartier situé en haut d’une falaise de plusieurs centaines de mètres ouverte aux quatre vents s’est montrée brusquement soucieuse de ne pas retirer la grille illégalement installée… pour protéger les passants des quelques mètres de dénivellation avec la rue en contrebas.

Quand l’esprit citoyen et la langue de bois se confondent !       

* Médecin de libre pratique.

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