Emmanuel Macron est dans une situation de cul de sac. Aujourd’hui, il joue son mandat et son avenir politique. Est-ce la fin de son mandat ou bien assistera-t-on à sa résurrection?
Par Chedly Mamoghli *
Tel est l’enjeu de son intervention ce soir. D’un homme auréolé, il est devenu un homme haï. Il cristallise aujourd’hui la profonde colère populaire. Cette colère a un nom: Emmanuel Macron. Comment ce basculement de l’extrême à l’autre s’est-il opéré? Et bien il y a deux éléments…
D’abord avec son élection, il a soulevé un immense espoir or les personnes ou les événements qui soulèvent un grand espoir (souvent plus émotionnel que rationnel) parfois même euphorique, à ce grand espoir qu’ils suscitent succède souvent la déception. Le messie qu’on leur a vendu ou l’événement qu’ils croyaient qu’il allait changer leur vie se révèle décevant. D’où un dur retour à la réalité qui nourrit un profond ressentiment. C’est cette déception qui a rompu la confiance entre le peuple et Macron.
Un «dégagisme» a succédé au «dégagisme»
De cette vague de «dégagisme» en 2017 basée sur le rejet de la classe politique traditionnelle qui a permis à Emmanuel Macron de devenir président, on assiste aujourd’hui à un rejet d’Emmanuel Macron à son tour. Un «dégagisme» a succédé au «dégagisme».
Ensuite, le mouvement des gilets jaunes – qui est un mouvement basiste et qui cristallise, en France, la crise de notre époque – est porteur d’une multitude de demandes, d’exigences et de revendications diverses et variées et qui sont parfois contradictoires, il n’y a pas de thèmes fédérateurs d’où le fait qu’une cible devient fédératrice et cette cible c’est Emmanuel Macron.
Donc non seulement la confiance est rompue entre le peuple et Macron mais encore pire, il devient la cible fédératrice de cette révolte d’où une haine viscérale à son égard. Et cette haine devient irrationnelle et elle est nourrie par l’effet de foule. C’est devenu une haine personnelle, une haine de l’homme pas seulement du président.
Normalement en politique, on peut critiquer à fond un responsable politique mais ça ne doit pas aboutir à une haine de la personne en tant que telle. Mais la foule quand elle devient irrationnelle et quand elle se déchaîne, elle ne connaît plus aucune limite, elle peut même tuer et lyncher. C’est devenu fou, des gens crient des slogans plus vulgaires et plus grossiers les uns que les autres du genre «Macron pédé», «Va baiser ta vieille». Au Puy-en-Velay, certaines personnes lui ont balancé «Aujourd’hui, les gens veulent voir votre tête au bout d’une pique!». Difficile de descendre plus bas !
Faire estomper la haine et rétablir la confiance
L’enjeu est énorme ce soir, il doit non seulement rétablir cette confiance qui s’est rompue mais également faire estomper cette haine qui s’est installée à son endroit. Emmanuel Macron est un intellectuel et un homme intelligent doté d’un esprit analytique mais il ne doit pas se lancer dans une analyse profonde de la France comme lors de son dernier discours, ce n’est ni un professeur de science politique ni un éditorialiste, ce n’est pas ce qui est attendu de lui. Les gens attendent de lui des réponses claires et concrètes à la paupérisation de la classe moyenne, à la baisse du pouvoir d’achat, à la fracture territoriale et aux 1,8 million de familles monoparentales (familles avec un seul revenu) fortement touchées par cette paupérisation.
En même temps, l’état des finances publiques est déplorable et la marge de manœuvre est réduite. Le dilemme est là. Toute la difficulté est là mais il n’a pas de prétextes à faire valoir. Il a réformé très vite, brutalement et aux dépens des classes moyennes qui sont déjà saignés à blanc et en commençant par supprimer l’ISF, il s’est collé l’étiquette de «président des riches».
Par conséquent, il n’a aucune excuse, il doit trouver les réponses adéquates sinon la confiance sera définitivement rompue et la haine ira crescendo. Il n’a aucune excuse sinon la crise s’enlisera et la France sombrera dans le chaos ce que ne nous souhaitons pas car les extrémistes et les nationalistes, qui sont au pouvoir un peu partout dans le monde, n’attendent que ça pour s’emparer de la France, une des dernières citadelles qui leur résiste.
* Juriste.
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