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La vérité sur le fonds d’indemnisations des victimes des anciens régimes

Séances d’auditions publiques des victimes organisées par l’IVD. 

La polémique portant sur les «indemnisations devant être payées par l’Etat aux islamistes» (sic !) a été déclenchée par une grossière manipulation des dirigeants de Nidaa dans leur guéguerre contre ceux d’Ennahdha, leurs amis et alliés d’hier. Qu’en est-il au juste ? Explications…

Par Chedly Mamoghli *

Suite au brouhaha et à l’immense polémique soulevés par la question des indemnisations pour les victimes des anciens régimes, surtout dans ce contexte de crise économique profonde et d’état déplorable des finances publiques, suite à l’appel à manifester qui vient d’être lancé pour le samedi 15 décembre 2018 et auquel beaucoup de mes amis s’associent et auquel ils m’ont invité… Suite au silence assourdissant sur cette question de la part du gouvernement et aux rumeurs les plus folles qui courent et suite au fait que c’est le flou total qui plane sur cette question (on entend tout et n’importe quoi), je me suis renseigné sur la question et il en ressort les précisions suivantes.

D’un mensonge, l’autre…

Certains ont estimé que des indemnisations ont été prévues, ont été comptabilisées et sont incluses dans le budget 2019 actuellement en cours de discussion à l’Assemblée.

D’autres font circuler qu’il y aura des indemnisations mais versées via le budget de l’Instance Vérité et Dignité (IVD), fiancée par le budget de l’Etat.

Or, la question remonte au budget de l’Etat de l’année 2014, dernier budget voté par le gouvernement Ali Larayedh (Ennahdha), en décembre 2013.

Dans cette loi de finances 2014, il a été décidé de créer le fonds Al-Karama, un fonds d’indemnisation des victimes des ancien régimes doté d’un montant de 10 millions de dinars. Cette somme est un budget de démarrage garanti par l’Etat, qui ne dépensera pas un sou de plus, le reste des montants nécessaires devant être mobilisés par d’autres moyens.

L’IVD a pour mission d’arrêter la liste des personnes à indemniser (on parle de 10.000 personnes couvrant la période allant de 1955 à 2011) et de fixer les critères d’indemnisation (une décision-cadre sur les critères de réparation a été rendue publique par l’IVD le 24 novembre dernier).

Une fois la liste arrêtée, ce fonds succédera à l’IVD et, à ce moment-là, les montants d’indemnisations seront fixés et le fonds versera à chaque personne la somme qui lui sera allouée.

L’IVD finira ses travaux ce mois-ci et le fonds devra lui succéder au début de l’année 2019, c’est pour cela que la loi de finance 2019 contient ce fonds et son budget de démarrage.

En plus, c’est le dernier budget qui sera voté par l’actuelle législature (le dernier voté avant les élections législatives de 2019). Et Ennahdha, dont la base électorale réclame ces indemnisations (car la plupart des indemnisés appartiennent à la mouvance islamiste plus qu’à la gauche et aux autres mouvances) veut que le processus soit lancé avant les prochaines élections au risque d’attirer les foudres de ses sympathisants qui se sentiront trahis si le processus d’indemnisation n’avance pas avant les élections.

N’oublions pas que l’Assemblée a voté la fin des travaux de l’IVD pour le 31 mai 2018. Par conséquent, les décisions prises après cette date – dont la liste qui sera arrêtée ce mois-ci – peuvent être légalement remises en cause. L’IVD avait rétorqué à l’époque qu’elle ne pouvait pas clore ses travaux avant le 31 décembre 2018. D’où la prolongation de ses travaux jusqu’à la fin de ce mois.

Les dindons de la farce de Nidaa

Voilà, en toute objectivité, tous les éléments. Après chacun son avis sur la question.

Personnellement, je suis contre toute hausse des dépenses de fonctionnement (c’est-à-dire contre toute hausse des salaires et tout recrutement non nécessaire dans la fonction publique) et contre toute indemnisation. L’argent doit aller vers les dépenses d’investissement seules susceptibles de créer de la richesse, de relancer la croissance et de résorber le chômage de masse. Toute autre dépense ne fera qu’endetter davantage l’Etat et alimenter encore plus la spirale inflationniste.

Et puis, cette histoire des 590 millions de dinars d’indemnisations dont on nous rebat les oreilles est un mensonge monumental inventé de toutes pièces par les dirigeants opportunistes de Nidaa Tounes pour se venger des islamistes (avec qui, pourtant, ils ont été comme cul et chemise pendant 4 ans) et pour «casser» le chef du gouvernement Youssef Chahed.

Ces 590 millions de dinars d’indemnisations dans le budget 2019 sont une énorme manipulation de Nidaa. Ce montant est, en réalité, alloué annuellement à un fonds dédié aux urgences au cas où une catastrophe naturelle ou autre a lieu (صندوق الطوارئ بعنوان مصاريف احتياطية في حالة حدوث كارثة او مصيبة أو قوة قاهرة).

Donc, ne tombons pas dans la manipulation de Nidaa. Et de toutes les façons, s’il y a indemnisation, à n’importe quelle année et à n’importe quel moment, nous nous y opposerons fermement. Mais là, ne soyons pas manipulables et ne soyons pas les dindons de la farce de Nidaa.

* Juriste.

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