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Sahbi Ben Fredj claque la porte de Tahya Tounes : Qui a trahi qui ?

Sahbi Ben Fredj vient de claquer la porte de Tahya Tounes, parti dont il est l’un des principaux fondateurs, et qui soutient la candidature à la présidentielle du chef du gouvernement, Youssef Chahed, pour rejoindre le camp du ministre de la Défense, lui aussi candidat au Palais de Carthage, Abdelkarim Zbidi.

Par Ridha Kefi

Pour une bombe, c’en est vraiment une, et pour cause : ce député élu en 2014 sur une liste de Nidaa Tounes, passé ensuite au bloc parlementaire Al-Horra de Machrou Tounes, puis à celui de la Coalition nationale, noyau autour duquel a été constitué le parti Tahya Tounes, sous le leadership du chef du gouvernement Youssef Chahed, n’est pas du genre passionné, impulsif et encore moins versatile. Ce médecin cardiologue est plutôt un homme calme, rationnel, sobre et réfléchi. On peut donc penser que sa décision n’a pas été prise sur un coup de tête, mais qu’elle a été bien mûrie et ses conséquences, pour lui comme pour Tahya Tounes, bien pesées.

Des combats pour rien

La raison de ce changement de cap est facile à deviner : Sahbi Ben Fredj s’est beaucoup dépensé ces derniers mois pour donner corps au projet de Tahya Tounes et a été parmi les plus fervents soutiens de M. Chahed, lorsque ce dernier, il y a quelques mois, pris au cœur de la tempête, essuyait les coups de partout : la présidence de la république, l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et même, pour un moment, l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), sans parler des partis de l’opposition et de certains médias audio-visuels aux mains de propriétaires poursuivis par la justice pour corruption.

Fidèle parmi les fidèles et croyant dur comme fer à la volonté de Youssef Chahed de combattre la corruption, de restaurer l’autorité de l’Etat et de sortir la Tunisie de la crise où elle se morfond depuis la révolution de janvier 2011, Sahbi Ben Fredj s’est livré corps et âme à un combat titanesque contre les corporations, les lobbys et les confréries de toutes sortes. Ses post sur Facebook ou ses déclarations en faveur du gouvernement, largement repris par les médias, lui ont valu, lui aussi, d’être au cœur de la tempête, vilipendé, dénigré et parfois même insulté. Bon soldat, il s’est battu avec dévouement et sans calcul, quand ces chers officiers se cachaient, le cul bien au chaud, dans leurs bureaux de la Kasbah.

On comprend donc aujourd’hui son dépit : au moment où le parti qu’il a fondé et défendu toutes griffes dehors a constitué ses premières listes pour les législatives, il s’est retrouvé exclu, rejeté, relégué aux oubliettes. On lui a préféré des alliés de la dernière minute, des opportunistes notoires, venus cueillir les fruits, faisant valoir leur statut d’hommes d’affaires et d’argentiers.

Puni pour sa fidélité

Pis encore, ce qui semble avoir le plus blessé Dr Ben Fredj, c’est la justification avancée par certains de ses anciens camarades : «Il est grillé», a-t-on dit. Faut-il traduire par «il a trop servi» ? On l’a, en quelque sorte, puni pour sa fidélité, son engouement et son zèle. Cela n’honore pas les dirigeants de Tahya Tounes qui se sont montrés, à l’occasion, très calculateurs, au sens trivial du terme : ils ont mis une calculatrice à la place du cœur, sans jeu de mot aucun, pour dégoûter ce cardiologue qui n’est pas à sa première déception.

Contacté par Kapitalis, M. Ben Fredj n’a pas confirmé clairement son ralliement à M. Zbidi, mais c’est désormais un secret de polichinelle. Il n’est pas le premier médecin à avoir rallié ce professeur de médecine souvent qualifié de commis de l’Etat, honnête et intègre.

C’est du corporatisme, dirait l’autre, une nouvelle manière de faire la politique, aujourd’hui, en Tunisie, comme jadis le régionalisme, mais pas seulement.

M. Ben Fredj, qui ne supporte pas sa relégation à un rôle de militant de base et aime être à l’avant-garde des combats, semble avoir porté son dévolu sur un candidat auquel il croit et auquel il pourrait porter conseil. C’est son choix, rapide et brutal, espérons pour lui qu’il n’essuiera pas, dans quelques semaines, un nouvel échec.

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