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Lorand Gaspar n’est plus : un grand poète s’est tu

Il aura fallu plus d’une semaine pour apprendre la mort du poète Lorand Gaspar le 9 octobre 2019, parti dans la discrétion et le silence presque, à l’âge de 94 ans. Il exerça comme chirurgien à l’hôpital Charles-Nicolle de Tunis et vécut près de 25 ans en Tunisie dans une petite maison pleine de livres au flanc de la colline de Sidi Bou Saïd.

Par Tahar Bekri *

De nationalité hongroise et française, il est né 1925, à la limite des frontières et des langues qui caractériseront son œuvre, dans le nomadisme et la transhumance fertiles, ouverts fraternellement sur le monde. Il exerça la médecine en Tunisie de 1970 à 1995 et fonda avec sa compagne, Jacqueline Daoud, la revue ‘‘Alif’’ qui paraîtra de 1970 à 1982 et qui sera animée en compagnie de Salah Garmadi et quelques jeunes auteurs tunisiens.

Inutile de rappeler l’importance de cette revue de qualité qui a publié des textes originaux, en arabe, comme en français, aussi des textes de grands auteurs de la littérature mondiale, traduits par Lorand Gaspar lui-même comme Rainer Maria Rilke ou Georges Séferis.

Lorand Gaspar était traducteur et historien, ami de la Palestine, pour laquelle il a consacré deux ouvrages, notamment, son ‘‘Palestine année zéro’’ (éd. Maspéro, 1970).

Depuis son premier recueil, ‘‘Le quatrième état de la matière’’, (éd. Flammarion, 1966), Lorand Gaspar n’a cessé de dire l’essentialité du monde, l’intimité des choses, dans une douceur profonde et apaisante comme pour guérir l’âme humaine. La matière est là (‘‘Gisements’’, éd. Flammarion, 1968; ‘‘Sol absolu’’, Gallimard, 1972) comme attention aux éléments et il s’agit de puiser dans le fin fond des choses la naissance renouvelée à chaque instant. Tout est lumière :

L’été finit par nous démasquer,
nous sommes tout de poussières
couleur de hêtres et de thé,
n’ayant plus
que la lumière pour respirer.
(Gisements).

En 2004, la collection Poésie/Gallimard, publie son beau recueil ‘‘Patmos’’ paru auparavant en 2001. Cerisy-La salle lui a consacré un colloque et un ouvrage critique important sur son œuvre fut publié par les soins de Madeleine Renouard ‘‘Transhumance et connaissance’’ (ed. Jean Michel Place, 1995).

Adieu Lorand Gaspar, dors dans la lumière, toi qui écris :
Dissonances, accords et silence
le feu de ces grands ciels rouge du soir
cherchant quand la braise se coure de cendre
le geste et la parole pour celui qui passe…
(Patmos).

* Poète et écrivain tunisien résidant en France.

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