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Turquie-Qatar-Tunisie : Les Frères musulmans sont de retour

Braves Tunisiens et Tunisiennes, dormez en paix, grâce au retour d’Ennahdha au pouvoir, c’est trois régimes bienveillants, et non pas un seul, qui veillent désormais sur vous : La Tunisie de Ghannouchi, la Turquie d’Erdogan, et le Qatar de l’émir Bin Hamad.

Par Yassine Essid

Voilà une bonne chose faite ! «L’oiseau rare» d’Ennahdha a été élu haut la main et a pris ses fonctions mercredi dernier, 23 octobre 2019, au Palais de Carthage. Tous les poètes de l’alternance douce, pacifique et démocratique avaient largement profité de ce moment historique pour débiter leur baratin sur une Tunisie en train de réécrire l’histoire.

Toujours aussi austère, inflexible, à la morale rigide, ne manifestant aucune espèce d’empathie, le «professeur», pardon, le président Kaïs Saïed, a clamé tout haut qu’il était là pour changer le monde. On n’en pouvait plus de rire devant l’idée saugrenue, présomptueuse même, incommensurablement naïve et fortement contre-indiquée, au vu de l’état général du pays, que ce Dalaï Lama austère puisse faire de la Tunisie le pays le mieux gouverné de la planète ! Il y a de fortes chances pour que cette fable politique finisse en comédie populaire. Bon courage quand même !

Mais le plus dur, et le plus préoccupant, est à venir : le choix et la nomination d’un Premier ministre et la formation de son gouvernement en pleine renaissance des paroles des démagogues : celles d’Ennahdha, Qalb Tounes, Al-Karama et d’autres élus indépendants parfaitement manipulables ou achetables. Au vu de la composition de la nouvelle assemblée que bigarre l’arc-en-ciel des couleurs emblématiques des partis politiques, récupérant ainsi leurs valeurs diffuses dont la signification dépasse rarement la simple description du visible, s’ébauche la recherche d’une coalition gouvernementale gagnante. Une entreprise qui fait penser au casse-tête du Rubik’s Cube, ce cube dont chaque face est divisée en neuf cubes miniatures qui peuvent tourner indépendamment les uns des autres. Le but du jeu est, après avoir mélangé les six faces, de manipuler le cube pour tenter de lui rendre son apparence d’origine, avec les six faces de couleurs unies.

Rached Ghannouchi hésite encore entre le Bardo et la Kasbah

En attendant, la victoire d’Ennahdha a très vite réveillé la marotte des revanchards. Aussitôt le pouvoir reconquis, l’ancien stratège islamiste de légitimation de la violence et leader d’Ennahdha en route vers les pleins pouvoirs, hésite entre accéder au perchoir ou présider l’exécutif. Il a profité de la tenue de la troisième édition du TRT World Forum, organisée par la Radiotélévision de Turquie (TRT), pour se rendre à Istanbul retrouver le président de la république Recep Tayyip Erdogan et accomplir le devoir d’allégeance à son maître à penser qui s’est érigé, il y a longtemps déjà, en défenseur de tous les musulmans du monde.

Il est devenu le leader de la «nouvelle Turquie», le partisan d’un «islam modéré», sans que l’on sache encore si la «modération» signifie le résultat de compromis pragmatiques et de concessions dans le domaine politique, ou si elle est l’expression d’un tournant idéologique. Celui que les Frères musulmans d’Egypte voient comme un modèle pour avoir réussi à s’imposer sur la scène politique turque, face à une armée qui veillait jalousement à la laïcité de l’Etat, est devenu un délirant mégalomane, et pour l’opinion internationale un infréquentable tyran, oppresseur de son peuple, maître chanteur et massacreur des Kurdes. L’offensive de son armée dans le nord de la Syrie, au moment même où ce pays commençait à retrouver une certaine paix, le noyau dur de l’Etat islamique ayant été anéanti, avait même été condamnée par la Ligue des Etats arabes estimant que la Turquie enfreignait la souveraineté de ce pays ravagé par la guerre.

Entre Erdogan et Ghannouchi les relations sont historiques, mais n’ont rien de spécialement glorieux. Le dictateur d’Ankara, qui doit se réjouir d’avoir finalement récupéré son pré carré tunisien perdu en 2014, est aussi un «frère adoptif» qui s’était octroyé l’irritante et inepte philosophie de la «démocratie islamique».

L’«islamiste modéré» utilise la démocratie pour mettre fin à la laïcité

Un court détour par l’histoire de l’islamisme à la turque constitue un raccourci édifiant pour mieux connaître la personnalité de celui qui compte veiller aux destinées de ce pays et le sombre avenir qu’il lui réserve. Cette fois, c’est du sérieux. Ennahdha va s’installer durablement comme une substance vénéneuse qui, au lieu de glisser sur le poli, s’incruste dans les interstices.

Il n’existe pas à proprement parler une organisation en Turquie qui représente le Frère musulman. Mais certains dirigeants de l’AKP fournissaient toutes formes de soutiens à la confrérie : asile, équipements de propagande et l’occasion aux exilés égyptiens de s’organiser pour mieux lutter contre le régime.

Les relations d’Erdogan avec les Frères remontent aux années 1970. À l’occasion de la tenue des conférences de l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane (WAMY), une organisation saoudite salafiste-wahhabiste accusée d’avoir financé Hamas et Al-Qaïda, Erdogan avait rencontré le porte-parole de la confrérie, Kemal Al-Helbawy. À l’époque, il était le conseiller de Necmettin Erbakan, leader du parti de l’Ordre musulman (MNP) banni en 1971 pour violation des principes constitutionnels de la laïcité. Erbakan avait ensuite créé une série d’éphémères organisations politiques, en 1972, 1983 et 1997.

À la fin du règne du parti Atatürk et le début de l’ère du parti démocratique, les Frères musulmans d’Egypte avaient commencé à collaborer avec Necmettin Erbakan, leur grand ami, qui avait fondé en 1969 Milli Görüş, littéralement «vision de la communauté religieuse», une sorte de confrérie prosélyte turque née en Allemagne et destinée à agir en faveur de la diaspora turque en Europe. En quelques années, elle avait à son actif la construction de plus de 500 mosquées outre-Rhin sans parler du «personnel d’encadrement».

Necmettin Erbakan, qui fut premier ministre de 1996 à 1997, avait souligné lors d’un discours prononcé le 13 mai 1991 combien le djihad était important dans la lutte pour la prise du pouvoir politique. En 1996, il a tenté de faciliter l’émergence d’une nouvelle puissance musulmane en réunissant un groupe des huit pays islamiques : la Libye, l’Iran, l’Égypte, le Pakistan, l’Indonésie, le Nigeria, le Bangladesh et la Malaisie. La Fraternité a également fait preuve d’une forte présence lors de la célébration des 533 années d’occupation de Constantinople en 2006. Quant au Parti de la justice et du développement ou AKP, issu du Parti de la vertu (Fazilet Partisi), au pouvoir en Turquie depuis 2002, il était dans une certaine mesure considéré comme une faction des Frères musulmans, offrant ainsi des opportunités d’affaires à des activistes égyptiens dont certains s’étaient installés en permanence en Turquie scellant ainsi la «réconciliation historique» entre les régimes syrien, égyptien et les Frères musulmans.

Suite à l’interdiction du parti de la Vertu (1972), Erdogan créa l’AKP, à l’origine un parti politique au profil caritatif. En 2002, l’AKP gagna les élections et Erdogan est promu Premier ministre. En 2014, après trois mandats, Erdogan était élu président de la Turquie.

Avant son accession au pouvoir, Erdogan était un disciple de Necmettin Erbakan, mais en plus ouvert, incarnant un islam moderne et moins obscurantiste, inspiré des enseignements soufis du poète iranien Shamsuddîn Al-Tabrîzi et de son disciple Jalaluddin Rûmî. Il se présentait comme un «islamiste modéré» qui préfère emprunter la voie démocratique pour atteindre ses objectifs qui ne sont autres que de mettre fin à la laïcité. «On ne peut pas, disait-il, être laïc et musulman à la fois. On est musulman ou on ne l’est pas… Dire que la souveraineté appartient sans condition à la nation est un gros mensonge».

Au-delà des vicissitudes de l’histoire, Erbakan et Erdogan avaient maintenu d’étroites relations avec le réseau international des Frères musulmans. À la mort d’Erbakan, survenu en février 2011, son enterrement fut l’occasion de réunir toutes les grandes figures de la confrérie.

Dans l’édition du 3 mars 2011 du quotidien turc ‘‘Hurriyet’’, on y apprend que Rached Ghannouchi avait décrit qu’Erkaban était «non seulement un ami, mais un grand frère qu’il considère comme un ancêtre fondateur et intellectuel des Frères musulmans, au même titre que Hassan Al-Banna et Sayed Qutb».

D’ailleurs, les islamistes turcs étaient fascinés par l’expérience égyptienne à telle enseigne qu’ils s’étaient mis à traduire les œuvres de leur fondateur et les enseignements de leurs théoriciens du 20e siècle.

Erdogan supporteur de la «révolution islamiste» tunisienne

La Turquie n’a donc jamais cessé d’entretenir des solides relations avec les Frères musulmans pourvu que ces derniers servent ses intérêts. L’engagement turc va se révéler avec force à l’occasion des événements du «printemps arabe». En septembre 2011, Erdogan se rend en Tunisie, pays déclencheur du «printemps arabe» pour soutenir son «frère» Ghannouchi. Il avait déclaré à l’occasion que «l’islam et la démocratie n’étaient pas contradictoires et un musulman peut gérer un Etat avec beaucoup de succès»; que «la réussite du processus électoral en Tunisie va montrer au monde que la démocratie et l’islam peuvent aller ensemble». Des paroles destinées avant tout à atténuer les fortes craintes que l’influence d’Ennahdha suscitait alors parmi les amateurs des feuilletons turcs et dans les milieux laïques et intellectuels tunisiens

Pour le cas de l’Egypte, Ankara était devenue la plaque tournante régionale de l’organisation des Frères musulmans et Istanbul le lieu où se tenaient les réunions en vue de discuter les mesures à prendre contre les militaires qui allaient par la suite renverser le président Mohammed Morsi. Ces actions, parrainées par Ankara, faisaient partie de la tentative des Turcs de proscrire la «légitimité étrangère» de la nouvelle direction égyptienne, un projet qui s’ajoutait à son rôle de centre de formation politique.

La défense des Frères musulmans par la Turquie lors de la prise d’assaut par les forces de sécurité égyptiennes du sit-in de Rabaa Al-Adawiya, avait montré les liens qui unissaient Erdogan à l’organisation internationale des Frères musulmans et leur objectif commun pour «restaurer l’époque de la grandeur et de la domination islamique», considérée par les Frères comme le fondement de la protection de «la nation islamique».

De nombreux reportages mettent en aussi en évidence le rôle de la Turquie dans le soutien à la Fraternité avec des armes et l’accueil d’activistes. La Turquie avait également accueilli de nombreux fugitifs après la révolution du 30 juin, en coordination avec le Hamas à Gaza et l’Etat du Qatar.

Les frères musulmans et la «stratégie de patience et de dissimulation»

Dans ce contexte, Istanbul avait organisé deux meetings importants. Le premier a eu lieu, le 10 juillet 2013, dans un hôtel près de l’aéroport Atatürk et a rassemblé des dirigeants de l’organisation internationale islamiste, tels que Youssef Nada, un grand homme d’affaires et stratège financier des Frères musulmans, Mohammad Riyad Al-Shafaka, le guide des frères en Syrie, Rached Ghannouchi et des représentants du mouvement Hamas. Ce meeting s’est tenu à l’ombre d’une conférence mondialement connue organisée par le parti turc Saadet pour soutenir la démocratie.

La conférence a adopté une «stratégie de patience et de dissimulation» issue d’une étude évaluant la situation après le coup militaire contre les «dirigeants légitimes» en Égypte, préparée par le Centre international d’études et de formation de la Fraternité. Cette stratégie consistait à lancer des campagnes de sensibilisation, à traduire en justice les personnalités de l’armée égyptienne, à déclencher le conflit au sein des communautés, à appeler à la désobéissance civile et à assiéger les principales institutions gouvernementales.

La seconde conférences, tenue en août 2015, permit l’adoption d’un plan d’action pour faire face à ce qui s’est passé en Égypte. La réunion a également étudié les répercussions des événements d’Egypte sur les organisations frères en Tunisie, au Soudan, en Jordanie et en Algérie. On y a également discuté des obstacles à leur libre circulation dans les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG). La réunion a rassemblé un grand nombre de membres internationaux de la Fraternité, venant notamment du Maroc, de Malaisie, de Mauritanie, de Libye, de Somalie, de Syrie et du Kurdistan-Irakien.

En parallèle, Istanbul a organisé une autre réunion les 25 et 26 septembre et les Frères musulmans y ont participé en tant que membres du «syndicat des parlementaires islamiques» et de «parlementaires pour la transparence».

La Turquie semble toujours soutenir la ligne de la «démocratie rétablie par des élections», négligeant son slogan précédent consistant à soutenir «la légitimité faite par la révolution» adoptée pour renverser le président Hosni Moubarak. Cela signifiait un refroidissement des relations, non seulement entre la Turquie et l’Égypte, mais son extension à d’autres pays arabes qui s’opposent à l’accueil par la Turquie de dirigeants des frères musulmans.

Seule ombre au tableau, l’extradition par la Turquie d’un membre des Frères musulmans égyptiens, Mohammed Abdelhafiz, accusé d’avoir assassiné un juge égyptien de haut rang. Un geste considéré comme un événement unique pour un pays connu pour avoir accueilli diverses activités des Frères musulmans.

Cet incident a été suivi d’une autre disparition «mystérieuse» qu’avaient confirmée des sources turques à 7DNews. Cette fois, un autre membre des Frères musulmans égyptiens, Nabil Saad, a été arrêté à l’aéroport international Atatürk d’Istanbul alors qu’il rentrait du Soudan. La source a également signalé qu’un troisième membre, Hisham Abdullah, avait été arrêté et retenu pendant plusieurs jours. Le porte-parole de la confrérie en Syrie, Zuhair Salem, avait également été détenu pendant trois jours à Istanbul avant d’être relâché à la suite d’interventions de haut niveau de la part de l’organisation islamiste.

Cependant, malgré ces extraditions, le gouvernement turc clamait toujours son soutien indéfectible aux membres de la confrérie surtout après l’annonce faite par Donald Trump, en avril 2019, qu’il entendait déclarer l’organisation internationale des Frères musulmans comme organisation terroriste.

Les liens d’Erdogan ne se limitaient pas qu’aux Frères musulmans. Les archives du Middle East Media Research Institute (MEMRI), révèlent aussi les relations étroites qu’entretenait Erdogan avec Gulbuddin Hekmatyar, un seigneur de guerre afghan surnommé le «boucher de Kaboul» par les Américains. M. Hekmatyar entretenait des liens de longue date avec Oussama Ben Laden et s’est chargé de lui offrir un asile en Afghanistan après avoir fui le Soudan en 1996.

Hekmatyar aurait déclaré à la télévision pakistanaise en 2003 avoir aidé Oussama Ben Laden et Ayman Al-Zawahiri à s’enfuir des montagnes de Tora Bora lors d’une offensive des troupes américaines. Au cours des années 2000-2010, Hekmatyar vivra en exil en Iran, puis au Pakistan. Fin 2004, alors qu’il se trouve au Pakistan, Hekmatyar appelle au djihad contre les États-Unis. Entré dans l’opposition au président Hamid Karzai, il déclare dans un enregistrement vidéo, diffusé le 4 mai 2006 par la chaîne Al Jazeera, vouloir désormais combattre sous le commandement d’Al-Zawahiri, le numéro deux d’Al-Qaïda. Il est alors officiellement déclaré «terroriste mondial» par les États-Unis.

Une chronique publiée le 23 mars 2005 dans le ‘‘New York Sun’’ par Steven Stalinsky, porte une photo justifiant les relations de longue date qu’entretenaient le président turc Recep Tayyip Erdogan et Hekmatyar, l’homme aux pieds duquel il est assis. Une posture symbolique qui traduit le respect, l’estime mais surtout la soumission.

Les dirigeants turcs, qui considèrent toujours que l’alliance avec les Frères musulmans n’a rien de dommageable, au vu de l’état de l’organisation en Egypte et en Syrie, ne manqueront pas de se réjouir de l’ascension à la tête de la chaîne de commandement d’Ennahdha en Tunisie, contribuant ainsi en retour à renforcer les chances de l’AKP comme futur leader de la Turquie moderne et de la région arabe postrévolutionnaire, au moins tant qu’Erdogan sera au pouvoir.

Il reste maintenant à Ghannouchi, dessaisi en 2013 du pouvoir, et qui a vécu cinq ans tourmenté par une forme de désir de revanche, d’aller à Doha pour exprimer cette fois sa gratitude au cheikh Qatari, Tamim Bin Hamad, et rassurer le détenteur du chéquier que ses deniers ont été dépensés à bon escient.

Cette démarche est d’autant plus nécessaire, que le Qatar a été l’un des États les plus actifs du «printemps arabe». Il a largement soutenu les soulèvements avec une couverture médiatique ainsi qu’un soutien financier, diplomatique et matériel aux opposants. En appuyant des groupes islamistes tels que les Frères musulmans, le Qatar a installé une sorte de relation directe et intime avec les mouvements islamistes. Au gouvernement égyptien, dirigé alors par les Frères musulmans, Mohammed Morsi, le Qatar avait octroyé des dizaines de milliards de dollars et du gaz naturel liquéfié (GNL) gratuit. La Tunisie de la Troïka avait également bénéficié de substantiels appuis sonnants et trébuchants. Par ailleurs, le Qatar a longtemps accueilli Yusuf Al Qaradawi, l’un des membres les plus influents de la confrérie et lui a fourni une plate-forme sur Al Jazeera pour accroître son influence de manière exponentielle.

Cependant, contrairement à la Turquie d’Erdogan, cette relation apparente pose un mystère, car on ne voit pas tout de suite pourquoi le Qatar, dont le credo officiel en matière d’islam est le salafisme, soutiendrait un tel groupe. D’ailleurs au Qatar la confrérie n’existe pas et l’organisation de la confrérie locale avait cessé toute activité depuis 1999.

Il faut voir dans un tel paradoxe une manière d’exercer une influence politique. Car en remontant l’histoire on découvre le rôle déterminant joué par les Frères dans la mise sur pied des premières ébauches d’une administration Qatari sous forme de cadres et de personnel enseignant.

Comme dans tout les pays du Golfe, les frères musulmans ont joué un rôle particulièrement important dans les domaines de la santé et de la gestion des services sociaux. Bien que fortement présente et agissante, la confrérie restait relativement distante et discrète.

La patiente reconstitution de l’axe islamiste

Une compréhension nuancée des mouvements politiques islamiques dans le monde arabe indique que le Qatar travaille rarement exclusivement avec les Frères. En Tunisie, selon la logique de «nous savons que cela se produit, mais il n’y a aucune preuve», le Qatar est généralement réputé soutenir le parti Ennahdha de Ghannouchi. Même si un rapport d’août 2012 de la Cour des comptes tunisienne soulevait des questionnements légitimes sur la provenance du financement d’Ennahdha. Outre les liens financiers présumés, les relations personnelles abondent. Le fondateur d’Ennahdha se rendait fréquemment à Doha en compagnie notamment de Yusuf Al Qaradawi.

Après la révolution tunisienne, Ghannouchi a déclaré dans une interview avec le journal ‘‘Al Arab’’ que le Qatar était un «partenaire» de la révolution tunisienne, notamment en raison de la couverture d’Al Jazeera. Le gendre de Ghannouchi, Rafik Abdessalem, après avoir travaillé comme chef de la recherche au Centre d’études d’Al-Jazeera à Doha est devenu le ministre tunisien des Affaires étrangères, renforçant ainsi les liens entre les deux États.

Les multiples visites de haut niveau ont conduit Qatar à offrir un soutien économique et des investissements substantiels en Tunisie dans les secteurs des télécommunications, de la banque, du tourisme et des hydrocarbures, en plus du recrutement de 20.000 cadres Tunisiens dont la formation a été assurée par l’Etat tunisien aux frais de ses contribuables.

Les dirigeants de ce joli trio : Tunisie, Turquie, Qatar, ont toutes les raisons de se réjouir avec un retour sur investissement un peu lent certes, mais fructueux. Il fallait juste s’armer de patience. Le pays ne pourra pas être entre de meilleures mains que celles des islamistes démocrates. Que demande le peuple ? Alors braves gens dormez en paix, grâce au retour d’Ennahdha, c’est trois régimes bienveillants, et non pas un seul, qui veillent désormais sur vous !

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