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Le malaise des jeunes médecins et les ravages de l’APC en Tunisie

L’activité privée complémentaire (APC) est l’une des causes et non la seule de la maladie du système de santé tunisien et du malaise actuel des jeunes médecins. Il faut œuvrer à mieux encadrer ces jeunes praticiens qui ne demandent qu’à l’être, et ce n’est pas par coup de conseils de discipline qu’on imposerait le respect.

Par Dr Alaeddine Sahnoun *

Nous vivons, depuis un certain temps, au rythme des actions de protestation de nos jeunes médecins en formation contre ce qu’ils considèrent comme un abus de pouvoir et une atteinte à la liberté d’expression subite par un de leurs confrères.

En effet, l’instance académique de la Faculté de médecine de Tunis n’y est pas allée de main morte pour sanctionner l’auteur d’une publication sulfureuse sur un groupe fermé de Facebook, qui regroupe les étudiants de la Faculté de médecine de Tunis.

Je ne vais pas rentrer dans les détails de l’affaire en question, mais ce qui m’a surpris et étonné c’est le manque de communication entre les étudiants et le cadre enseignant, le manque de respect de certains envers leurs maîtres et la rigidité de l’administration et du conseil de discipline de la faculté qui n’a pas hésité à punir sévèrement une publication Fb comme s’il fallait faire un exemple ou un bouc émissaires. Ont-ils peur que ces jeunes s’expriment ?

Toutes cette affaire n’est qu’un symptôme d’un malaise très profond qui touche tous les protagonistes jeunes et seniors. Je reproduis ci-dessous une publication que j’ai publié sur Facebook en 2018, qui diagnostique et donne un traitement pour ce mal.

La médecine tunisienne malade de l’activité privée complémentaire

«Le malheur de la génération actuelle de jeunes médecins, c’est qu’elle n’a que rarement été en contact avec les grands mentors de la médecine tunisienne, elle a été très mal encadrée, elle a été témoin de tous les maux qu’a fait subir à notre corps de métier l’activité privée complémentaire (APC) : manque de formation, manque d’encadrement, perte des idéaux, des valeurs d’abnégation et de dévotion et de patriotisme que nos maîtres nous transmettaient jadis.

Une jeunesse livrée à elle-même devant la complexité de notre art et la violence d’un citoyen de plus en plus exigeant et difficile à satisfaire.

C’est prévisible que ces jeunes dépourvus de toutes armes pour faire face aux défis actuels et futurs de la santé publique en Tunisie, cherchent à exercer ailleurs (à l’étranger) et qu’ils aspirent à quitter, au plus vite, un secteur qui glisse de plus en plus (même dans nos centres hospitalo-universitaires) vers la pratique d’une médecine de guerre et de débrouillage .

Le cancer qui ronge notre métier c’est ‘‘l’argent’’ qui circule dans les couloirs de nos CHU.

L’APC abusive et anarchique finira par détruire totalement ce qu’était une success story nommée la médecine tunisienne.

Il faut certes que nos maîtres et professeurs aient tout le respect et les garanties morales et surtout matérielles pour mener à bien leurs missions, et il faut aussi donner les moyens nécessaires pour que nos jeunes soient en permanence encadrés et qu’ils retrouvent des modèles à qui s’identifier.

Vers la création d’un ‘‘fond d’encadrement et de recherche scientifique dans le domaine de santé’’

La valorisation de l’encadrement pourrait se faire par la création d’un ‘‘fond d’encadrement et de recherche scientifique dans le domaine de santé’’ qui pourrait assurer une rémunération juste et équitable des efforts fournis par ces maîtres sans qu’ils soient obligés d’exercer une autre activité pécuniaire “ parfois dégradante’’ au sein même de leurs services.

Ce fonds pourrait être financé par une augmentation du ticket modérateur des CHU pour les consultations et les actes chirurgicaux, une participation obligatoire des laboratoires pharmaceutiques tunisiens et étrangers selon leurs chiffres d’affaires, et l’orientation vers ce fonds de la ‘‘TVA de la honte’’, la TVA sur la maladie, payée par le secteur libéral…

Ce fonds financerait le travail d’encadrement et de recherche scientifique, sans distinction entre spécialités médico-chirurgicales (là où fleurit l’APC) et les spécialités fondamentales (orphelines).

Ce financement serait sous forme de primes qui évoluerait selon la productivité scientifique d’un service et qui fournirait un complément de salaire aux hospitalo-universitaires assistants, professeurs agrégés et professeurs qui choisiront de rester dans un secteur public sans APC et sans argent dans les couloirs…

À bon entendeur salut…»

L’APC est l’une des causes et non la seule de ce malaise, il faut œuvrer à mieux encadrer une jeunesse qui ne demande que ça, et ce n’est pas par coup de conseils de discipline qu’on imposerait le respect.

* Président du syndicat tunisien des médecins libéraux, section de Sousse.

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