Kaïs Saïed aurait refusé, hier, vendredi 28 août 2020, de recevoir Hichem Mechichi. L’information n’a pu être vérifiée auprès d’une source officielle mais elle est confirmée par les récents cafouillages qui traduisent un malaise dans les relations entre le président de la république et le chef de gouvernement désigné, sur un fond de crise généralisée.
Par Ridha Kefi
Ces cafouillages ont concerné, surtout, les ministres proposés pour les départements de l’Equipement, de la Culture et de l’Intérieur, qui ne semblent pas bénéficier de l’accord des deux hommes.
Des signes aussi montrent une volonté du chef de l’Etat de gérer lui-même directement la formation du nouveau gouvernement et de marginaliser, par là même, le chef de gouvernement désigné, ainsi réduit au rôle de factotum, ce qui en dit long sur l’avenir que Saïed réserve à Mechichi, celui d’un Premier ministre chargé d’exécuter les volontés présidentielles, rôle qu’il y a quelques années deux des prédécesseurs de ce dernier, Habib Essid et Youssef Chahed, avaient refusé de jouer vis-à-vis d’un hyper-président, Feu Béji Caïd Essebsi en l’occurrence.
L’énigmatique Kaïs Saïed et le taiseux Hichem Mechichi
On sait que le président Saïed a une folle envie de changer le système politique issu de la Constitution de 2014, qui réduit les prérogatives du président de la république, accorde une très forte prépondérance aux partis, mais au lieu de faire des propositions de loi en ce sens qu’il soumet à l’examen et au vote de l’Assemblée, il multiplie les décisions intempestives visant à élargir son champ d’intervention au point de se substituer, de fait, au ministre des Affaires étrangères et au chef de gouvernement désigné, dans une volonté évidente de présidentialiser un système censé être parlementaire.
Un diplomate en poste à Tunis nous disait cette semaine : «Nous n’avons plus aujourd’hui en Tunisie qu’un seul interlocuteur, le président Saïed». Et une telle remarque, dans son esprit, est loin d’être l’expression d’une satisfaction et encore moins d’un éloge. Car avec un gouvernement de gestion des affaires courantes, démobilisé et déjà sur le départ, un autre attendant encore d’avoir la confiance de l’Assemblée, et de moins en moins assuré de l’avoir, cette sacrée confiance, et un ministère des Affaires étrangères sans titulaire officiel et géré par intérim, les chefs des représentations diplomatiques accrédités à Tunis ont parfois du mal, eux aussi, à s’y retrouver et ne savent plus à qui s’adresser pour faire avancer les dossiers de coopération en suspens, sachant que certains de ces dossiers n’attendent plus et requièrent une réaction rapide de la part des autorités tunisienne.
Des raisons de s’inquiéter à l’approche d’une rentrée mouvementée
Dans ce contexte pesant, et alors que le pays fait face à une grave crise économique, traduite par une récession pouvant atteindre -7% à la fin de l’année, aggravée par la crise sanitaire de la pandémie de la Covid-19, et la crise sociale d’El-Kamour, à Tataouine, où la production de pétrole et de gaz est l’arrêt depuis le 16 juillet dernier, sans que le président de la république ou le chef de gouvernement de gestion des Affaires courantes réagissent, sans parler de la tragi-comédie provoquée par le limogeage de Chawki Tabib, président de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc) qui refuse de céder la place à son successeur, ces cafouillages auxquels nous assistons depuis la démission d’Elyes Fakhhakh sont de très mauvais augure et nous donnent de bonnes raisons de s’inquiéter, à l’approche d’une rentrée que l’on annonce particulièrement mouvementée.
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