Au début, c’était parti pour être une simple opération de routine. Le vaccin contre la grippe saisonnière dont personne ne voulait est devenu, Covid-19 oblige, la planche de salut à laquelle tout le monde s’accroche dans l’océan de panique et d’exaspération ayant englouti l’opinion publique. Encore faut-il le trouver, ce sacré vaccin devenu carrément inaccessible.
Par Kamel Eddine Ben Henia *
Les quantités de vaccin importées se situaient entre 300.000 et 400.000 doses, réparties entre les pharmacies et les différentes autres corporations (médecins, infirmiers et professionnels de la santé en général) et institutions de l’Etat (hôpitaux), et on s’acheminait vers une campagne de vaccination analogue à celles des années passées, mais c’était compter sans le climat de panique et de peur engendré par le coronavirus. Résultat : les candidats à la vaccination n’ont pas manqué de se ruer sur les pharmacies mettant à sec leurs stocks de vaccin déjà dérisoires.
Pendant ce temps, les autorités sanitaires appuyaient à coup de spots publicitaires cette tendance par une incitation massive à la vaccination contre la grippe, alors que les quantités de vaccins sur le marché sont insuffisantes et épuisées en un temps record, dans une déception unanime. On parle alors d’une deuxième importation, mais celle-là sera moins importante que la première, et donc il n’est plus permis à tout le monde de se faire vacciner, on ne parle plus de personnes âgées vulnérables ou d’atteints d’une maladie chronique, il faut stopper cet élan, mais comment y parvenir ?
On prescrit un vaccin… introuvable sur le marché
Une décision est donc prise, soumettant la vaccination à la prescription d’une ordonnance médicale, délivrée par un médecin, mais rien ne précise si ce médecin doit être généraliste ou spécialiste; or une ordonnance est un document rédigé par un médecin après un examen clinique du malade. Il faut préciser à ce stade que le futur vacciné n’est pas considéré comme malade, c’est-à-dire que l’intéressé qui devait se faire vacciner à la pharmacie même où il se procurait la molécule est contraint aujourd’hui de se faire ausculter par un médecin, moyennant honoraire bien sûr, qui lui prescrira un vaccin qu’il n’est pas assuré de trouver sur le marché. Il sera pénalisé en payant une somme d’argent (non remboursée par la CNAM), difficile à trouver pour les plus démunis, qui n’auront qu’à renoncer à cet espoir d’éviter la double peine (la grippe et la Covid-19), et se protéger de la façon qui leur est offerte en oubliant la vaccination qui, même dans les pays dits pauvres, est censée être à la charge de l’Etat, car il y va de la santé publique.
Pourquoi insulter l’intelligence des Tunisiens, en leur imposant des ordonnances médicales pour un produit qu’on assimile aux médicaments relevant des tableaux d’exception des molécules listées et à quoi doit-on se préparer si le vaccin anti Covid-19 venait à voir le jour lui aussi ?
Les citoyens ne sont pas à ce point dupes pour qu’on leur explique que l’Etat n’est malheureusement pas en mesure de faire face à des dépenses qu’il juge inopportunes, car ne répondant pas à une urgente nécessité.
Panique, rupture de stocks et agressions verbales
À l’instar de se qui s’est passé au début de la campagne de vaccination, beaucoup de citoyens se heurteront à des ruptures de stocks des vaccins dans les pharmacies, et ils auraient dépensé des honoraires médicaux sans aucune raison valable, sinon la mauvaise gestion de la situation sanitaire par les responsables publics.
Pendant ce temps-là, les pharmaciens se préparent à une nouvelle série d’agressions verbales de la part de clients désappointés.
Les citoyens sont conscients que cette sélection imposée dans l’achat des vaccins les invite à se contenter des mesures sanitaires banales. Elle vise, en quelque sorte, à les décourager par des dépenses qu’ils ne pourront pas supporter.
Il convient de noter à ce propos que nulle part ailleurs on ne prescrit obligatoirement des vaccins, qui sont une préparation biologique de plusieurs antigènes microbiens qui stimule le système immunitaire, qu’on injecte pour immuniser les personnes fragiles mais qui ne stoppe pas la contamination. Par conséquent, les mettre au même niveau d’importance que les médicaments livrés sur ordonnance, cela n’a qu’un seul titre : la fantaisie. On peut freiner tout engouement par l’explication et la conviction, on n’a pas besoin de tant de stratégie, et on n’allège pas la souffrance du monde par la contrainte.
* Cadre d’Etat à la retraite.
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