Dans cette Tunisie au bord de la banqueroute, et où continuent de résonner les appels à la préservation d’une souveraineté menacée, émanant de l’incompétence outrée d’élites irresponsables, comme si laisser un pays crever de faim était un facteur de dignité nationale, la mise prochaine sous mandat international ne doit pas être considérée comme une vue de l’esprit.
Par Faik Henablia *
Lors du premier quart du 20e siècle, l’ex-mandat de la Société des nations (SDN) consistait en un statut juridique attribué à certains territoires non européens, ex-colonies allemandes ou possessions de l’Empire ottoman, et confiés à certaines puissances coloniales victorieuses de la première guerre mondiale, telles que le Royaume Uni, la France, l’Afrique du Sud, etc.
L’un des critères d’attribution du mandat était l’incapacité des peuples de ces territoires à se diriger eux-mêmes. Le but ultime étant de les aider à parvenir à la prospérité économique.
Ces Etats déliquescents, sauvés de la banqueroute
Tout le monde se souvient ainsi des mandats français au Liban et en Syrie, du mandat britannique en Palestine et en Transjordanie, ou du mandat sud-africain au sud-ouest africain.
Dans ce dernier cas, un avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) du 11 juillet 1950 s’était montré favorable à une extension, mais sous l’égide de l’Organisation des nations unies (Onu), du mandat sud-africain, en dépit de la disparition de la SDN.
Plus généralement, la plupart des mandats SDN ont subsisté à l’issue de la seconde guerre mondiale.
Plus proches de nous, d’autres exemples d’interventions d’organisations internationales dans la gestion de pays déficients sont fournis par le Fonds monétaire international (FMI), intervenant en Amérique du Sud et en Russie, mais aussi au Royaume Uni, ou par l’Union européenne (UE) intervenant en Grèce, toujours en contrepartie d’une aide financière destinée à sauver ces pays de la banqueroute.
La Tunisie au bout de ses ressources
Un pays déficient et incapable, ou plutôt ayant perdu la capacité de se diriger lui même et, de surcroit, ex-province ottomane, cela ne vous rappelle-t-il rien? Un pays entre les mains d’une classe politique a l’égo aussi surdimensionné que l’incompétence? Un pays dont les indicateurs, économiques, sociaux, culturels, sécuritaires virent à un rouge de plus en plus foncé? Un pays incapable de s’organiser ni de se doter d’institutions efficaces? Un pays ayant choisi la voie d’une régression tout azimut en dilapidant jour après jour les acquis de tant d’années d’efforts et de sacrifices? Un pays dont une grande partie de la population n’a qu’une idée en tête, celle de fuir y compris en risquant la noyade en haute mer? Un pays dont la qualité de signature est régulièrement dégradée par les agences de crédit? Bref, un pays comme la Tunisie, arrivant au bout de ses ressources financières ainsi qu’à sa capacité de lever des capitaux sans hypothéquer sa souveraineté?
Pour en revenir à la SDN, la question du mandat s’était posée dans le cas de l’Arménie, qui préférait être administrée par les Etats Unis, hypothèse finalement rejetée par le sénat américain par crainte de charges excessives pour le budget. Et c’est là le pire, c’est que même en suppliant l’UE par exemple, notre pays en question risquerait de se voir opposer un refus catégorique. Trop de galère! Et ainsi, ne résonneront pas les hauts cris indignés, à la «souveraineté» perdue et émanant de l’incompétence outrée. Comme si laisser un pays crever de faim était un facteur de dignité nationale.
* Gérant de portefeuille associé.
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