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Vaccin dites-vous : Députée bien ordonnée commence par soi-même

La députée indélicate applaudit le président de son parti Rached Ghannouchi.

La députée Arwa Ben Abbes, du parti islamiste Ennahdha, a profité de son amitié avec la directrice régionale de la santé de Manouba, Nabila Gadour, pour se faire vacciner sans avoir pris soin de s’inscrire préalablement sur la liste d’attente de la plateforme Evax, comme le reste des citoyens électeurs. La polémique suscitée par cet acte égoïste n’est pas exagérée et les explications avancées par l’intéressée et son parti sont au mieux ridicules. Car cet acte est pire qu’un passe-droit, sport habituel dans un pays gouverné par les islamistes et qui fait désormais rimer népotisme et démocratie, c’est un crime qui ne doit pas rester impuni. Retour sur une affaire qui déshonore l’Etat et ceux qui sont censés être ses serviteurs…   

Par Mohsen Redissi *

La mentalité de tout ramener vers soi résume admirablement le comportement «spontané» de certains citoyens. On peut à la rigueur leur trouver des excuses. La mort aux trousses, tout un chacun essaye par tous les moyens de se mettre à l’abri quitte à brûler la politesse.

Une députée qui, supposée en touchant de son front le tapis de prière, appelle pour le salut de son âme et la fin du calvaire pour le pays entier, c’est ce que nous rappellent nos imams dans leur prêche. Elle sauve sa peau qui ne vaut guère. Hélas, le parti n’est qu’un label commercial.

Quelle mouche l’a piquée ?

Elle vient de commettre une double faute. Dans les jeux, c’est un carton rouge et un renvoi ou le point est donné à l’adversaire. Elle a usé des ses connivences pour bénéficier de la première dose et d’un subterfuge en sa qualité de députée en arguant qu’elle est majeure et déjà vaccinée. Elle a présenté son bras nu pour la deuxième prise, par éthique médicale elle s’est fait piquer pour la seconde fois. Elle y a vite pris goût. Elle a sauvé sa vie mais elle a terni sa réputation. Elle s’en fout. La vie ici-bas est agréable, pourvu que ça dure plus longtemps. Le ciel peut attendre. Nous avons toute la mort pour nous reposer.

Le bât blesse, c’est que Mme la députée a dégainé son «charme» ou son arme, puisqu’elle est membre de la Commission de la Sécurité et des Affaires des Forces armées d’après les registres officiels de l’Assemblée des représentants du peuple). Elle se lave les mains en utilisant un gel anti-sceptique de la Commission de la bonne gouvernance. Elle se dit membre du Comité spécial pour les Affaires de la Femme de la Famille de l’Enfance et de la Jeunesse. Un imbroglio parlementaire. On ne sait plus à quel «malsain» se vouer.

En essayant d’éviter le parcours ordinaire d’un Tunisien qui attend impatiemment le SMS salvateur pour se faire vacciner, Mme la députée s’est exposée au scandale. Piquée dans son orgueil, dans sa peau c’est déjà fait, elle a eu recours à sa page facebook pour toucher aux sentiments le maximum de gens. Ses excuses laconiques sur son profil («Je reconnais que ce qui s’est passé était une erreur due à un mauvais jugement de ma part … et je m’en excuse») ne l’absolvent pas pour autant de ses erreurs. Si tout le monde agit de la sorte les hôpitaux et les centres de vaccination seront toujours saturés. Son post avare en mots d’excuse mais si prolifique pour défendre sa dose, elle s’est même fabriqué une santé fragile qui reste à vérifier. Le message à la nation doit être plus humble.

J’accuse !

Comment peut-on formuler un avis objectif sur une question délicate quand on a été indélicat ? Le procédé un prêté pour un rendu est devenu un partenariat gagnant-gagnant à l’échelle nationale. Des cris d’alarme sont lancés par les citoyens condamnant et accusant l’Etat de favoritisme dans la première vague de vaccination. J’accuse et l’Etat se récuse. Le dernier incident n’est que la partie émergée de l’iceberg. La députée a été prise en flagrant délit. L’Etat doit tenir les brides de ses officiels resquilleurs, ils sont nombreux. Il y a risque dans la demeure. Par la chaleur qui s’installe, le pays risque de couler sous les milliards de mètres cubes de l’iceberg s’il se met à fondre.

Est-ce une faiblesse momentanée ou un partenariat ? La doctoresse par qui le scandale arrive a été remerciée pour usage abusif de ses connaissances, sociales et non scientifiques. Elle a fait profiter vu sa position très avancée dans le parcours Covid à plusieurs de nos concitoyens d’écourter le délai d’attente en bénéficiant d’un traitement VIP. Pas de queue-leu-leu, un profilage par cousinage et par faciès. Avons-nous tous la gueule de l’emploi ? J’ai la gueule… et je suis aux abois.

Est-ce une action charitable ? Un troc ? Aucune réponse. A vous de voir. Ma première injection est dans quelques jours. Je sauve une partie de moi-même, et après moi le déluge. Telle est la morale de la fable.

* Ancien fonctionnaire international.

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