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Tunisie – 25 juillet 2021 : La constitution de 2014 est caduque

Kais Saied a fait sauter les verrous d’une constitution qui enferme le peuple et hypothèque son avenir au profit de quelques lobbys d’intérêt.

La constitution de 2014 n’est plus actuelle. Ce n’était pas une constitution, loin s’en faut, mais un tissu de ruses pour faire durer au maximum des gouvernants d’une seule couleur, même quand les élections ne leur donnent qu’un quota négligeable de députés, même s’ils doivent corrompre, faire chanter, et soumettre ainsi d’autres partis. Nous voulons une constitution digne de la Tunisie, qui s’inspire de son âme et de son histoire, de la constitution de Carthage, de Ahd El-Aman et de celle de la République tunisienne de 1959.

Par Mohamed Mahjoub *

La réforme de la situation politique engendrée par une constitution qui est en fait la cause de sa crise et de l’étranglement du pays ne peut être nécessairement qu’un acte provenant peu ou prou du dehors cette constitution. Il est en effet de la nature des mauvaises constitutions de n’être perméables à leurs amendements que par une «violence» herméneutique, c’est-à-dire par un acte de la volonté politique obligée de rompre l’aporie constitutionnelle qui la régit, et tout aussi obligée de cesser d’y soumettre son agir politique comme à un encadrement juridique absolu.

Les Tunisiens enfermés dans un régime verrouillé

Le chef de l’État est d’abord un acteur politique. Il est à ce titre, au cas où vous l’auriez oublié, garant de la constitution. Auriez-vous donc tout arrangé pour qu’il ne soit qu’un commis auprès de votre constitution? pour qu’il soit prisonnier de tous les verrous dont vous avez savamment armé votre constitution, des verrous qui hypothèquent non seulement la volonté du président, mais aussi son efficience politique ainsi que la volonté populaire qu’il représente.

Il est temps pour que les constitutionnalistes comprennent que leur profession ne les autorise pas à hypothéquer le peuple et à hypothéquer sa volonté…

Je n’étais pas fan de ce président. Mais auparavant, je ne suis pas un partisan du régime verrouillé dans lequel vous avez enfermé la vie des Tunisiens, tellement verrouillé qu’ils ne voient plus voter aujourd’hui dans leur parlement – pourtant élu – que des lois de corruption, des lois de blanchiment d’argent, des lois d’hypothèque du pays et des lois de protection des voleurs. Ils voient tout cela s’écrire et se proroger quotidiennement sous leurs yeux impuissants; et ils ne peuvent rien faire car votre constitution, et la manière dont elle est mise en pratique, a formellement réponse à tout.

Les nations savent briser les formalismes de leurs chaînes

Comment donc pouvez-vous encore nous parler de votre jurisprudence et de votre autorité herméneutique? Un peu de pudeur, messieurs les constitutionnalistes. Peut-être que l’industrie des constitutions est votre affaire, mais non pas les limites de l’interprétation. Celles-ci concernent aussi le penseur et le politique, afin de garder ouvert un possible que vous voulez verrouiller.

Peut-être que Kais Saied est légèrement sorti de la lettre de votre texte. Mais il s’est représenté que la constitution vise un sens et exprime la volonté du peuple, cette volonté qui nécessite une qualité d’écoute pour laquelle vous n’êtes visiblement pas si bien disposés. Cela est l’affaire du penseur, du politique.

Je vous reprocherais toujours votre incapacité à regarder vos textes hors de vos textes. C’est cela la vertu de l’interprétation que vous ignorez. Cette vertu est un don, une mise de l’histoire afin que les nations sachent briser les formalismes de leurs chaînes.

* Philosophe et universitaire tunisien, membre de Beit Al-Hikma.

** Les intertitres sont de la rédaction.

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