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La «tunisianité» vue à travers l’histoire

Mourad Bey, Hussein Bey et Hamouda Pacha Bey, les Tunisiens venus de l’autre rive.

Si l’on considère l’histoire récente de la Tunisie, on pourrait voir une manifestation importante de la «tunisianité» dans cette interaction, cette symbiose culturelle entre le chef venu d’Europe et les enfants du pays, cette assimilation par le peuple de ses dirigeants d’origine étrangère et méditerranéenne, et ceci depuis le début du XVIIe siècle.

Par Jamila Ben Mustapha *

En effet, cette ouverture forcée à l’Autre qui est due à l’affaiblissement du Maghreb depuis le Moyen Âge, ne s’est pas faite sans une intégration des fondateurs des dynasties qu’a connues la Tunisie depuis 1613 jusqu’à l’indépendance au XXe siècle – celle des Mouradites, puis celle des Husseinites – dans une nécessaire «tunisianité».

Oui, les habitants du pays ont accepté ceux qui voulaient être les représentants de la puissance orientale montante d’alors, celle des Ottomans, présente en Tunisie depuis1574, mais non sans les absorber dans l’identité locale en les faisant devenir musulmans et changer de nom, du moins pour ce qui concerne le premier représentant de la dynastie des Mouradites.

Osmose entre l’étranger et l’autochtone

En effet, son fondateur est un renégat d’origine corse, Giacomo Santi qui se convertit à l’islam, prit le nom de Mourad Bey et reçut l’autorisation, de la part de la Sublime Porte, de transmettre sa charge à son fils, Hammouda Pacha.
Celui de la dynastie de Husseinites, un siècle environ plus tard, en 1705, Hussein Ben Ali, avait un père originaire de l’île grecque de Crète et une mère, Hafcia Cherni, provenant du Kef, symbolisant ainsi par sa personne cette osmose entre l’étranger et l’autochtone.

La fusion réussie entre un chef dont les ancêtres sont venus de loin – toujours d’Europe du Sud – et sa base populaire, s’est perpétuée après l’indépendance avec des présidents possédant une ascendance européenne très lointaine puisque Habib Bourguiba qui a été au pouvoir en Tunisie de 1957 à 1987, est d’origine albanaise, et Béji Caïd Essebsi, président de la république de 2014 à 2019, a des ancêtres originaires de Sardaigne.

De brillants représentants du pays d’adoption

Issus d’arrière grands-parents acclimatés depuis longtemps en Tunisie, ces plantes humaines d’envergure, ces dirigeants au regard bleu comme leur «mère» Méditerranée, sont devenus à leur tour, les brillants représentants du pays d’adoption de leurs ancêtres, dont ils maîtrisent comme personne un de ses traits fondamentaux, l’arabe dialectal, grâce auquel ils ont «conquis» le peuple et su exercer une influence décisive sur lui.

* Universitaire et écrivaine.

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