Né le 25 novembre 1921 à Budapest et mort le 27 mai 1981 dans la même ville, János Pilinszky un poète et dramaturge hongrois, qui n’a jamais voulu abandonner sa patrie, même sous le joug totalitaire communiste, car, dit-il : «Personne ne peut être poète en dehors de son pays.»
Après des études de droit, de littérature et d’histoire à l’université Loránd Eötvös, János Pilinszky a été prisonnier de guerre en 1944, notamment au camp de concentration de Ravensbrück.
Poète d’inspiration catholique, il écrit en 1959 Harmadnapon (Au troisième jour), qui n’est publié que dix ans après, parce que le Parti communiste au pouvoir considérait ce recueil comme trop «pessimiste». Il contient son poème Apokrif, considéré comme son chef-d’œuvre, et comme un sommet de la poésie hongroise. Ce poème reprend l’histoire de l’enfant prodigue, résume l’expérience de Pilinszky dans les camps, et exprime son regret de l’absence de Dieu au monde.
Pilinszky a connu, comme témoin, l’horreur des camps, il a subi l’interdiction de publier de 1946 jusqu’en 1969. Il aurait pu être un héros de la poésie opprimée, mais il s’est souvent tu, humble, hanté par le tragique de l’existence et le silence de Dieu. «Je ne suis que poète, homme – et non pas un saint. Dans ma situation, chez moi, je suis arrivé au bout de mes forces. Comme celui qui porte un poids trop lourd, et tout d’un coup, il ne sent plus ni le poids ni ses bras. Soudain, il prend peur, comprenant qu’il va tout lâcher. […] Je ne vois rien d’autre devant moi que la fidélité de la chute libre et l’espérance vaine de la miséricorde de Dieu», écrit-il dans l’une de ses lettres.
Ce poème, «Cratère», écrit en 1976, a été traduit par Lorand Gaspar, poète français d’origine hongroise, son ami proche et qui l’a le mieux compris.
Nous nous sommes rencontrés. Nous nous rencontrons.
Dans un débit de tabac. À une vente aux enchères.
Tu cherchais quelque chose. Tu déplaces
quelque chose. Je m’enfuirais. Je reste.
J’allume une cigarette. Tu t’éloignes.
Tu descends et tu montes.
Je monte et tu descends.
Cigarette. Tu marches. Je marche.
Nous marchons sur place ; tel un assassin,
je te suis à la trace.
Pépiement d’oiseau quand
tu me reproches ma naissance.
Que nous soyons là debout. Puis dans un bras mort
de la route, mon bredouillement
commence à rouler, roule en bas
de tes membres immenses
et de ce quelque chose
de victorieux et d’aveuglant,
qui n’est plus toi.
Ton refus, ce cinglement lascif,
inscrit dans la pierre me touche
au point que, mon regard – deux cailloux –
ne fait que rouler, rouler depuis
dans un cratère d’un blanc immaculé.
Mes deux yeux crépitent : mon salut.
Extrait de «Même dans l’obscurité», traduit du hongrois par Lorand Gaspar et Sarah Clair.
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