La diplomatie tunisienne, presque absente ces dernières années de la scène régionale et internationale et, particulièrement, depuis l’annonce des «mesures exceptionnelles» par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet dernier, a un rôle important à jouer pour redorer l’image de notre pays dans le monde. Continuer à roupiller comme elle le fait actuellement ne présage rien de bon. Au moment où la Tunisie bégaye, hésite, doute, et fait douter ses principaux partenaires étrangers.
Par Imed Bahri
Commençons par ce mail envoyé par un collègue britannique de renom qui en dit long sur l’image que la Tunisie donne d’elle-même actuellement à l’étranger et explique qu’Américains et Européens viennent à son chevet, à quelques jours d’intervalle, estimant sans doute qu’elle est gravement malade et que cela doit donner des inquiétudes à la communauté internationale.
«Le gouvernement est nullissime. Quand on est autiste avec ses partenaire étrangers et que même les ambassadeurs tunisiens à l’étranger ne savent plus ce qui se passe à Tunis, il ne faut pas s’attendre à autre chose que l’annulation du sommet de la francophonie. Il y a des limites à l’autisme. Le gouvernement a déjà l’air de marionnettes. Un homme seul sans culture économique et sans expérience diplomatique, qui refuse de consulter les Tunisiens qui connaissent les dossiers, va droit au mur», écrit ce collègue, familier de notre pays, un brin révolté contre l’immobilisme des diplomates tunisiens
De quoi la Tunisie est-elle réellement malade ?
«Droit au mur», écrit-il ? Le mot nous est jeté à la face, mais le mur, nous y sommes presque déjà, suis-je tenté de répondre à ce collègue, surtout après la dégradation de la note souveraine de la Tunisie par l’agence Moody’s à Caa+ avec perspective négative, qui fait déjà planer sur le pays le spectre de la cessation de paiement.
Il y a deux jours, le Congrès américain s’est penché, entre autres sujets d’inquiétude pour Washington, sur le «cas de la Tunisie». Dans deux jours, c’est l’Union européenne qui va plancher sur notre cas et il n’est pas dit que l’avalanche des mauvaises nouvelles va s’arrêter de sitôt, car si sur le front sanitaire, on observe une accalmie précaire, les perspectives aussi bien politiques qu’économiques et sociales sont loin d’être rassurantes.
Il y a donc péril en la demeure et les autorités, aussi bien à Carthage qu’à la Kasbah, ainsi que dans les cercles économiques et financiers, ne semblent pas prendre la mesure des dangers et des menaces pour un pays qui ne parvient pas à se rassurer lui-même pour espérer rassurer ses partenaires internationaux dont il a si urgemment besoin pour se refaire et se relancer. Car à trop vouloir endormir les Tunisiens par des affirmations soporifiques («Ne craignez pas pour vos salaires, nous avons pris les mesures nécessaires pour faire face aux besoins de liquidités»), ils finiront par s’intoxiquer eux-mêmes, sans convaincre leurs partenaires étrangers. Car on sait que la réalité est tout sauf rose.
Rien ne vaut donc le langage de vérité. D’abord en direction des Tunisiens, qui doivent comprendre que le temps des largesses à tout va et des gaspillages tous azimuts est fini et que celui du travail et des sacrifices est venu. Ensuite en direction des partenaires étrangers, en présentant une feuille de route claire et des engagements fermes pour des réformes radicales susceptibles de remettre le train sur les rails dans des délais raisonnables. Sinon, nous n’aurons pas les ressources nécessaires pour espérer nous relancer, sachant que ces ressources viendront essentiellement de l’étranger en attendant que la machine de l’économie nationale se remette à marcher à plein rendement.
Pour cela, la diplomatie tunisienne, presque absente ces dernières années de la scène régionale et internationale et, particulièrement, depuis l’annonce des «mesures exceptionnelles» par le président Kaïs Saïed, le 25 juillet dernier, a un rôle important à jouer. Continuer à roupiller comme elle le fait actuellement ne présage rien de bon. Et l’effort d’explication de la «situation tunisienne» doit se déployer en direction de nos principaux partenaires : Maghrébins, arabes, européens et américains (surtout les États-Unis et le Canada où la propagande islamiste hostile fonctionne à plein rendement).
La nouvelle ambassadrice à Washington doit se concentrer sur le Congrès
Pour ce qui est des États-Unis, le Congrès, qui semble nourrir des inquiétudes sur le sort de la démocratie et de l’État de droit en Tunisie, est le maillon faible par excellence de notre diplomatie en direction de cet important pays auquel la Tunisie est liée par d’importants accords de coopération et d’où provient une bonne partie de l’aide internationale, notamment dans les domaines sécuritaire et militaire. Car, depuis le 25 juillet, les diplomates tunisiens en poste à Washington négligent et désertent le très puissant Congrès avec ses deux chambres, le Sénat et la Chambre des Représentants, alors que les Frères Musulmans y sont hyperactifs et y opèrent un lobbying agressif.
Il est grand temps que la Tunisie officielle et en particulier la nouvelle ambassadrice Hanen Tajouri Bessassi se concentrent sur le Congrès et s’attellent à rétablir la vérité et à effacer les mensonges avec lesquels les islamistes ne cessent d’intoxiquer les sénateurs et représentants américains qui sont devenus hélas acquis à leur cause. D’autant que le pouvoir de décision aux États-Unis ne se limite pas à la Maison Blanche, le pouvoir législatif revêt la même importance que celui exécutif et peut beaucoup influer sur les décisions de ce dernier.
Les exemples flagrant des mensonges ridicules des islamistes qui intoxiquent les membres du Congrès américain se succèdent et ternissent l’image de notre pays. Pire, ils sont devenus une vérité pour ces derniers comme, lors de la séance consacrée à la Tunisie, jeudi 14 octobre courant, où un membre démocrate du Congrès affirme sans que personne ne le corrige que des députés en Tunisie sont «séquestrés» (c’est exactement le terme qu’il a employé et qui veut dire être emprisonné d’une manière illégale) pour des raisons politiques. Alors qu’il s’agit de députés qui étaient poursuivis en justice dans des affaires de droit commun bien avant leur élection à l’Assemblée et que la justice a fini par rattraper après la levée de leur immunité parlementaire. Les députés et anciens députés sont-ils au-dessus des lois ?
Les mensonges des islamistes trouvent écho sous la coupole du Capitole
D’ailleurs, ces propos mensongers ont été fortement repris par les islamistes et leurs médias comme Al-Jazeera (voir photo). Nous sommes certains que le parlementaire américain qui les a proférés en toute bonne foi n’a reçu ni lui ni ses assistants un appel ou un mail de notre ambassade à Washington pour lui expliquer que ses propos sont faux, se basent sur un mensonge et portent atteinte à l’image de notre pays et que les islamistes eux-mêmes qui font du lobbying ou bien les sociétés de lobbying qu’ils ont engagées font en réalité une campagne de dénigrement contre la Tunisie, qu’il ne faut pas prendre leurs allégations comme parole d’évangile et que surtout ils excellent dans la manipulation en se faisant passer pour des militants des droits de l’homme.
Tel est le travail de la rétablissement de la vérité que doit entreprendre l’équipe de l’ambassade tunisienne à Washington. Le travail de la nouvelle ambassadrice doit aussi s’orienter vers les médias, véritable pouvoir aux États-Unis, qui a terni l’image de notre pays cet été en publiant une série d’articles tous à charge contre le président Saïed et les mesures qu’il a annoncées, omettant souvent de préciser que celles-ci sont venue en réaction à une forte demande populaire et qu’elles sont soutenues par 90% de la population.
Le même travail doit aussi être fait au niveau des représentations diplomatiques tunisiennes au Canada et dans les principales capitales européennes, où les responsables politiques et les médias sont également intoxiqués, en ce qui concerne la Tunisie, par la propagande islamiste, alors que la voix de la Tunisie officielle est totalement inaudible.
Au niveau du ministère des Affaires étrangères, on ne peut pas dire qu’un travail gigantesque est effectué pour essayer de redorer le blason du pays. Il suffit de jeter un coup d’œil sur son site web, du reste assez pauvre en contenu en comparaison avec les sites d’autres pays semblables, pour constater que l’essentiel de l’actualité y est en langue arabe, comme si ses administrateurs s’adressaient aux seuls Tunisiens!
À quoi servirait une si grosse machine, qui coûte trop cher aux contribuables et qui se distingue surtout par son mutisme, sa lenteur, son manque de réactivité et son inefficacité, inefficacité dont on a du reste eu plusieurs fois la preuve, surtout lors des moments de crise, si ce n’est pour essayer de faire porter la voix de la Tunisie, d’expliquer ses points de vue et de défendre ses intérêts vitaux dans le monde?
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