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Tunisie : L’UGTT est-elle une vache sacrée ?


Tant que tous les dirigeants politiques se bousculent à son portillon, cet homme peut tout se permettre.

Aucun homme politique, au pouvoir ou dans l’opposition, n’a cru devoir exprimer la moindre opinion sur la crise qui sévit actuellement au sein de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), qu’ils sont pourtant unanimes à considérer comme un acteur «politique» de premier ordre en Tunisie. Ce silence assourdissant n’honore pas la scène politique dans son ensemble, et sans exception, qui prouve, encore une fois, à cette occasion, son irresponsabilité, son indignité et sa lâcheté.

Par Ridha Kéfi

La crise au sein de la puissante centrale syndicale tunisienne couve, on le sait, depuis que le secrétaire général Noureddine Taboubi et plusieurs autres membres du bureau exécutif, dont les deux mandats réglementaires s’achèvent cette année, ont cru devoir tripatouiller le règlement intérieur de l’organisation pour y faire sauter le verrou de la limitation des mandats à deux de manière à pouvoir s’éterniser eux-mêmes à sa tête.

Ainsi, lors de son congrès extraordinaire tenu en juillet 2020, à Hammamet, l’UGTT, faisant fin des critiques et des protestations émanant de certaines de ses structures, a adopté l’amendement de l’article 20 de son règlement intérieur et en vertu de cet amendement, les membres du bureau exécutif national auront le droit de présenter leur candidature pour plus de deux sessions consécutives.

Une honteuse dérive anti-démocratique

En réaction à cette dérive anti-démocratique et qui déshonore l’organisation et décrédibilise sa direction, des responsables syndicaux ont lancé une initiative appelant à renoncer à la décision d’organiser le congrès national de l’UGTT prévu les 16, 17 et 18 février 2022 à Sfax, et à ouvrir un véritable dialogue en vue de sauver l’organisation syndicale, menacée par le spectre des divisions et des scissions, préserver son indépendance chèrement acquise et garantir le respect des règles démocratiques au sein de ses structures dirigeantes.

Les contestataires de la ligne autoritaire de Noureddine Taboubi estiment, à juste titre, que la non-tenue du congrès de février prochain et l’annulation du dernier amendement du règlement intérieur permettront à la centrale syndicale de préserver sa crédibilité et d’empêcher toute tentative d’ingérence des autorités dans ses affaires internes.

Face à la fuite en avant de Noureddine Taboubi et de son clan, les protestataires ont déposé une plainte pour faire invalider la décision prise par le conseil national de l’UGTT, tenu les 24, 25 et 26 août 2020, appelant à la tenue d’un congrès extraordinaire non électif pour faire amender le règlement intérieur de l’organisation. Et, sans surprise, le tribunal de première instance de Tunis leur a donné raison.

Renforcés par cette décision judiciaire annoncée le 25 novembre 2021, les opposants au passage en force de Noureddine Taboubi et son clan s’activent depuis pour faire barrage au congrès prévu à la mi-février prochain pour faire avaler la couleuvre de ce «passage en force» et mettre les syndicalistes devant le fait accompli.

Parmi les opposants au congrès, qui accusent la direction actuelle de l’organisation du «non-respect des bases les plus élémentaires du jeu démocratique», on retrouve le secrétaire général adjoint chargé du secteur privé, Mohamed Ali Boughdiri, le secrétaire général de la fédération générale de l’enseignement secondaire, Lasaad Yaakoubi et d’autres dirigeants syndicalistes, dont Kassem Afia, Mohamed Sioud, Iheb Hajji, Mourad Allala.

Le silence assourdissant de la classe politique

Par-delà l’issue de cette bataille, ce qui surprend et dérange, c’est le silence qu’observent les acteurs de la scène politique, toutes tendances confondues, face à la crise qui secoue la puissante centrale syndicale, laquelle est en passe de devenir une véritable vache sacrée : personne parmi nos acteurs politiques n’ose critiquer ses dirigeants ou émettre la moindre opinion sur leurs faits et gestes, même les plus contestables.

Toujours prompts à s’émouvoir de toute atteinte aux règles démocratiques, la main sur le cœur, en se bouchant le nez et en montant sur leurs grands chevaux, ne voilà-t-il pas que ces grands démocrates devant l’Eternel se taisent face aux abus de Noureddine Taboubi et sa smala de hors-la-loi, qui piétinent sous leurs pieds les règles démocratiques les plus élémentaires, tout en continuant effrontément à faire la leçon au monde entier ?

Comment qualifier cette bienveillante tolérance des atteintes aux règles démocratiques sinon qu’elle traduit ou trahit, chez nos dirigeants politiques, leur irresponsabilité, leur lâcheté et leur opportunisme, car ils semblent tous craindre, y compris le président de la république Kaïs Saïed, les nuisances des dirigeants de l’organisation syndicale, et espérer leur hypothétique soutien lors de leurs batailles politiques à venir.

Et qui sont les perdants dans cette affaire ? Il ne faut pas être grand clerc pour les deviner. Ce sont moi, toi, et nous tous, les citoyens contribuables qui sommes pris en otage par des dirigeants politiques sans dignité et sans honneur, qui, parions-le, seront nombreux, demain, à féliciter Noureddine Taboubi et à quémander son soutien.

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