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Ukraine : L’armée russe face à ses limites opérationnelles

Dans un précédent article intitulé «La guerre en Ukraine : Kiev, la capitale forteresse», on a essayé de mettre en exergue le rôle décisif de la configuration géomatique spécifique de cette métropole dans la défense de la ville contre l’envahisseur russe. Néanmoins, le cauchemar ne s’arrête pas là pour les militaires russes qui sont, aussi, à la merci d’une «raspoutitsa» calamiteuse et d’une Arorozvidka jusque-là efficace et à laquelle les généraux de Poutine n’ont pas encore trouvé de riposte. Mais, de s’agit-il exactement?

Par Mahjoub Lotfi Belhedi *

Le mot russe «raspoutitsa» signifie littéralement «saison des mauvaises routes» due à la fonte des neiges à la fin de la saison hivernale transformant le sol en boue collante,  redoutable même pour les plus passe-partout des véhicules militaires. Ce phénomène se déroule deux fois par an, en Ukraine comme en Biélorussie et quelques régions russes, dû aux fameuses «terres noires» symbole de la haute fertilité des terres agricoles ukrainiennes.

Selon Mykola Beleskov, analyste militaire, «le problème de raspoutitsa existe, et il va s’aggraver. Il y a déjà eu beaucoup de situations dans lesquelles des chars russes et d’autres véhicules sont passés par les champs et ont été bloqués. Les soldats ont été obligés de les abandonner et de continuer à pieds et les images de blindés russes embourbés sont largement relayées sur les réseaux sociaux».

Avec un recul, la «raspoutitsa» a joué de très mauvais tours à l’armée de Napoléon en 1812 et à l’Allemagne de Hitler durant la seconde guerre mondiale. Et les stratèges militaires la redoutent particulièrement.

Ironie d’histoire, Poutine, qui apparaît aujourd’hui comme une sorte de «tsar soviétique», se trouve piégé par cette fameuse «raspoutitsa» aux portes de Kiev, ce qui contrarie ses plans militaires et ralentit toute sa machine militaire.

Et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’Aerorozvidka (l’unité des forces terrestres ukrainiennes spécialisée dans la reconnaissance aérienne et la guerre des drones créée en 2014 lors de l’annexion de la Crimée par la Russie) vient aggraver les difficultés opérationnelles et tactiques des troupes russes en propageant la terreur au sein de leurs corps d’artillerie et de blindés stationnant aux abords des grandes villes ukrainiennes.

Ainsi donc et en dépit de leur suprématie aérienne, les Russes ont vu celle-ci tempérée par les drones de combat.

En effet, outre le maniement habile des missiles sol-air, l’armée ukrainienne, grâce à l’Aerorozvidka, a excellé dans le pilotage des drones en infligeant de lourdes pertes à  l’envahisseur et en perturbant les plans d’interopérabilité entre les différentes factions militaires russes se trouvant au sol.

Tout en faisant basculer l’issue de la guerre au Haut-Karabagh (2020) en faveur de l’Azerbaïdjan, les drones turcs de type Bayraktar TB 2 – stars des cieux aux yeux des Ukrainiens – ont réussi à instaurer un certain équilibre de la terreur entre les deux belligérants.

De point de vue géostratégique, le développement ultra rapide de la technologie des drones ne cesse de bouleverser en profondeur la nature de la guerre au point de la rupture.

Au bout du compte, coincé entre l’enclume de la «raspoutitsa» et le marteau de l’Aerorozvidka, l’armée russe se laisse entraîner dans une terrible galère d’où Vladimir Poutine serait bien inspiré de la sortir par la négociation politique, laquelle commence, depuis quelques jours, à enregistrer quelques avancées, selon les deux parties, et les données militaires ne sont pas étrangères à cette évoltion.

* Spécialiste en réflexion stratégique.

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