Tunisie – Politique : Les graves dérapages des pro-Saïed

Les défenseurs du projet de réforme constitutionnelle présenté par le président de la république Kaïs Saïed perdent la boussole et dérapent totalement, en recourant, comme leur auguste «Guide suprême», aux menaces et aux insultes à l’encontre des adversaires de ce dernier.

Par Imed Bahri

C’est le cas, par exemple, de Zouhair Hamdi, secrétaire général du Courant populaire (Attayar Chaabi), parti de tendance nationaliste arabe dont les membres sont habitués à déifier leurs leaders et à leur ériger des statuts de leur vivant, de Nasser à Bachar, en passant par Saddam et Kadhafi, avec les conséquences terribles que l’on connaît sur leurs peuples.  

Les pro-Saïed perdent leur sang froid

Intervenant le 13 juillet 2022 sur la chaîne Hannibal, ce dernier a perdu son sang froid et s’est attaqué en des termes outranciers aux professeurs de droit constitutionnel qui ont critiqué, à juste titre d’ailleurs et en experts reconnus, la dérive autoritaire que représente le projet  de nouvelle constitution proposé par le président de la république au référendum du 25 juillet.

M. Hamdi a, en effet, traité Slim Loghmani, Salwa Hamrouni et Bochra Belhaj Hmida, qu’il a nommés, de «sionistes francophones», accolant ainsi deux concepts qui n’ont rien à voir ensemble et qui, dans l’esprit de M. Hamdi, incarnent le mal absolu.

Il faut dire que dans l’esprit sectaire d’un nationaliste arabe, être francophone, c’est forcément être partisan de l’Etat d’Israël. Allez comprendre pourquoi et par quel raccourci stupide, on en arrive à un tel raisonnement qui diabolise… une langue en l’associant à un mouvement politique.  

Encore que, s’agissant de Slim Loghmani, Salwa Hamrouni et Bochra Belhaj Hmida, on ne voit pas vraiment comment on puisse les qualifier de «francophones», si tant est que la francophonie soit une tare dont on doive se soigner. S’ils parlent français, comme la grande majorité des Tunisien(ne)s, ces juristes interviennent tous, dans la vie publique, que ce soit à l’université, dans les forums politiques ou dans les médias, dans une langue arabe de meilleure facture que celle – fanatique et colérique – de M. Hamdi et consorts.

Saïed, le francophile

Faut-il rappeler à ce dernier, au cas où il l’aurait oublié, que la Tunisie est membre aussi bien de la Ligue des Etats arabes (LEA) que de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) et que le président Kaïs Saïed, le «Guide suprême» de M. Hamdi, ci-devant grand ennemi de la francophonie injustement confondue avec le sionisme, va accueillir, en novembre prochain, à Djerba, ses pairs «francophones», pour le 18e Sommet de la Francophonie ?

Faut-il lui rappeler aussi, par la même occasion, au cas où il l’aurait également oublié, la position de Kaïs Saïed, tout «nationaliste arabe» qu’il est, vis-à-vis de la France ?

C’était 23 juin 2020 : interrogé par une chaîne de télévision française sur le passé colonial de la France en Tunisie, le président tunisien, qui effectuait sa première visite officielle en France, avait affirmé que «la Tunisie était sous le régime du protectorat, et non du système de colonisation directe comme c’était le cas en Algérie». «Pourquoi demander des excuses (à la France, Ndlr) après 60 ans. Il y a des faits historiques clairs et nets, que même les Français reconnaissent. On peut chercher des excuses avec d’autres moyens, ce n’est pas avec une motion», avait-il déclaré. Et à la place des excuses demandées par certains Tunisiens pour «les crimes et les atrocités» commis par la France en Tunisie, M. Saïed avait alors préconisé «des projets et une nouvelle coopération».

Et à propos de coopération, justement, faut-il enfin rappeler à M. Hamdi et consorts, que M. Saïed ne s’honorerait pas de compter parmi ses soutiens, que la France reste, malgré tout le mal que puissent en dire les nationalistes arabes de tous bords, le premier client, le premier fournisseur et le premier investisseur en Tunisie, et qu’elle se positionne très loin devant tous les pays arabes frères réunis ?

Le ridicule, on le sait, n’a jamais tué, sinon M. Hamdi se serait déjà plus de ce monde !

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