La Tunisie n’a pas besoin d’un nouveau remaniement gouvernemental auquel certaines parties appellent depuis la promulgation de la nouvelle constitution. Elle a besoin d’un programme basé sur une vision claire des objectifs et des mécanismes d’intervention de chaque structure gouvernementale qui serait suivie par la détermination des profils requis et le choix des personnes les plus qualifiées pour la mission confiée à chaque département ministériel.
Par Elyes Kasri *
Sitôt la nouvelle constitution promulguée, l’attention de la classe politique et des médias en Tunisie s’est tournée vers l’énième épisode du feuilleton interminable et insipide du prochain remaniement ministériel comme si c’était la solution des problèmes de la Tunisie malgré les nombreuses déceptions passées.
Depuis 2011, l’erreur a été de personnaliser la responsabilité gouvernementale alors que le véritable problème réside dans l’absence de consensus autour d’une vision et d’un programme de réformes avec suffisamment de volonté politique pour leur mise en œuvre.
Pléthore de structures et excès de bureaucratie
Maintenant que le président de la république a fait sauter les verrous de blocage réglementaire, politique et institutionnel, la première urgence serait un discours programme du président Kaïs Saïed pour baliser les actions des structures de l’Etat d’ici les prochaines élections présidentielles.
Sur la base de ce programme de réformes institutionnelles, économiques et sociales, le profil de l’équipe gouvernementale pourrait être fixé ainsi que les compétences requises au niveau gouvernemental et administratif.
S’il y a un consensus en Tunisie, c’est sur la pléthore de structures gouvernementales (ministères, agences, etc.) et l’excès de bureaucratie aussi bien pour le citoyen que pour l’opérateur économique tunisien et étranger
La première urgence serait de donner une nouvelle mission et un nouvel élan à l’action gouvernementale notamment au sein du ministère des Affaires étrangères.
Pour cela, il importe de convenir préalablement à tout remaniement d’un cadre général de l’action gouvernementale et des domaines de coopération, de complémentarité et de compétence des structures gouvernementales.
Manque de coordination entre les structures gouvernementales
A cet égard, il serait injuste de faire assumer à la diplomatie tunisienne la responsabilité exclusive de la dégradation de l’image internationale de la Tunisie alors que pratiquement chaque ministère s’arroge, à travers sa structure administrative de coopération internationale, en plus des partis politiques et de l’Assemblée, des compétences diplomatiques qui, dans les pays développés et émergents, nécessitent une coordination et une concertation préalables avec le ministère des Affaires étrangères qui reste l’unique dépositaire de la direction des relations internationales.
Avant tout remaniement, il faudrait formuler une vision claire des objectifs et des mécanismes d’intervention de chaque structure gouvernementale qui serait suivie par la détermination des profils requis et le choix des personnes les plus qualifiées pour la mission confiée à chaque département ministériel.
La diplomatie tunisienne nécessite pour sa part un chantier qui doit être engagé le plus tôt possible, avec comme première étape la correction des abus et aberrations portés à notre diplomatie lors de la décennie noire et en particulier sous la troïka de triste mémoire (coalition gouvernementale dominée par le parti islamiste Ennahdha, 2011-2013, Ndlr).
Ceux qui ont contribué par commission ou par opportunisme aux abus et dérives de la décennie noire (2011-2021) ne peuvent en toute logique faire partie de la solution et contribuer a l’édification d’un avenir que l’on espère meilleur.
* Ancien ambassadeur au Japon et en Allemagne.
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