Alors qu’en Tunisie, les syndicats ne reculent devant aucun excès allant jusqu’à interférer dans les décisions gouvernementales, nous avons beaucoup à apprendre du syndicalisme constructif et patriote des Japonais. (Illustration : Si le Japon possède l’une des trois plus importante industries au monde, cela ne tient pas du hasard).
Par Mohamed Rebai *
A l’occasion de la tenue de la 8e Conférence internationale de Tokyo sur le développement en Afrique (Ticad 8) qui aura lieu à Tunis les 27 et 28 août 20222, j’ai un vœu très simple et facile à réaliser : au lieu de présenter à la partie japonaise des projets qui vont coûter les yeux de la tête et de les voir péricliter par la suite, il serait plus judicieux d’envoyer au Japon une équipe de syndicalistes tunisiens en stage de formation pour au moins trois mois durant lesquels ils vont se familiariser avec la mentalité japonaise au travail.
Au retour, je suis certain qu’ils ne vont pas tarder à démanteler tous les syndicats revendicatifs, à moins qu’ils ne se feront pas hara-kiri avant même de prendre l’avion du retour. Et Dieu serait le premier à s’en féliciter.
Voir le Japon mettre sous son aile cinquante pays africains pour les aider à sortir du tunnel du sous-développement et de la pauvreté était inimaginable il y a cinquante ans. La rapidité avec laquelle ce pays à réussi à se rétablir des séquelles de deux bombes atomiques est déjà en lui-même un exploit exceptionnel.
Un syndicalisme constructif et patriote est possible
Le Japon que j’ai eu l’honneur et le privilège de visiter est un monde à part où les syndicats n’ont qu’une importance symbolique. Ils sont impliqués dans l’amélioration des conditions générales de travail des employés et la recherche de plus de productivité et d’innovation, mais jamais dans les arrêts intempestifs et coûteux du travail.
C’est un pays où le congé annuel d’une durée d’un mois d’affilée n’est pas admis comme c’est le cas chez nous. Le maximum toléré est de 15 jours par an. Et même avec 15 jours par an, les Japonais ne sont pas contents. Je les ai vus à Osaka porter des brassards rouges pour demander de réduire ce congé à 12 jours par an puisqu’ils ne prennent, en réalité, que 10 jours de vacances. Il faut être Japonais pour comprendre une telle logique d’engagement altruiste et d’abnégation au service de la collectivité.
Décidément, nous avons intérêt à comprendre les peuples qui ont réussi à décoller en peu de temps et, surtout, à apprendre d’eux.
Le Japon, pays privé de ressources naturelles, importe tout de l’étranger, transforme les matières première et les exporte au monde entier avec une plus-value très élevée. A force d’accumuler des richesses au fil du temps, ils ont actuellement de sérieux problèmes de surplus de liquidité. Ils cherchent à les placer sans intérêt rémunérateur. L’essentiel est d’offrir des garanties de remboursement des crédits octroyés. Il faut bien avoir la culture de la fortune gagnée de haute lutte.
Notez que le Japon a déjà prêté à la Tunisie des crédits complémentaires à un taux d’intérêt insignifiant (1%) et nous a apporté des aides et des subventions dont on sait ce qu’il en est advenu et si on en a vraiment fait bon usage.
Alors que dans notre pays les syndicats ne reculent devant aucun excès allant jusqu’à interférer dans les décisions gouvernementales, nous avons beaucoup à apprendre du syndicalisme constructif et patriote des Japonais.
Personnellement, je pense que le syndicatdoit afficher une totale neutralité vis-à-vis de la politique en général et des partis en particulier. Les grèves perlées ou les grèves du zèle ont exercé une pression intenable sur le gouvernement qui n’arrive plus non pas à tenir ses engagements, mais à gérer correctement le pays.
Les syndicats reculent partout dans le monde, sauf en Tunisie
Curieusement, nos chers syndicalistes n’ont pas besoin de tenir un livre de comptes, leur budget est une grande énigme et personne ne peut contrôler leurs recettes et leurs dépenses. Ils disent garantir ainsi leur indépendance, mais l’indépendance ici est synonyme de manque de transparence, cachoterie et magouille.
Durant les dix dernières années cauchemardesques des pans entiers du tissu industriel opérant dans le cadre de la loi 72 a été démantelé et beaucoup d’entreprises qui travaillaient pour l’exportation ont mis les clefs sous le paillasson pour migrer vers le Maroc.
Avec la mondialisation impliquant une concurrence internationale rude, les employés syndiqués ne représentent plus que 10% des salariés au monde. En Tunisie, ils sont devenus plus puissants que l’Etat lui-même. En France, un pays qui nous est proche et qui nous a souvent servi de modèle, les syndicats ne pèsent pas lourd en termes de nombre d’adhérents : 8% des salariés dans le privé, 19% dans le public, 5% seulement des ouvriers, 3,5% dans les petites entreprises.
La drogue, la prostitution, le monde de la nuit, les villas cossues avec piscine chauffées, les bolides sensationnels ne suffisent plus à calmer la boulimie des contrebandiers parrainés par des politiques véreux. Ils continuent de survivre aux grands périls qu’ils incarnent. Ils nous prouvent chaque jour qu’il y a une autre manière pour gagner de l’argent autre que les circuits légaux.
* Economiste.
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