Plus que l’amitié ancestrale entre les deux peuples, les exportations tunisiennes vers le Maroc ont été ignorées, voire sacrifiées par la diplomatie erratique du président Kaïs Saïed! Ça tombe mal, le timing est mauvais, les impacts incommensurables …
Par Moktar Lamari *
Improvisation et irrationalité : le fait d’inviter maladroitement le front Polisario aux travaux d’une conférence financée par le Japon et tenue à Tunis, s’est traduit par une quasi-rupture diplomatique entre Tunis et Rabat. Une rupture de confiance, un sacrilège…
Lèse-majesté: le Maroc considère cette invitation comme la bourde de trop! Un affront et un coup de poignard dans le dos! Et une campagne de boycott des exportations de produits tunisiens est à l’œuvre dans ce pays, depuis toujours ami et solidaire de la Tunisie.
Le Maroc va plus loin et veut sanctionner économiquement la Tunisie, et n’y va pas par le dos de la cuillère.
Combien ça coûtera : les exportations tunisiennes au Maroc sont menacées et celles-ci s’élèvent à quasiment 260 millions de dollars américains en 2021, selon la base de données Comtrade des Nations Unies sur le commerce international. Les produits ayant le code barre 619 (indiquant l’origine tunisienne) sont couverts par cet appel au boycottage du Made in Tunisia.
Il y a des banques, des capitaux et des investissements marocains en Tunisie… Ceux-ci risquent-ils de se retirer aussi ?
La bourde diplomatique de Kaïs Saïed va avoir des séquelles indélébiles. Elle va priver des milliers d’étudiants tunisiens de la poursuite de leurs études au Maroc, des chercheurs de collaborer, des hommes d’affaires de faire du business…
Et cela risque de générer les foudres des amis du Maroc, les lobbys liés, un peu partout dans le monde : bailleurs de fonds des pays du Golfe, Washington et pas seulement.
Mais, il n’y a ici que la partie visible de l’iceberg de cette bourde de trop de la diplomatie tunisienne envers le Maroc. Par ce clash diplomatique, la Tunisie se range de facto du côté de l’Algérie dans le différend l’opposant au Maroc au sujet du Sahara Occidental.
L’Algérie est un grand exportateur de gaz et de pétrole. Deux sources d’énergie qui font défaut en Tunisie. Il y a forcement un enjeu stratégique qui aurait pu jouer dans le déclenchement de l’incident par Tunis. Mais le compte sera-t-il bon ?
Cela dit, la Tunisie, les coûts socio-économiques de ce clash diplomatique seraient incommensurables, si rien n’est fait pour calmer le jeu, et éviter le pire!
* Economiste universitaire au Canada.
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