Il y a 50 ans mourait Mahmoud El Materi

Décédé le 13 décembre 1972, voilà exactement cinquante ans, Dr Mahmoud El Materi était l’un des leaders du mouvement national tunisien. Il n’est pas assez connu des nouvelles générations, qui gagneraient à mieux méditer le parcours exemplaire de cet homme d’exception. (Illustration: les chemins d’El Materi et Bourquiba s’étaient souvent croisés, et plus souvent encore décroisés).

Né fin décembre 1897, à Tunis, Dr El Materi fut l’un des fondateurs, avec Habib Bourguiba, du Néo-Destour, et le premier président de ce parti nationaliste qui réussit, au terme d’un long combat, à obtenir, en 1956, l’indépendance de la Tunisie et à contribuer à la construction de l’Etat tunisien moderne.

Au lendemain de l’indépendance, Dr El Materi fût marginalisé et son combat passé sous silence pendant des décennies par les historiographes attitrés de Bourguiba. Mais il n’a pas tardé à être réhabilité par les historiens du mouvement national et son grand apport à la libération de la nation enfin reconnu et documenté.

Ayant perdu sa mère et son père alors qu’il était enfant en bas âge, Mahmoud El Materi a fait des études brillantes au collège Sadiki à Tunis puis en France où il obtint sa licence en sciences, puis son doctorat en médecine avec mention très honorable le 6 juillet 1926. Il est le troisième médecin tunisien musulman à être diplômé de la faculté de médecine de Paris et le onzième formé dans une faculté européenne.

Le pondéré El Materi et le bouillonnant Bourguiba

Durant son séjour à Dijon, Mahmoud El Materi écrit des articles politiques dans plusieurs journaux de l’époque. À Paris, il est d’abord membre du Parti communiste français, qu’il quitte rapidement pour le Parti socialiste français, et milite pour la Ligue des droits de l’homme et l’Étoile nord-africaine dont il est un membre fondateur. Il collabore alors à plusieurs journaux et, en 1924, il retrouve un vieil ami du collège Sadiki, Bourguiba. Ils entament ensemble une carrière militante au sein des associations étudiantes réunissant des Tunisiens à Paris.

À l’âge de 28 ans, en novembre 1926, il rentre définitivement à Tunis et est rejoint par Bourguiba. Ils fondent ensemble, en 1932, le journal nationaliste L’Action tunisienne. Puis rejoignent les rangs du Destour avant d’en démissionner en septembre 1933 et de créer, le 2 mars 1934, le Néo-Destour dont El Materi est élu président.

Suit ensuite un long combat politique entamé par deux ans d’exil à Bordj le Bœuf, dans le sud tunisien, et des tournées aux quatre coins du pays. Réputé pour sa modération et sa probité morale, El Materi ne tarde pas à avoir des désaccords avec le bouillonnant Bourguiba. Il démissionne de la présidence du parti, mais poursuit le combat pour l’indépendance.

Proche de Moncef Bey, dont il était le médecin particulier, il est nommé ministre de l’Intérieur dans le gouvernement nationaliste de M’hamed Chenik en 1943, gouvernement qui tombe après la destitution et l’exil de Moncef Bey. Il fait toutefois partie du second gouvernement Chenik comme ministre de l’Intérieur en 1950 chargé de négocier avec la France les accords préalables pour l’autonomie interne.

Après une seconde déportation au sud du pays, avec les autres leaders nationalistes dont Bourguiba, Dr El Materi poursuit son action aux côtés de Tahar Ben Ammar, chargé poursuivre les négociations entamées par le gouvernement Chenik et qui mènent vers l’autonomie interne puis l’indépendance.

Nommé ministre de la Santé publique dans le premier gouvernement formé par Bourguiba le 15 avril 1956, non pas en tant que membre du Néo-Destour mais comme indépendant, El Materi ne tarde pas à avoir de nouveaux désaccords avec ce dernier et démissionne de son poste. Resté député, il marque nettement son opposition à Bourguiba lors de débats ou de votes à l’Assemblée nationale et essuie des attaques personnelles de son compagnon de combat devenu entre-temps un autocrate attitré.

Dr El Materi prend alors sa retraite politique tout en se consacrant à la médecine comme premier président de l’Ordre des médecins de Tunisie et comme pionnier de l’organisation du secteur de la santé.

Imed Bahri (avec Wikipedia).

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