Cette journée du 14 janvier 2023 est celle de la célébration du 12e anniversaire de la révolution en Tunisie, qui a apporté aux Tunisiens la démocratie mais pas la prospérité espérée. Aussi a-t-elle été mise sous le signe de la protestation contre le régime autoritaire du président Kaïs Saïed, qui, à la crise économique et sociale, a ajouté la mise entre parenthèse des rares acquis démocratiques.
Par Ridha Kefi
Anticipant ce mouvement, Kaïs Saïed a effectué hier une visite au centre-ville de Tunis, à l’avenue Habib Bourguiba, où les mouvements de l’opposition vont se rassembler aujourd’hui pour l’appeler à démissionner ou à ouvrir un débat national inclusif sur un plan de sortie de crise.
Le chef de l’Etat, visiblement aux abois et au bord de la crise de nerfs, a voulu s’offrir un bain de foule censé prouver qu’il reste toujours populaire malgré le maigre bilan des trois premières années de son mandat, et envoyer des messages de fermeté et d’intransigeance à ses opposants.
Un président prêt à en découdre
Tout en refusant de considérer le 14 janvier 2011 comme une journée mémorable marquant l’avènement de la démocratie, le chef de l’Etat a tenu à réitérer sa position, devenue un dogme selon lequel la journée mémorable est celle du 17 décembre 2010, celle marquant le déclenchement des émeutes à Sidi Bouzid.
Visiblement en colère et prêt à en découdre, le président s’est voulu offensif voire agressif traitant ses opposants de tous les noms, comme il nous y a d’ailleurs habitués : traitres, corrompus, voleurs et qui s’emploient à détruire l’Etat, dont il se considère l’unique incarnation.
On ne peut pas dire que Saïed a cherché à calmer les esprits ou à éviter la confrontation, comme l’aurait fait un chef d’Etat «normal». Non, M. Saïed, têtu et obstiné comme il est, et qui veut avoir toujours raison contre tout le monde, même quand il a tort, s’est voulu agressif et provocateur, plutôt pyromane que pompier. C’est à croire qu’il a voulu, par sa sortie d’hier, lancer un défi à ses opposants et chercher la confrontation avec eux. Une manière de leur dire : «Vous cherchez mon départ ? Eh bien, prouvez que vous êtes capables de me faire partir !»
Les opposants en rangs dispersés
Il reste à savoir si ses opposants, en réaction à ses provocations, vont enterrer leurs divergences idéologiques pour resserrer leurs rangs face à un pouvoir qui conjugue l’incompétence à l’obstination, ou s’ils vont manifester en rangs dispersés, comme ils nous ont habitués jusque-là, et prouver encore une fois leur inconsistance, leur fébrilité et leur incapacité à constituer une force crédible face à un pouvoir qui les regarde de haut et qui, malgré tous ses échecs, se maintient contre vents et marées, et pas seulement par la force brutale de l’Etat.
Il faut dire que le pouvoir a bien fait les choses et joué sur du velours: il a quadrillé les manifestations programmées et a désigné des horaires, des lieux et des itinéraires spécifiques aux forces en présence pour, officiellement, éviter les accrochages et les escarmouches.
Les forces de sécurité, qui sont habituées à gérer les mouvements de foules, ne manqueront pas, elles non plus, de filtrer les manifestants, notamment ceux en provenance de l’extérieur de la capitale, et d’encercler ceux d’entre eux qui parviendront à pénétrer au centre-ville de Tunis dans des petits carrés bien contrôlés, de manière à empêcher tout débordement et à transformer la démonstration de force en une… énième preuve d’impuissance.
La suite, on vous la laisse imaginer : plus de douleurs, plus de larmes et plus de colères pour le petit peuple, celui qui paye toujours les pots cassés!
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