La très silencieuse Première ministre tunisienne, Najla Bouden, n’ouvre la bouche que quand elle est loin du pays, et nous autres journalistes tunisiens sommes réduits à traquer ses rares déclarations dans les médias étrangers.
Par Imed Bahri
C’est ainsi que The Financial Daily, dans un article publié hier, mardi 31 janvier 2023, dans la version papier, cite des propos que Mme Bouden a tenus lors de sa participation au dernier forum de Davos, en Suisse, où elle a pris part à une table ronde sur l’Afrique. «La Première ministre tunisienne insiste sur le fait que l’évolution de son pays vers la démocratie n’est ‘‘absolument pas en danger’’ malgré une faible participation au premier tour des élections législatives qui culminera par un second tour décisif en 10 jours», écrit The Financial Daily, qui rapporte les prévisions très optimistes de la locataire du Palais de la Kasbah qui aurait affirmé que le deuxième tour des législatives verrait «probablement» une «participation beaucoup plus forte» que le vote initial du mois dernier.
Probablement, dit-elle…
C’est le journal britannique qui met les mots de Mme Bouden entre guillemets, comme pour exprimer un certain doute, doute du reste confirmé par le très confidentiel taux de participation enregistré à cette occasion (11,4%).
Tout en rappelant que la Tunisie est confrontée à une hausse du chômage et à une augmentation des prix des produits de base comme le sucre, l’huile végétale et le riz, le journal britannique rapporte cette phrase de Mme Bouden : «I have a lot of hope that Tunisia is going to get better and better, and it will accomplish things that will probably astonish you in the approaching months» («J’ai beaucoup d’espoir que la Tunisie aille de mieux en mieux, et qu’elle accomplisse des choses qui vous étonneront probablement dans les mois à venir.»
Cette phrase, qui sonne comme une boutade, restera dans les annales des années Kaïs Saïed comme l’illustration parfaite de l’état d’abêtissement général ayant marqué ces années.
Descente en enfer
Pour l’instant, la seule chose qui nous étonne nos autres Tunisiens, c’est de voir dans quel enfer nous nous sommes nous-mêmes jetés en portant aux commandes, le plus démocratiquement du monde, des personnes parmi les moins méritants du pays et dont l’incompétence n’a d’égal que la condescendance et l’effronterie.
Citant ces propos de Mme Bouden, «irrespectueux pour le citoyen et irresponsables face à l’histoire», selon ses termes, dans un article publié sur son blog Economics for Tunisia, E4T, l’économiste universitaire Moktar Lamari s’est interrogé sur leur sens caché : «Va-t-elle jeter l’éponge, et démissionner? Va-t-elle rompre le silence et prendre ses distances politiques avec Kaïs Saïed? Va-t-elle rejoindre la Banque mondiale en tant qu’experte internationale? Va-t-elle annoncer des privatisations des sociétés d’Etat? Va-t-elle bénéficier d’une abolition d’une partie de la dette relevant du Club de Paris? Ou encore, allons-nous vers des élections présidentielles anticipées?»
Ou peut-être ne se passera-t-il rien de tout cela, les mots ayant cessé depuis longtemps d’avoir un sens dans ce pays, dont les dirigeants croient agir quand ils parlent et brassent du vent.
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