Les réseaux sociaux s’indignent de la résolution du Parlement européen contre la Tunisie alors qu’il faut s’attendre à d’autres condamnations à l’encontre de notre pays qui s’est mis au ban de la communauté internationale notamment suite à la crise des migrants subsahariens. (Kaïs Saïed avec le président du Conseil européen, Charles Michel, le 4 juin 2021).
Par Sémia Zouari *
On demande toujours à la diplomatie tunisienne de faire des miracles comme si c’était possible pour un ministre des Affaires étrangères de contredire frontalement et publiquement son premier chef hiérarchique, en l’occurrence le président de la république, à moins de jeter l’éponge et de donner sa démission.
Kaïs Saïed a multiplié les interventions incontrôlées et parfois même hostiles à l’Union européenne, aux États-Unis, aux agences de notation, à la Commission de Venise du Conseil de l’Europe sachant que cette dernière est financée et orientée par l’UE et que ses activités en Tunisie ont été gelées intempestivement, à la demande du même Kaïs Saïed.
Assumer ses paroles et ses actes
Rappelez-vous sa diatribe de 12 minutes contre cette vénérable institution qui a apporté son soutien et son expertise à la Tunisie via notamment la rédaction de la Constitution de 2014, l’organisation et le contrôle des processus électoraux, la lutte contre la corruption, la demande d’adhésion au Greco, la promotion des droits de l’homme et d’une justice intègre et indépendante, bref l’accès de la Tunisie à des standards internationaux de gouvernance.
Dernièrement la regrettable déclaration de Kaïs Saïed contre les migrants subsahariens a provoqué de graves atteintes aux droits de l’homme et soulevé un tollé international de réprobations avec des répercussions difficiles pour toute la Tunisie aussi bien sur le plan moral, diplomatique que financier.
La situation intérieure de la Tunisie suscite également des appréhensions concernant l’indépendance de la justice dans le traitement des opposants politiques alors que l’UE a largement financé les programmes d’appui du Conseil de l’Europe à la transition démocratique tunisienne, à la modernisation du système judiciaire via le Programme Cepej…
Un ministre des Affaires étrangères n’a pas de baguette magique pour réparer tous ces dégâts et chacun doit assumer ses paroles et ses actes. La diplomatie est fondée sur la modération, le dialogue, le respect, l’ouverture sur l’altérité, le sens du compromis et l’attachement au droit international dans tous ses aspects. Elle doit trouver des solutions pour la résolution des conflits et non créer des crises par des déclarations incendiaires aux conséquences regrettables.
Une image bradée
Notre diplomatie a malheureusement vu brader les fondements qui faisaient son image de marque dans le monde et lui valait le respect et la considération dans le concert des nations…
Un énorme gâchis…
On attend un grand mouvement de chefs de poste pour pourvoir des vacances dans plus de quarante missions diplomatiques et consulaires dont Bruxelles, Rome, Londres, Vienne, Ottawa, Pékin, Ankara, Lisbonne, Athènes, Damas, Brasilia, Buenos Aires, Varsovie… On espère que les nominations seront cohérentes et serviront l’intérêt de la Tunisie, hors des allégeances, des copinages et du régionalisme.
De nombreuses compétences notamment parmi les seniors, sont encore placardées au MAE, et il est temps de faire appel à des ambassadeurs expérimentés pour les directions générales et pour les postes diplomatiques névralgiques, n’en déplaise à certains jeunes loups aux dents longues qui piaffent d’impatience, souvent en toute illégitimité.
A bon entendeur!
* Diplomate.
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