Une lueur d’espoir ou simple leurre ? Le FMI vient de publier, tard dans la soirée du 13 avril 2023, un communiqué annonçant la mise place d’un un nouveau mécanisme pour restructurer la dette des pays surendettés, sans nécessairement passer par le Club de Paris. Une façon de faire pour contourner les règles traditionnelles, et pour innover en continuant à prêter à des pays surendettés, et actuellement en besoin urgent de nouveaux prêts et nouvelles marges de manœuvre. La Tunisie pourrait en bénéficier. De quoi s’agit-il ?
Par Moktar Lamari, au siège du FMI, Washington
Durant les Rencontres du Printemps, et depuis trois jours, le FMI insistait et répétait sur toutes les tribunes sa volonté de réunir tous les créditeurs autour de la même table pour s’entendre sur un nouveau mécanisme consensuel qui arrange toutes les parties prenantes concernées, débiteurs et créditeurs de la dette. Une trentaine de pays sont concernés, dont la Tunisie.
Accélérer les processus de restructuration de la dette
La Table mondiale sur la dette souveraine (GSDR) s’est réunie mercredi et a discuté des défis liés à la soutenabilité de la dette et aux modalités de les restructurer, ainsi qu’aux moyens pour remédier à une situation devenu problématique.
À la fin de la réunion, la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, le président du Groupe de la Banque mondiale, David Malpass, et la ministre indienne des Finances, Nirmala Sitharaman, coprésidentes du GSDR, ont fait la déclaration suivante : «La Table ronde mondiale sur la dette souveraine (GSDR) s’est réunie aujourd’hui et a discuté des défis liés à la viabilité et à la restructuration de la dette et des moyens de les relever. Nous sommes reconnaissants à tous les participants qui comprenaient des créanciers du Club de Paris et du Club non-Paris, des pays débiteurs et des représentants du secteur privé. La discussion a porté sur les mesures qui peuvent être prises dès maintenant pour accélérer les processus de restructuration de la dette et les rendre plus efficaces, y compris dans le cadre du cadre commun du G20. Le G20 s’est réuni aussi en ce début d’après-midi!»
Le communiqué ajoute : «Nous avons convenu de l’importance d’améliorer de toute urgence l’échange d’informations, y compris sur les projections macroéconomiques et les évaluations de la viabilité de la dette à un stade précoce du processus».
Les pays endettés risquent de ne plus pouvoir cacher leurs dettes convenus bilatéralement et non annoncées aux autres créditeurs.
Le FMI et la Banque mondiale vont publier rapidement les orientations du personnel sur l’échange d’informations à chaque étape du processus de restructuration: discussion, allègement, rééchelonnement, garantie, réformes, etc.
Harmoniser les règles pour mieux contrôler les pays
La réunion a discuté du rôle des banques multilatérales de développement (BMD) dans ces processus par la fourniture de flux positifs nets de financements concessionnels.
La fourniture par l’Association internationale de développement (IDA) de flux nets positifs et l’allégement implicite ex ante de la dette – par le biais d’une concessionnalité accrue et de subventions aux pays confrontés à des risques plus élevés de surendettement – ont été salués.
Afin de clarifier les concepts clés à l’appui de la prévisibilité et de l’équité des processus de restructuration de la dette, un atelier sera organisé au cours des prochaines semaines sur la façon d’évaluer et d’appliquer la comparabilité du traitement. Ici aussi, on veut harmoniser les règles, pour mieux contrôler les pays qui peuvent déroger aux règles.
En outre, d’autres travaux seront entrepris sur les principes concernant les dates limites, la suspension formelle du service de la dette au début du processus, le traitement des arriérés et le périmètre de la dette à restructurer, y compris en ce qui concerne la dette intérieure. C’est une question majeure: les banques locales et nationales seront soumises aux mécanismes de reddition de compte.
Ces travaux aideront également à clarifier les calendriers potentiels pour accélérer les restructurations de la dette.
Le FMI, la Banque mondiale et la présidence du G20 continueront à travailler en étroite collaboration et avec d’autres partenaires pour soutenir davantage la réponse internationale aux défis actuels de la dette.
Seule incertitude à clarifier, le comité ne mentionne pas l’accord de la Chine qui est devenue un très important bailleur de fonds pour les pays pauvres. Or, la Chine est en tension avec les Etats-Unis, et est-ce la seule raison de l’absence de soutien de la Chine à ce nouveau mécanisme ? Probablement…
Cela dit, dans cette évolution et suite aux débats du Comité des Accords de Bretton Woods, tenus la veille au soir au siège du FMI (ouvert aux chercheurs et banquiers), la réforme des mécanismes de restructuration de la dette requiert une abolition d’une partie de la dette des pays surendettés soumis à la restructuration de leurs dettes, ce qui n’est pas du goût de la Chine, qui n’a pas les mêmes règles, les mêmes taux d’intérêt et les mêmes conditionnalités implicites.
Il faut espérer que la dette tunisienne ne comporte pas des dettes cachées contactées avec la Chine…
La Tunisie espère que sa dette soit allégée fortement et rééchelonnée. Elle espère aussi que les paiements des intérêts soient suspendus en attendant. Mais, cela impose des réformes douloureuses et des engagements clairs et signés noir sur blanc par l’actuel président Kaïs Saïed. A se demander si ce dernier est capable de franchir ce pas dans la bonne direction. C’est toute la question…
A suivre!
* Economiste universitaire.
Blog de l’auteur : Economics for Tunisia, E4T.
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