La situation en Tunisie fait débat aux Etats-Unis

Un haut responsable américain estime que la promotion de la démocratie en Tunisie est importante pour les Etats-Unis, alors que la Chine fait des «tentatives pernicieuses» pour prendre pied dans notre pays.

Lors d’une audition au Sénat mercredi 26 avril 2023, l’administration Biden a été critiquée et accusée d’hypocrisie à l’égard de la Tunisie, notamment en ce qui concerne sa décision de réduire l’aide économique et humanitaire américaine à notre pays, tout en maintenant le soutien militaire sur un fond de recul démocratique.

Joshua Harris, haut responsable du département d’État pour l’Afrique du Nord, a défendu la demande de budget 2024 du département d’Etat, qui appelait à des coupes budgétaires dans la promotion de la démocratie et l’assistance économique tout en préservant l’aide à la sécurité comme le Foreign Military Financing (FMF), des fonds utilisés pour permettre l’achat des armes américaines, dont la Tunisie a toujours bénéficié jusque-là.

Harris a également estimé que la promotion de la démocratie en Tunisie est importante pour les Etats-Unis.

Un message confus

«Je ne pense tout simplement pas que ce budget reflète cette priorité, s’il est vrai que votre objectif principal est de soutenir la société civile et les droits de l’homme», lui a répliqué le sénateur démocrate Chris Murphy.  «Si ce que vous disiez était vrai, nous verrions un budget qui demanderait le contraire, a-t-il ajouté. C’est assez exceptionnel… nous réduisons à zéro le financement des droits de l’homme.»

Le succès de la Tunisie en tant que seule démocratie à émerger du printemps arabe de 2011 a été mis en péril par la dérive autoritaire de son président Kaïs Saïed, estime Murphy, qui plaide, plutôt, pour le renforcement de l’aide à la société civile comme levier important du progrès démocratique en Tunisie.

Le sénateur Murphy, qui est devenu l’un des critiques les plus virulents au Sénat de la position de l’administration Biden sur la Tunisie, a déclaré que la demande de budget 2024 envoyait «un message confus». «Je ne comprends pas quel message nous envoyons lorsque nous maintenons l’aide militaire constante, mais que nous réduisons l’aide à la société civile», a-t-il déclaré.

La Tunisie étant devenue une pièce maîtresse de la promotion de la démocratie après le renversement du dictateur Zine El Abidine Ben Ali, Washington y a vu une chance de renforcer ses liens avec l’armée tunisienne alors que la démocratie prenait racine dans le pays.

En 2015, la Tunisie a même été désignée comme un allié majeur non membre de l’Otan, une décision qui ouvre l’accès à des systèmes d’armes et à une formation américains d’un niveau supérieur. Une vague d’attentats terroristes dans les années suivantes a conduit à une coopération encore plus grande entre Washington et Tunis.

L’armée tunisienne a été dans le collimateur des critiques de Murphy en raison du rôle qu’à son avis, elle joue dans la prise de pouvoir de Saïed. Mais l’administration Biden n’a pas coupé l’aide militaire à la Tunisie, et Washington n’a montré aucune volonté de réduire des relations plus larges avec notre pays dans les domaines de la sécurité et de la défense. Car en plus de servir de partenaire contre le terrorisme, Washington considère l’armée tunisienne, basée au cœur de la Méditerranée, comme un allié dans une région du monde où elle connaît une concurrence croissante avec la Russie et la Chine.

Face à la Chine et à la Russie

Dans son témoignage de mercredi, Harris a déclaré que Pékin faisait partie des adversaires américains faisant des «tentatives pernicieuses» pour prendre le contrôle de secteurs stratégiques en Tunisie. Alors que Saïed a récemment rejeté un prêt de 1,9 milliard de dollars du FMI qui, selon les analystes, est nécessaire pour éviter l’effondrement économique du pays.

Des diplomates et des analystes affirment que l’inquiétude de Washington concernant un effondrement social et économique en Tunisie a également renforcé les arguments des membres de l’administration en faveur de la préservation du partenariat militaire.

«La pensée à Washington et dans les capitales de l’Union européenne est que nous avons beaucoup investi après 2011 dans une armée relativement professionnelle pour la région», a déclaré un diplomate occidental cité par Middle East Eye (MEE), https://www.middleeasteye.net/news/us-biden-faces-backlash-over-tunisia-defence-ties-congress. Et qui a ajouté : «Si la Tunisie implose, il faut qu’il y ait des adultes dans la salle pour parler avec eux et il y a de bons partenaires dans l’armée tunisienne.»

L’administration américaine a fait «un pari sur l’armée tunisienne» alors qu’elle devrait parier sur la société civile, estime cependant le sénateur Murphy.

Imed Bahri

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