Une alliance stratégique en vue ! Le Président Kaïs Saïed et la Troïka de l’Union européenne (UE) ont conclu finalement hier dimanche, le 16 juillet 2023, à Carthage, un «partenariat stratégique» centré sur la lutte contre l’immigration irrégulière vers les pays du nord et le soutien aux enjeux économiques du pays du sud.
Par Hsann Briki
Après des mois de négociations et d’allers-retours, le mois dernier, finalement l’UE et la Tunisie ont signé un «partenariat stratégique» qui aborde plusieurs domaines clés de coopération entre les deux parties. Mais il vise principalement à lutter contre l’immigration irrégulière tout en apportant un soutien conjoncturel à la Tunisie dans sa lutte contre les difficultés économiques qui l’accablent.
L’accord prévoit une aide financière de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière et une aide budgétaire directe de 150 millions d’euros en 2023. L’UE s’est également montrée prête à fournir une assistance macro-financière de 900 millions d’euros, sous forme de prêt, une fois que les conditions seront remplies, dont la principale et la signature de l’accord entre la Tunisie et le Fonds monétaire international (FMI) sur un nouveau crédit de 1,9 milliard de dollars, dans l’impasse depuis octobre dernier.
L’accord est composé de 5 piliers principaux.
1- Stabilité macro-économique : l’UE s’engage à accompagner la Tunisie dans ses efforts pour stimuler une croissance économique durable et promouvoir une stabilité macro-économique renforcée.
2- Migration et mobilité : une approche globale de la migration sera adoptée, mettant l’accent sur le développement durable dans les zones à fort potentiel migratoire et la lutte contre la migration irrégulière. Mais la Tunisie est avertie : les droits humains seront respectés dans la gestion de la migration. Voilà pour le bâton. Concernant la carotte, des mesures seront prises pour faciliter la mobilité légale entre les deux parties.
3- Commerce et Investissements : les deux parties chercheront à renforcer leur coopération économique et commerciale, favorisant les échanges de biens et services et créant un climat favorable pour les investisseurs.
- Agriculture : un partenariat pour une gestion durable de l’eau et une agriculture durable sera mis en place.
- Économie circulaire : la transition vers une économie circulaire à faible intensité de carbone sera un objectif essentiel de leur coopération.
- Transition numérique : la coopération dans le secteur numérique sera encouragée, avec un accent sur l’innovation et la digitalisation.
- Transport aérien : des discussions seront entreprises pour augmenter le trafic aérien entre les deux régions. On notera que le terme «Open Sky» a été évité pour ne pas braquer le président Saïed, qui est opposé à la libération du ciel tunisien demandé par l’UE depuis… les années 1990.
- Investissements : un Forum UE-Tunisie sur les investissements sera organisé pour favoriser les échanges avec des investisseurs européens.
4- Transition énergétique verte : les deux parties s’engagent à renforcer la croissance verte et la sécurité énergétique, en développant des énergies renouvelables en Tunisie.
5 – Rapprochement entre les peuples : la coopération culturelle, scientifique, technique et la mobilité entre les peuples seront renforcées.
D’après plusieurs sources journalistiques européennes, dans le cadre de cet accord, des programmes tels que l’extension du programme d’échanges Erasmus à la Tunisie et une aide de 65 millions d’euros pour 80 écoles sont également prévus.
Alors que l’accord Tunisie-UE est célébré comme un pas vers un partenariat stratégique, il suscite également des interrogations quant à son impact réel. De plus, certaines voix dans les deux camps, tant en Tunisie qu’en Europe, expriment des oppositions quant à certains aspects de l’accord. Des Ong tunisiennes parlent d’un rôle de garde-frontières attribué par l’Europe à la Tunisie, même sans un prix suffisant pour l’évolution économique. Parallèlement, des députés et politiciens européens évoquent des craintes quant à une aide accordée à un régime autoritaire similaire à celle octroyée à l’époque de Ben Ali.
En fait, qui bénéficiera véritablement de cet accord ? Les résultats obtenus répondront-ils aux attentes des Tunisiens et apporteront-ils une réelle amélioration face aux difficultés économiques et migratoires du pays ? Seule l’évolution de la situation permettra de déterminer si cet accord sera véritablement bénéfique pour la Tunisie et son peuple.
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