La nomination d’Ahmed Hachani à la tête du gouvernement a fait beaucoup de déçus, et pas seulement parmi les opposants à Kaïs Saïed, qui n’en attendent rien d’utile pour le pays. En effet, parmi le cercle des «Saïediens» ou «Saïedistes», on a aussi entendu quelques grincements de dents.
Par Hssan Briki
Ce changement à la tête du gouvernement constitue en réalité une continuation de l’engagement et de l’adhésion aux pratiques qui ont caractérisé la période de la gouvernance de Kaïs Saïed.
Ces pratiques consistent à nommer des chefs de gouvernement en dehors de la classe politique, le président cherchant à marginaliser les partis et à les éloigner de la gestion des affaires publiques. C’est ainsi que des technocrates pratiquement inconnus, tels Hichem Mechichi et Najla Bouden, ont été choisis pour occuper le poste de Premier ministre, et après un certain de temps, on leur a imputé l’échec des politiques économiques et sociales menées par l’État, avant de les éjecter du système et de les faire sortir par la petite porte. Et au suivant ! Etant entendu que le chef de l’Etat détient tous les pouvoirs mais n’est responsable de rien, et n’assume aucunement les échecs qu’il s’empresse d’attribuer à ses plus ses proches collaborateurs choisis non pour leur compétence intrinsèque mais pour leur allégeance présumée.
Un gouvernement apolitique
Cela dit, la nomination d’Ahmed Hachani à la Kasbah ne manquera pas d’avoir un retentissement considérable au sein du cercle des soutiens au président Saïed, en particulier des acteurs politiques tels que le Mouvement du Peuple et le Courant populaire, tous deux d’obédience nationaliste arabe, qui avaient longtemps réclamé un gouvernement politique portant des visions et des projets clairs pour remédier aux problèmes vitaux des Tunisiens. Avec la nomination d’un technocrate sans passé ni expérience ni couleur politique claire, le président semble avoir opposé une fin de non-recevoir à toutes leurs propositions et appels antérieurs : le gouvernement est et restera apolitique, son rôle étant réduit à appliquer à la lettre les recommandations du chef de l’Etat.
De même, beaucoup des partisans du Saïed n’ont cessé de demander de leur côté un gouvernement qui soit en harmonie avec ses visions et des principes et qui les met en pratique ses idées, composé des membres de ce qu’on appelle son «projet politique», afin de pouvoir s’engager plus activement dans les batailles à venir.
Il va sans dire que la nomination d’Ahmed Hachani, que les «Saïediens» ou «Saïedistes» approuvent pourtant du bout des lèvres dans leurs déclarations médiatiques, ne répond nullement à leurs attentes et suscite même leurs inquiétudes sur l’avenir du «projet» présidentiel auquel ils s’identifient et qu’ils croient incarner.
Les Saïediens espèrent toujours
Si certains anciens soutiens du président commencent à le critiquer ouvertement sur les réseaux sociaux, estimant qu’il est en train de tourner le dos au «projet» qu’ils ont élaboré ensemble, beaucoup d’entre eux ne désespèrent pas totalement (ou pas encore) du président et attendent un hypothétique renvoi d’ascenseur, à la faveur de la poursuite de la série des limogeages et des nominations au sein du gouvernement. Quant au président, qui est en train de jouer sa propre partition sans concertation avec aucune partie, il continue de tenir les uns et les autres par la laisse de leurs propres espérances, chacun projetant en lui ses propres désirs. C’est à cela aussi que l’on reconnaît le pouvoir personnel ou ce que certains analystes ont appelé ‘‘Le pouvoir’’ dans un livre paru récemment à Tunis.
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