L’Etat tunisien traverse une grave crise financière qui va en s’aggravant. Mais est-ce une raison suffisante pour «humilier» les citoyens et les hauts cadres de l’Etat en mission à l’étranger en leur accordant une allocation qui ne couvre qu’une partie de leurs dépenses ?
Par Faouzi Ben Abderrahman *
Quand on parle du secteur financier tunisien, on ose espérer avoir de l’écoute pour améliorer un secteur qui était vraiment en avance par rapport à d’autres pays mais qui est aujourd’hui non seulement non compétitif et à la traîne, mais qui tire vers le bas la réalité économique du pays avec une contribution très médiocre a l’économie nationale.
Les responsables du secteur et ses décideurs ne comprennent forcément pas qu’un citoyen qui n’a pas de carte de crédit internationale est un sous-citoyen dans ces pays. C’est une question de dignité mais notre administration est loin de le comprendre.
Une administration du siècle passé
Une banque de la place (ma banque) met à la disposition de ses clients une carte internationale avec les devises de l’allocation touristique, une offre très médiocre et très contraignante et qui en standard n’offre pas les paiements par internet (facilité indispensable dans les pays étrangers au vu des services en ligne de voyages, booking de toutes sortes, ticketing, etc.). Pour en bénéficier, il faut remplir un formulaire avec signature légalisée dans lequel on supporte tous les risques de l’utilisation de cette carte. Les banquiers tunisiens ne vivent pas dans le monde d’aujourd’hui et semblent incapables de sécuriser leurs moyens de paiement.
J’ai comparé notre situation avec les pays nord africains et même subsahariens. On a le code de change le plus déplorable, le plus dépassé et le plus arriéré.
Et le problème : cette situation ne semble gêner personne et rien ne semble indiquer que la volonté et le sentiment d’urgence sont là pour promulguer un nouveau code de change moderne et qui réponde aux soucis aussi bien du tissu économique que des simples citoyens.
La raison est bien entendu un manque d’ambition, un manque de réelle compétition, en plus d’une administration (finances et banque centrale) qui est confortablement installée au siècle passé.
Et encore, je ne parle pas des mesures qui n’encouragent pas les Tunisiens résidant à l’étranger à rapatrier leurs économies en Tunisie ou du code de change avec les PME/PMI.
Pas de souveraineté sans dignité
Pour rester dans le même sujet, connaissez-vous le montant de l’allocation quotidienne de voyage que donne l’Etat à ses cadres quand ils sont en voyage professionnel ?
200 DT par jour. L’équivalent de 60 euros par jour pour le logement, la nourriture, le transport et les petites dépenses usuelles. Ce montant devient 66 DT (20 euros) quand le logement est pris en charge.
Pour les non cadres, c’est 60 DT avec ou sans logement ! Un ministre dont le logement est en général pris en charge a une allocation de 300 DT (90 euros).
Un professeur de médecine qui va donner une conférence dans un séminaire international a une allocation de 60 euros par jour pour son logement, ses repas et son transport. En plus, les frais d’inscription au séminaire de quelques centaines d’euros en général sont à sa charge.
De quelle dignité de citoyens parlons-nous ?
Ce n’est pas le régime de Kaïs Saïed qui en est la cause mais bien cette administration sclérosée, dépassée, fatiguée, conservatrice et si hypocrite, et que Saïed veut nous imposer comme substitut aux partis politiques.
Aucun gouvernement n’a voulu attaquer ces sujets pas trop populistes car élitistes. Peu importe l’image du pays et la dignité de ses cadres.
Il va sans dire qu’il n’y a pas de souveraineté sans dignité.
Parlons de farine et de pain alors !
* Ancien ministre de l’Emploi et de la formation.
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