Si l’épicentre de l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» est la petite bande de Gaza, son choc et ses répliques semblent destinés à être ressentis très loin pour secouer le monde arabo-musulman, l’Europe et même les Etats Unis d’Amérique. (Illustration : Kataeb El-Kassem, la branche armée du Hamas).
Par Elyes Kasri *
On a beau reprocher à Hamas le péché originel qui lui est imputé par de nombreux responsables israéliens d’avoir été créé par eux pour contrer et affaiblir l’OLP et l’Autorité Palestinienne.
Ils lui reprochent également une apparente affiliation à l’organisation internationale des Frères Musulmans et une forte suspicion d’inféodation à l’Iran.
En plus d’être très hostile à Israël, ce pays est suspecté par certains de ses voisins musulmans de mener une campagne de domination du monde islamique avec un désir de revanche du chiisme contre un sunnisme perçu comme incapable de défendre l’islam et ses lieux saints dont Jérusalem est le troisième après la Mecque et Médine avec son statut spécial qui en fait la première Qibla islamique.
La victoire morale de Hamas
Toujours est-il que Hamas a su avec une dextérité indéniable démasquer la fraude morale et militaire qu’est Israël au moment ou de nombreux dirigeants arabes, convaincus de son omnipuissance révélée factice par Hamas, sont allés jusqu’à pousser la normalisation à des niveaux de coopération économique, stratégique et militaire de nature à consacrer dans les faits le rêve sioniste de faire d’Israël le maître du Moyen Orient et même, par extension, du monde arabe jusqu’à l’océan Atlantique.
Il est clair que de nombreux dirigeants et régimes arabes trouvent inopportune et même dangereuse une victoire morale de Hamas et de la population de Gaza même si elle n’est pas encore confirmée militairement dans l’attente de la réaction en chaîne qui semble s’enclencher et qui pourrait réserver de grandes surprises et des révélations fracassantes.
Un changement tectonique
En dépit du déclenchement à plein régime de la machine de désinformation israélo-occidentale, l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» semble destinée à faire plus de «victimes» dans des capitales arabes compromises dans des tractations et marchés de moins en moins secrets avec les machinations sionistes, qu’en Israël qui semble pris dans un tourbillon de remises en question et de doute moral, politique et stratégique dans une fuite en avant suicidaire et potentiellement apocalyptique.
Il n’est pas exagéré de penser que l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» coïncide avec un changement tectonique dans l’ordre géostratégique mondial et constitue un véritable tournant dans toute la région du Moyen Orient et du monde arabo-musulman.
Les régimes arabes qui ont instrumentalisé positivement ou négativement le conflit israélo-arabe et le facteur israélo-sioniste seront amenés à revoir leurs calculs et peut-être même à faire les frais de la nouvelle donne internationale avec ses dimensions morale et géostratégique.
Ainsi, si l’épicentre de l’opération «Déluge d’Al-Aqsa» est la petite bande de Gaza, son choc et ses répliques semblent destinés à être ressentis très loin pour secouer le monde arabo-musulman, l’Europe et même les Etats Unis d’Amérique.
* Ancien ambassadeur.
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