Tunisie : Kaïs Saïed, entre parole et action

En l’absence d’actions concrètes pour remédier aux problèmes qu’ils dénoncent, les discours du président Kaïs Saïed sur le nécessaire assainissement de l’administration publique, la relance des projets bloqués et la levée des obstacles ayant conduit à cette situation deviennent ennuyeusement redondants et portent un coup à la crédibilité même de l’institution présidentielle.

Par Imed Bahri

On sait qu’à la faveur de l’état d’exception qu’il a proclamé en 2021 et de la nouvelle constitution qu’il a rédigée lui-même et fait promulguer en 2022, le président de la république détient tous les pouvoirs. On sait aussi qu’il gouverne par décret, le parlement élu il y a un an n’ayant qu’un rôle purement décoratif, qu’est-ce qui l’empêche donc d’agir et de mettre en route les actions qu’il ne cesse de préconiser, comme celles qu’il a évoquées, pour la énième fois, en recevant le Premier ministre Ahmed Hachani, mercredi 8 novembre 2023, au palais de Carthage mercredi.

Au cours de cette réunion, le président a insisté notamment sur la nécessité d’accélérer la réalisation des projets bloqués, «car les études ont été achevées et les fonds alloués, mais la mise en œuvre tarde ou, au mieux, est rapidement perturbée», selon un communiqué de la présidence.

Des accusations en attente de preuves

Le président de la république a aussi insisté sur la nécessité d’œuvrer pour surmonter tous les obstacles qui ont conduit à ces retards, soulignant que les procédures parfois suivies ne visent pas à respecter la loi, mais à satisfaire les lobbies car ces projets affectent leurs intérêts, ajoute le communiqué.

«Malheureusement, ceux qui participent aux perturbations et aux retards sont devenus des réseaux criminels qui tentent de remplacer l’État dans de nombreux services publics tels que les transports, la santé, l’éducation et autres», aurait dit le président, en réitérant, encore une fois, la nécessité d’assainir toutes les institutions de l’État et d’accélérer l’examen des recrutements effectués au cours de la précédente décennie, qui sont selon lui liés à ces lobbies et constituent un gaspillage de l’argent public.

Il s’agirait donc, selon le chef de l’Etat, de réseaux criminels qui abusent les citoyens et provoquent crise après crise presque quotidiennement, lit-on encore dans le communiqué de la présidence, laissant ainsi entendre que le but inavoué de ces manœuvres criminelles c’est de montrer l’incapacité du régime en place à solutionner les problèmes quotidiens du citoyens et d’empêcher Kaïs Saïed de mettre en œuvre son projet politique d’assainissement de l’Etat et de la société.

Le président de la république a également souligné que «le peuple tunisien a fait preuve d’un haut niveau de conscience qui a déjoué ces tentatives désespérées et que l’Etat restera fort et ne sera perturbé par personne et que personne n’échappera à la responsabilité exigée par la loi».

Recevant, le même jour, la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Kalthoum Ben Rejeb, Kaïs Saïed a donné ses instructions pour la poursuite de la lutte contre les spéculateurs en coordination entre tous les appareils de l’Etat, ajoutant qu’il n’y aura pas d’indulgence envers ces derniers, parce que, a-t-il dit, «la nourriture du peuple est une ligne rouge dont nous n’acceptons jamais la transgression».

Des questions sans réponses

Reste que ce sont là, au mieux, de vagues accusations qui ont besoin d’être fondées sur des preuves concrètes à porter contre des personnes identifiées. Au pire, ce serait des mots, dont le chef de l’exécutif se gargarise sans cesse pour justifier l’immobilisme de l’Etat, son incompétence criarde et son incapacité à venir à bout des problèmes dont se plaignent les citoyens.

Les Tunisiens suivent la chronique des poursuites judiciaires lancées contre des dizaines de dirigeants politiques, d’hommes d’affaires et de journalistes et attendent toujours les explications des autorités sur les forfaits commis par ces derniers et se demandent, à juste titre, pourquoi le pouvoir en place ne parvient-il pas encore, malgré toutes ces arrestations, à démanteler les soi-disant lobbys qui empêchent l’Etat de fonctionner normalement et qui, selon le chef de l’Etat, provoquent les pénuries de produits de première nécessité, font évader les terroristes des prisons de haute sécurité et cherchent à déstabiliser le pays. Une question à laquelle le discours redondant du président Saïed n’apporte pas de réponse.    

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