L’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 est une aubaine pour le gouvernement d’extrême-droite israélien, un prétexte pour certains : une tentative d’assassinat visant l’ambassadeur israélien à Londres n’avait-elle pas conduit Israël à envahir le Liban en 1982 pour déloger les combattants du Fatah du pays du cèdre ? Israël avait largué à l’époque sur le Liban autant de bombes que les forces alliées n’en ont largué sur l’Allemagne nazie durant la seconde guerre mondiale. Bis repetita pour Gaza.
Par Mohsen Redissi *
La politique de la terre brûlée est une tactique largement appliquée par les sionistes. Un pilonnage aveugle et intensif de jour comme de nuit sur des objectifs qu’Israël considère comme stratégiques.
La guerre qui se poursuit a eu des retombées directes sur la population juive. Les tourments se passent ailleurs, dans des contrées lointaines: la Bande de Gaza, Khan Younès et dans d’autres villes palestiniennes. D’après les dernières statistiques de l’Autorité de l’État Civil et de l’Immigration, au moins de 370 000 israéliens ont déjà quitté le pays de peur pour leur vie. Un vide difficile à combler par les mauvais temps qui courent.
License to kill
Si le silence est d’or, il est meurtrier pour les Gazaouis, un silence synonyme de carnage casher en quelque sorte. L’élan de sympathie des capitales occidentales au lendemain de l’attaque a conforté Israël dans son œuvre de destruction massive. Beaucoup de spécialistes du droit international parlent de crimes de guerre voire de génocide. Cela n’a pas dissuadé certains pays, qui ont tombé le masque à l’occasion, de dépêcher leur flottille pour défendre militairement Israël.
L’Etat hébreu mène donc à Gaza une guerre de régulation des naissances. Tu ne tueras point n’est plus un commandement; ses forces armées ciblent les enfants et les adolescents. Les femmes ne sont pas épargnées, elles non plus, matrices d’une jeunesse en éternel soulèvement.
Un ennemi pernicieux, assoiffé de sang; et en face, la famille palestinienne qui n’est jamais assez large. Et dans le carnage, trois otages israéliens agitant des drapeaux blancs sont tués par des tirs amis. L’armée israélienne ne fait pas de prisonniers. Pas de quartier. Un bon palestinien est un palestinien mort, souvent considéré comme un trophée de chasse.
Démographie contre «démocratie»
L’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens au Proche-Orient, (UNRWA), estime à 5,9 millions le nombre de Palestiniens dans les territoires occupés contre 9 millions d’Israéliens. Quant aux «Arabes israéliens» (c’est ainsi que les Israéliens appellent les Palestiniens de l’intérieur), aux alentours de 1 million; ils sont minoritaires sur les terres de leurs ancêtres par un tour de passe-passe orchestré par les puissances coloniales en connivence avec quelques Arabes de service. Ils forment un électorat recherché par les modérés. Leur poids fait la différence le jour de vote sur des questions cruciales.
Yosef Weitz disait dans son livre My Diary and Letters to the Children (éd. Massada, Tel-Aviv, 1965) : «Entre nous, il doit être bien clair qu’il n’y a pas de place pour deux peuples dans un si petit pays. Si les Arabes s’en vont, il sera libre et ouvert pour nous. Si les Arabes restent, le pays restera étriqué et misérable. […] La seule solution est la Terre d’Israël sans les Arabes.»
Une cinquantaine d’années d’accalmie suffisent aux Palestiniens, selon des analystes, pour combler l’écart de population entre les deux communautés. Pressé par le besoin stratégique de creuser le fossé démographique, le gouvernement israélien a puisé dans l’histoire du judaïsme pour sauver son espèce. En 1977, un pont aérien a été établi entre Addis-Abeba et Tel-Aviv. Ramener au bercail les juifs éthiopiens, les Falashas, prolifiques à souhaits à l’opposé des juifs d’Europe, élément essentiel dans une guerre du nombre.
Plus de 86 000 juifs noirs sont arrivés en Israël leur «terre promise» sur plusieurs campagnes de rapatriement et sur des décennies. Certains ont entamé un deuxième exode, des juifs errants, ils se sont perdus dans le désert du Soudan. Se perdre dans le désert est une habitude chez eux.
Pour laisser les Falashas mettre cap sur la Palestine, Israël a, en contrepartie, fourni des armes au gouvernement éthiopien en guerre contre la Somalie. Au moyen de ces alyas (terme désignant l’acte d’immigration d’un juif en Israël) et tant d’autres de tous horizons, Israël se reconstruisait démographiquement.
A la recherche d’une paix perdue
Le droit au retour des réfugiés palestiniens, chassés des territoires attribués à Israël en 1948 et après la débâcle de juin 1967, est un droit garanti par la charte des Nations unies et ses multiples résolutions sur le conflit arabo-israélien, qui sont toutes ignorées par Israël, avec la complicité d’un Occident impérialiste et génocidaire. Par contre, la loi du retour s’applique aux juifs noirs d’Ethiopie mais pas aux Palestiniens de souche nés en Palestine de parents Palestiniens.
La paix est un long processus. L’état de guerre offre à Israël la garantie d’être secouru financièrement et militairement par ses alliés. La rapidité et la largesse des réponses après l’attaque du 7 octobre dépassent l’entendement.
La paix est à portée. Elle a un prix qu’Israël refuse de payer: renoncer aux territoires occupés : 78% de la Palestine sous son contrôle. Israël a saboté tout accord. Il a établi des colonies, érigé des murs en béton autour des enclaves israéliennes. Une tactique qui paye… jusque-là, mais pour combien de temps encore? Il occupe encore des terres qu’il aurait dû libérer depuis des années. Israël a toujours préféré la confrontation armée à la table des négociations. La paix avec les Palestiniens et ses voisins arabes est beaucoup plus dangereuse pour la cohésion de l’Etat juif qui ne survit que par la guerre toujours recommencée.
* Haut fonctionnaire à la retraite.
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