La Tunisie vient de perdre l’un de ses plus grands amis en la personne du contre-amiral (2S) Jean-François Coustillière, qui est décédé dimanche 23 mars 2024, à l’âge de 75 ans. Le défunt avait contribué à la formation des officiers dans notre pays et donné plusieurs conférences à notre Académie militaire.
C’est son épouse et collaboratrice Dominique Coustillère qui nous a annoncé la triste nouvelle avec ces mots d’une grande tendresse, celle qu’elle a toujours eue pour Jean-François et pour tous ses amis : «C’est avec émotion et une immense tristesse que je vous annonce que, après avoir maintenu le cap avec force et courage, affrontant les embruns et vagues rebelles de la maladie, Jean-François a lâché la barre dimanche matin et laissé le crabe l’emporter.»
L’équipe de Kapitalis présente ses condoléances les plus attristées à Dominique et à toute la famille Coustillère pour cette immense perte que nous ressentons tous avec la même émotion. Jean-François était des nôtres, un ami cher et un conseiller précieux et il avait souvent gratifié nos lecteurs de ses articles sur la géopolitique de la Méditerranée, région qu’il connaissait bien, à laquelle il était très attaché et qu’il aimait à regarder à partir de son port d’attache de toujours : Toulon, qui lui rappelait, ô combien, sa ville natale au nord de la Tunisie.
Une carrière d’officier de marine en France
Né le 20 février 1949 à Bizerte où sa famille résidait, Jean-François Coustillère a fait une carrière d’officier de marine en France
Admis à l’Ecole navale en septembre 1969, il débute sa carrière dans la marine en embarquant à bord de différents bâtiments de combat, dont les porte-avions, et participe ainsi à des activités opérationnelles surtout en océan Indien et en Méditerranée avant d’être admis à l’Ecole supérieure de guerre navale en 1984.
Affecté en 1986 à la mission de coopération technique et militaire en Tunisie, il crée la division «mer» de l’Ecole de commandement et d’état-major interarmées de Bortal Hayder.
En 1992, il est affecté à l’état-major de l’amiral commandant la Force d’action navale à Toulon, exerce les fonctions de sous-chef opérations et participe aux opérations au large de la Yougoslavie jusqu’en 1994.
En 1994, il est affecté à l’état-major de l’amiral commandant la zone maritime Méditerranée et participe à l’organisation des opérations interarmées, notamment en mer Adriatique. En 1996, il exerce plus particulièrement le commandement de l’exercice interarmées franco-tunisien Kroumirie.
Désigné comme chargé de mission à l’Etat-major interarmées de planification à Creil en 1999, il dirige des travaux de planification portant sur différents théâtres du Proche-Orient, de Méditerranée, et du Moyen-Orient et mène une étude sur la lutte contre le terrorisme transnational, suite aux attentats du 11 septembre 2001.
En 2002, il est désigné comme chargé d’études de relations internationales à l’Etat-major des armées à Paris, et se voit confier, plus particulièrement, le dossier des coopérations multinationales en Méditerranée.
Tout au long de cette carrière, il exerce différents commandements, en 1980 celui du dragueur côtier Phénix qui participe à des opérations en océan Indien et dans le détroit d’Ormuz, puis en 1990 l’aviso Lieutenant de vaisseau Le Hénaff et enfin en 1997 la frégate lance missiles Suffren, qui opère en Méditerranée, notamment pour une mission de surveillance en Méditerranée orientale.
Durant les dernières années, il sert également comme professeur associé aux écoles militaires de Saint-Cyr-Coëtquidan, en tant que chargé de cours à la faculté de Toulon et à celle de Draguignan, mais aussi comme conférencier à l’Ecole Militaire de Spécialisation de l’Outre-Mer et de l’Etranger, comme cadre de comité durant les sessions Euromed de l’IHEDN ainsi qu’à l’IDN de Tunis.
En février 2005, après 36 ans de services exercés en grande partie en Méditerranée, il quitte les forces armées.
Un chercheur spécialisé dans la géopolitique de la Méditerranée
Jean-François avait une deuxième activité de recherche dédiée aux relations autour de la Méditerranée. Dans ce cadre, il a créé, en 2006, un cabinet, JFC Conseil, dédié aux questions méditerranéennes, à travers lequel il a conduit des actions de conseil, d’enseignement et de formation, mais aussi organisé des événements et des rencontres, et porté des projets au profit de tiers, intéressant la promotion ou l’amélioration des relations internationales en Méditerranée. Ce cabinet a été dissous en 2012, sans toutefois que toutes ses activités aient disparu.
Il a, également, présidé, l’association Euromed-IHEDN, qu’il a créée en 2004, dont la vocation est d’entretenir le réseau des anciens auditeurs des sessions internationales Euro-Méditerranée de l’Institut des hautes études de Défense nationale et de contribuer à la réflexion sur les questions euro-méditerranéennes. Entretenant un réseau relationnel international de chercheurs et de décideurs, il organisait un cycle de conférences mensuelles à Paris, à Marseille et sur Internet ainsi que des rencontres internationales annuelles, dites de Cybèle, à Marseille.
Il était aussi membre du conseil consultatif de l’Assemblée des citoyens et citoyennes de la Méditerranée depuis 2011 puis du Conseil Citoyen de la Méditerranée depuis 2016 ; membre du comité de rédaction de la revue Confluences Méditerranée depuis 2008 et expert-conférencier pour l’Association pour le Progrès du Management (APM) de 2009 à 2014.
Il a assuré jusqu’en 2010 des missions ponctuelles au profit de l’Etat-major des armées, dans le cadre des activités d’entraînement de l’initiative Sécurité du 5+5, notamment en Tunisie.
Enfin, il a publié en 2006 aux éditions Demos, dans la collection Revue d’études, un ouvrage pédagogique «La situation géostratégique en Méditerranée», dirigé un ouvrage sur le 5+5, publié aux éditions l’Harmattan en février 2012, «Le 5+5 face aux défis du réveil arabe» et enfin, a publié en 2014, «Géopolitique et Méditerranée» en deux volumes aux éditions l’Harmattan. Son dernier ouvrage «Périls imminents en Méditerranée» a été publié par les éditions L’Aube en février 2019. *
Ridha Kefi
* La biographie de Jean-François Coustillière est tiré du site Diploweb.
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