Tunisie : Mohamed Ali Boughdiri renvoyé à ses chères études

Le limogeage du ministre de l’Education, Mohamed Ali Boughdiri, comme celui de nombreux autres ministres avant lui, a été annoncé de façon intempestive et inexpliquée, car l’homme était jusque-là considéré comme un fervent partisan – et un obligé – du président Saïed.  

Par Imed Bahri

Ce nouveau limogeage a été annoncé de manière laconique et expéditive, lundi 1er avril 2024, sur la page officielle de la présidence de la république, tout comme la nomination au poste de Saloua Abassi, enseignante de son état et syndicaliste de surcroît, que son prédécesseur ne portait pas dans son cœur, c’est un euphémisme.

Boughdiri, qui a été nommé ministre de l’Education le 29 janvier 2023, lors d’un remaniement ministériel partiel, doit cette nomination à deux facteurs importants.

D’abord, il avait occupé auparavant le poste de secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), et il était fermement opposé à la ligne incarnée par le secrétaire général Noureddine Taboubi. Au regard de la présidence de la république, sa nomination était comme une pierre jeté dans le jardin de la centrale syndicale au moment où les canaux du dialogue entre la place Mohamed Ali et le palais de Carthage étaient coupés.

Ensuite, Boughdiri est connu pour être proche du mouvement Echaab, de tendance nationaliste arabe, dirigé par Zouhaier Maghzaoui, issu lui aussi de la centrale syndicale et qui soutient également le processus politique initié par le président Kaïs Saïed par la proclamation de l’état d’urgence, le 25 juillet 2021. Or, depuis quelque temps, les dirigeants d’Echaab multiplient les déclarations critiques à l’égard du pouvoir exécutif, à savoir le chef du gouvernement Ahmed Hachani et, surtout le président de la république Kaïs Saïed, dont ils jugent le bilan socio-économique trop maigre.

Le mouvement Echaab, qui se sent aujourd’hui à l’étroit, voire piégé par son soutien au chef de l’Etat, et dont les dirigeants pensent n’avoir pas été suffisamment récompensés pour leur soutien, cherchent-ils désormais à prendre leurs distance du palais de Carthage et à se replacer sur une scène politique éclatée et en pleine reconstruction? Mal leur a pris, puisque Saïed n’a pas tardé à réagir de la manière brutale et sans concession qu’on lui connaît en renvoyant Boughdiri à ses chères études.

L’ex-ministre de l’Education a ainsi perdu sur deux fronts : celui du gouvernement où il ne siège plus et celui de la centrale syndicale dont il a démissionné. Pis encore : il avait longtemps bénéficié de la mise en disponibilité syndicale (c’est-à-dire qu’il était payé un salaire d’enseignant sans exercer son métier, se consacrant totalement à l’activité syndicale), et il va désormais reprendre son cartable et prendre le chemin des lycées. A moins que son limogeage ne soit qu’une manœuvre et qu’il serait bientôt chargé d’une autre mission au sein de la galaxie Saïed… Ce dont on doute fort, car, jusque-là, ce dernier n’a récupéré aucun de ceux qu’il a limogés.  

Une autre hypothèse mérite d’être examinée, puisqu’en l’absence d’explications officielles, on en est réduit aux supputations : et si le limogeage de Boughdiri préparait un dégel des relations entre Kaïs Saïed et l’UGTT, qui plus est, à quelques mois d’une élection présidentielle à laquelle le locataire du palais de Carthage risque d’aller un peu seul voire esseulé ?

Là aussi, le doute est permis, car rien, pour le moment, ne laisse présager un tel revirement, le président de la république étant presque assuré de se succéder à lui-même sans devoir passer par une alliance avec une quelconque force politique ou sociale, puisqu’il les méprise toutes et ne veut être redevable à aucune.

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