La chéchia, la coiffe traditionnelle tunisienne, incarne des siècles d’histoire et de culture. Fabriquée avec un savoir-faire artisanal, elle est devenue au fil du temps une icône tangible de l’identité tunisienne, un symbole de la richesse de la tradition locale.
L’histoire de la chéchia se perd dans la nuit des temps. Selon certains, il aurait été importé d’Espagne par les Arabes andalous, mais la tradition attribue l’origine de sa fabrication à Kairouan, au IIe siècle de l’Hégire (VIIIe siècle après J.-C.), il était certainement habituellement porté par les fonctionnaires de l’Empire ottoman.
La chéchia, ou shashia traditionnelle, est réalisée en laine peignée, tricotée par les femmes qui confectionnent les bonnets (kabbous). Ces bonnets sont ensuite envoyés au foulage : trempés dans de l’eau chaude et du savon, les hommes les pressent avec leurs pieds, au point que les mailles du tissu finissent presque par disparaître.
Vient ensuite le traitement de peignage aux chardons, pour transformer le feutre en un velours duveteux, même si de plus en plus souvent le chardon est remplacé par une brosse métallique.
La chéchia et ses nombreuses variétés
C’est dans cette phase de transformation que la chéchia est teinte de son rouge vermillon caractéristique. Sa forme ronde et dans ses nombreuses variantes, le pompon caractéristique (kobita) sur le dessus le rendent immédiatement reconnaissable.
La chéchia ne doit pas être confondue avec le fez (appelé aussi chéchia stambouli), elle est douce tandis que le fez est rigide, de forme tronconique, haute. Aujourd’hui encore, sa production est principalement concentrée à Kairouan, ville réputée pour son savoir-faire artisanal, mais plusieurs régions tunisiennes sont impliquées dans le processus qui mène à la création de cette coiffe. Pour filer la laine, Djerba et Gafsa, pour tricoter, l’Ariana pour broyer et laver, El-Batan (dans les eaux de la Medjerda), pour carder, El-Alia (origine du chardon), pour teindre : Zaghouan, pour l’accordage et la forme et finition, Tunis.
Dans sa période de succès maximum, les artisans chéchia sont venus occuper trois souks entiers dans la médina de Tunis. À l’instar du sefsari, voile féminin traditionnel qui recouvre tout le corps d’une femme, généralement de couleur crème en coton, satin ou soie, la chéchia a progressivement disparu du paysage tunisien.
En 1981, il y avait 120 producteurs au «souk des chaouchias», aujourd’hui il en reste une quarantaine. Mais la chéchia n’est pas qu’une simple coiffe, elle est un symbole de fierté nationale et d’identité culturelle. À partir des années 1920 par exemple, les indépendantistes tunisiens commencent à porter la chéchia testouriya (originaire de Testour) car son nom rappelle celui de leur parti (Destour). Le porter représente donc un lien avec les racines historiques et culturelles du pays, tout en incarnant un sentiment d’appartenance à la communauté tunisienne.
Symbole de fierté et de résistance nationale
Après la révolution tunisienne de 2011, la chéchia connaît un véritable renouveau. Ces dernières années, devenue un symbole de fierté et de résistance nationale, elle connaît un nouvel essor de popularité tant au niveau national qu’international, s’exportant en Algérie, en Libye, au Maroc et au Soudan, mais aussi au Moyen-Orient.
En plus d’être portée lors des célébrations et des occasions formelles, la chéchia est également devenue de plus en plus populaire parmi les jeunes comme accessoire de mode, contribuant ainsi à réaffirmer son importance dans la culture tunisienne contemporaine. Elle représente non seulement un vêtement traditionnel, mais aussi un trésor culturel qui incarne l’identité et l’histoire du peuple tunisien. Sa production artisanale et sa valeur symbolique continuent de perpétuer la riche tradition tunisienne, ce qui en fait un témoignage tangible de son histoire et de sa résilience.
Traduit de l’italien.
Source : Ansamed.
Donnez votre avis