Le ‘‘Sunday Times’’, version du week-end du journal britannique ‘‘The Times’’, a publié une enquête préparée par Christina Lamb dans laquelle elle affirme que le sort du dirigeant palestinien détenu dans les geôles israéliennes depuis 22 ans Marwan Barghouti pourrait arrêter la guerre à Gaza. C’est l’un des rares dirigeants du Fatah qui demeure populaire et constitue une figure d’unité ce qui est encore plus rare en Palestine.
Imed Bahri
Lamb a déclaré que le fils du prisonnier politique le plus célèbre d’Israël que ses partisans appellent le Nelson Mandela palestinien a exprimé les craintes de sa famille quant à la possibilité de tuer le leader du Fatah en représailles à l’opération Déluge d’Al-Aqsa même si le Fatah est un adversaire du Hamas.
Barghouti, 65 ans, est considéré comme l’un des hommes politiques palestiniens les plus célèbres et figure en tête de liste des prisonniers qui pourraient être libérés en échange de la libération de 108 détenus israéliens détenus par le Hamas à Gaza. Lamb dit que Barghouti, qui a été emprisonné il y a vingt ans et condamné à la réclusion à perpétuité après la deuxième Intifada en 2000, a encouragé les puissances occidentales, qui voient en lui le leader palestinien capable d’unir les factions palestiniennes rivales et de résoudre les crises qui engloutissent la Cisjordanie et Gaza aujourd’hui. Un diplomate occidental a commenté : «Il est aujourd’hui le prisonnier politique le plus célèbre au monde» tandis que Julie Norman, professeur de politique internationale et nationale palestinienne à l’University College de Londres (UCL) et auteur d’un livre sur les prisonniers palestiniens a déclaré: «Sa libération va changer les règles du jeu dans la politique palestinienne et le nationalisme palestinien». Cependant, le monde n’a pas vu Barghouti depuis des années. Comme Mandela, il est emprisonné depuis plus de 20 ans.
L’homme qui donne de l’espoir, et pas seulement aux Palestiniens
Arab Barghouti, 33 ans, a déclaré: «Il est toujours l’homme qui donne de l’espoir et je pense que la plus grande force de mon père est sa capacité à unir les Palestiniens. Il est un symbole d’unité et nous avons soif d’unité, les divisions nous ont fait beaucoup de mal.» Faisant référence à la comparaison entre son père et Mandela, il a ajouté: «L’Occident veut faire de Mandela un homme pacifique dont le but est la paix mais il était prêt à se lancer dans la lutte armée pour obtenir les droits du peuple sud-africain et mon père n’est pas différent de lui.»
Lamb a rencontré Arab Barghouti dans la ville de Ramallah, considérée comme la capitale de l’Autorité nationale, où l’atmosphère comme partout en Cisjordanie est devenue plus tendue qu’elle ne l’était lorsque son père a été arrêté en 2002. Non seulement les colons ont accru leur violence contre les Palestiniens en Cisjordanie mais les forces israéliennes ont lancé leur plus grande opération militaire depuis 20 ans et des centaines de soldats y ont participé utilisant des chars, des bulldozers, des frappes aériennes, des drones et attaquant des villes et des camps de réfugiés.
Arab a déclaré: «C’est la pire situation que j’ai jamais connue de ma vie et ils veulent réduire [notre présence] et nous enfermer dans des ghettos pour que nous nous sentions sans patrie et pour nous intimider. Le gouvernement israélien profite de la focalisation sur le génocide à Gaza pour faire ce qu’il veut en Cisjordanie.»
Les personnes détenues comme Marwan Barghouti ont été soumises à des mauvais traitements dans la tristement célèbre prison de Megiddo. Arab estime que ce qui arrive aux détenus passe inaperçu et déclare: «Je n’ai jamais vu les autorités pénitentiaires israéliennes aussi folles ou agir de manière aussi inhumaine. De nombreux détenus sortent de prison et on a du mal à les reconnaître. Il y a eu entre 55 et 60 cas documentés de décès de prisonniers depuis le 7 octobre, et nous craignons qu’ils ne tuent mon père. Le chef de la prison est venu après le 7 octobre et lui a demandé de mettre ses mains derrière le dos et de se présenter devant les prisonniers pour qu’il l’humilie en public. Mon père a refusé mais ils l’ont forcé et l’ont blessé à l’épaule.»
Barghouti a été trimballé entre quatre ou cinq prisons où les gardiens de prison l’ont torturé, lui ont infligé la vue des lumières vives et mis un haut-parleur diffusant l’hymne national israélien pendant plusieurs heures de sorte à l’empêcher de dormir. Début mars, les gardes l’ont agressé et frappé au visage et à l’épaule.
Arab estime que l’intervention occidentale est ce qui a sauvé la vie de son père et qu’il était reconnaissant pour l’intervention de nombreux gouvernements occidentaux qui ont fait pression sur les Israéliens en particulier les Américains et les Français qui comprennent son importance en Cisjordanie et qui croient que mon père représente la solution.
Le dirigeant palestinien le plus populaire parmi les siens
Barghouti est en première position dans les sondages d’opinion: «Ce n’est un secret pour personne qu’il est le dirigeant palestinien le plus célèbre et cela a une raison. C’est un homme politique ouvert, qui n’est pas corrompu, qui veut la paix et la prospérité mais pas aux dépens du peuple palestinien», a souligné Arab, en exprimant sa crainte quant à l’état de santé de son père: «Ces jours-ci, il n’est pas en bonne santé, il a perdu du poids à cause du manque de nourriture et il n’a pas reçu de soins pour ses blessures.»
Barghouti a d’abord soutenu les accords d’Oslo en 1993 mais il s’est senti frustré par le manque de progrès, c’est pourquoi il est devenu plus ferme dans ses positions. Les tribunaux israéliens l’ont reconnu coupable de plusieurs chefs d’accusation notamment celui d’avoir envoyé des hommes armés pour tuer des Israéliens et il a été condamné à cinq peines d’emprisonnement à perpétuité. «Ma mère disait que cela prendrait plusieurs années et nous ne nous attendions pas à ce que cela s’étende sur des décennies», dit le jeune homme en colère. Il ajoute: «Quand j’étais jeune, j’ai souffert de ce problème. Pour moi, mon père m’a été retiré à cause du peuple palestinien. Ce n’est que plus tard lorsque j’ai grandi et réalisé à quel point la cause pour laquelle il se sacrifiait était noble, que j’ai ressenti la responsabilité de parler de la campagne lancée par ma mère.»
Arab travaille pour une société informatique qui gère une académie de formation en programmation pour les Palestiniens. Il déclare: «J’ai réalisé que nous devions reformuler l’image de la Palestine et affronter les Israéliens dans le domaine des données. Mon père disait que la résistance ne se limite pas à prendre les armes et à parcourir le pays pour se battre, c’est une question d’éducation.»
Un jour, il verra ses six petits-enfants qu’il ne connaît pas
Le jeune homme a vu son père il y a deux ans. Il raconte: «Ils nous permettaient à peine de le voir, en moyenne une fois tous les deux ans. Ma mère le voyait une fois par an mais elle a été punie en lui interdisant de lui rendre visite pendant quatre ans parce qu’il avait conduit une grève de la faim en 2017 avec 1500 prisonniers. Même lorsqu’ils étaient autorisés à lui rendre visite, la visite ne durait que quelques minutes et ils écoutaient tout.»
Bien qu’Arab n’ait jamais été arrêté, il craint désormais de l’être à tout moment. «Depuis le 7 octobre, beaucoup de mes cousins de notre village de Kobar ont été arrêtés donc cette menace est toujours dans mon esprit», explique-t-il.
Interrogé sur la possibilité d’une troisième Intifada comme certains s’y attendent, il a déclaré: «Je me souviens toujours des paroles de mon père au tribunal: ‘‘Je suis un homme pacifique mais les Israéliens doivent comprendre qu’il n’y aura ni paix ni sécurité pour le peuple israélien tant qu’il y aura une occupation illégale de notre terre’’».
Si Barghouti est libéré, il se présentera pour remplacer le président octogénaire Mahmoud Abbas. Malgré l’arrêt des négociations à Gaza, Arab insiste: «Nous sommes confiants pour sa libération, le moment est venu et nous attendons le jour où il verra ses six petits-enfants qu’il ne connaît pas».