«Dream Team» (équipe de rêve). C’est par cette expression que les colons extrémistes israéliens de Cisjordanie et leurs partisans désignent les membres de la nouvelle administration Trump qui comprend des extrémistes de la droite chrétienne et des partisans de l’Amérique d’abord (Amerira First). Pour eux, c’est l’occasion rêvée pour faire main basse sur la totalité de Jérusalem, rattacher la Cisjordanie et enterrer définitivement la cause palestinienne. L’heure de l’application de leur agenda messianique a sonné. (Le Palestinien Fakhri Abu Diab et son épouse Amina devant leur maison démolie par les autorités israéliennes à Jérusalem-Est. Ph: Gali Tibbon/The Observer).
Imed Bahri
Jason Burke, correspondant de The Observer, version du week-end du Guardian, rapporte que les Palestiniens ont été choqués par le choix fait par Trump des extrémistes qui soutiennent Israël.
Les colons, quant à eux, ont décrit la nouvelle administration comme une équipe de rêve leur offrant «une opportunité spéciale et exceptionnelle» d’étendre de manière permanente le contrôle d’Israël sur la Cisjordanie et mettre fin ainsi à tout espoir de création d’un État palestinien. Trump a en effet nommé des partisans des projets des activistes israéliens d’extrême droite et le gouvernement de Benjamin Netanyahu gagne un soutien qu’il saura exploiter pour faire passer ses projets expansionnistes.
Un éditorial du journal israélien Haaretz a averti que «la série de nominations annoncées par le président américain élu Donald Trump devrait inquiéter tous ceux qui se soucient de l’avenir d’Israël».
Burke a ajouté que depuis les élections américaines, Israël a multiplié les démolitions de maisons palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. La semaine dernière, des habitants du quartier d’Al-Bustan à Jérusalem-Est fouillaient les ruines de leurs maisons que la municipalité de Jérusalem a décidé de démolir parce qu’elles avaient été construites sans permis. Fakhri Abu Diab, un militant chevronné qui a mené pendant des années la résistance aux efforts visant à démolir les maisons des familles palestiniennes dans le quartier d’Al-Bustan, a déclaré que les bulldozers sont revenus le jour des élections américaines pour détruire une partie de sa maison que les équipes de démolition municipales avaient laissée debout plus tôt cette année.
Avec Trump au pouvoir, plus rien ne retiendra Israël
Abu Diab, 62 ans, a expliqué que 40 personnes dont des enfants se sont retrouvées sans abri et que 115 maisons sont désormais menacées de démolition. Il a déclaré: «Israël veut démolir cet endroit depuis vingt ans et profite maintenant de l’occasion. C’est juste une façon de nous punir et de nous forcer à partir. Je suis ici, là où étaient mes parents et mes grands-parents et je resterai ici.» L’épouse de Abu Diab, Amina, a déclaré de son côté: «Avec Trump au pouvoir, il n’y a plus rien pour retenir Israël».
La municipalité de Jérusalem a déclaré que les bâtiments sont situés sur un terrain désigné comme espace public ouvert.
L’organisation israélienne de défense des droits humains Ir Amim a déclaré que le véritable objectif des démolitions est de relier les poches de colonies implantées dans les quartiers palestiniens à Jérusalem-Ouest. Elle a indiqué que les autorités locales se sentaient encouragées après la victoire de Trump, ajoutant que les opérations de démolition à Al-Bustan pourraient être un signe avant-coureur de ce qui va arriver.
La semaine dernière, un village bédouin dans le désert du Néguev a été démoli pour construire un complexe pour les juifs orthodoxes sur ordre du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir et 25 bâtiments ont été détruits en Cisjordanie selon les Nations Unies.
Un cabinet infernal… pour les Palestiniens
Le journal britannique note que les choix de Trump ont choqué même les extrémistes. Son candidat au Département d’État, le sénateur de Floride Marco Rubio, s’est déclaré opposé au cessez-le-feu à Gaza et estime qu’Israël doit détruire tous les éléments du Hamas dont il a décrit les membres comme «des animaux féroces» tandis qu’Elise Stefanik qui a été nommée ambassadrice à l’Onu a qualifié l’organisation internationale de «foyer d’antisémitisme» pour avoir condamné la mort des civils à Gaza.
Le nouvel ambassadeur américain en Israël devrait être Mike Huckabee, un pasteur évangélique qui soutient l’occupation israélienne de la Cisjordanie et qui a qualifié la solution à deux États en Palestine d’irréalisable. Lors d’une visite en Israël en 2017, Huckabee a déclaré: «Il n’y a rien de comparable à la Cisjordanie. Les colonies n’existent pas, ce sont des communautés, des quartiers et des villes. L’occupation n’existe pas.»
Le candidat de Trump au poste de secrétaire à la Défense, Peter Hegseth, animateur de Fox News, est un autre chrétien évangélique qui porte un tatouage sur le torse représentant les croisades.
«Israël n’aurait pas pu demander plus», a déclaré visiblement très satisfait Daniel Luria, directeur d’Artit Cohanim, une organisation qui affirme que sa mission est de restaurer et de reconstruire une Jérusalem unie pour le peuple juif. Cette organisation soutient un certain nombre de projets visant à expulser les familles palestiniennes de leurs foyers et à les remplacer par des familles juives et des étudiants religieux juifs. Il a déclaré: «Il n’y a pas d’État arabe sur la Terre d’Israël et le fait qu’il y ait eu plusieurs tentatives de faire quelque chose de différent au cours des dernières années n’est pas pertinent. Nous sommes maintenant dans une situation exceptionnelle et nous le ferons. Nous obtiendrons un nouveau Moyen-Orient et nous changerons tout.»
Certains extrémistes de droite en Israël ont comparé Trump au roi perse Cyrus le Grand qui a conquis le royaume de Babylone en 539 avant J.-C. et a permis aux Juifs de revenir de leur exil à Jérusalem.
Les partis favorables aux implantations occupent des positions clés au sein du gouvernement de coalition israélien, considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël. La semaine dernière, Bezalel Smotrich, ministre des Finances et défenseur de l’expansion des colonies, a déclaré que 2025 serait «l’année de la souveraineté en Judée-Samarie», le nom hébreu de la Cisjordanie utilisé par la droite en Israël, ses dirigeants ainsi que leurs partisans aux États-Unis. Il a aussi formé l’espoir d’un rattachement des territoires palestiniens occupés à Israël.
Le journal a noté une accélération du rythme de l’expansion des colonies en Cisjordanie et à Jérusalem-Est après la guerre du 7 octobre 2023. Smotrich et plusieurs ministres ont assisté à une conférence organisée près de Gaza pour discuter du retour des colonies juives dans ce territoire après la guerre.
Nommé ambassadeur en Israël, le pasteur Huckabee a refusé d’utiliser un terme autre que Judée-Samarie pour décrire la Cisjordanie et est un ardent partisan de la Fondation Cité de David, un parc archéologique financé par le gouvernement israélien dans un quartier palestinien de Jérusalem, géré par Elad, un groupe de colons israéliens accusé d’avoir déplacé des familles palestiniennes de Jérusalem en achetant des maisons palestiniennes et en utilisant des lois controversées qui permettent à l’État de saisir les biens palestiniens.
Un rapport de l’Union européenne de 2018 a révélé que les projets d’Elad dans certaines parties de Jérusalem-Est sont utilisés «comme un outil politique pour modifier le récit historique et soutenir, légitimer et étendre les colonies». La fondation a refusé de discuter des projets soutenus par le gouvernement israélien et l’étranger.
«Le plan de Dieu qu’Israël a révélé au monde entier»
La semaine dernière, des touristes se sont assis sous les oliviers pour écouter des conférences au centre de la Cité de David, hors les murs de la Vieille ville. «Nous croyons que Dieu a un plan pour Israël et que Dieu a dit que la terre leur appartenait», a déclaré Jack Holford, un ingénieur logiciel à la retraite de 62 ans, en visite à Jérusalem avec sa femme Debbie. «Nous nous considérons comme croyants et faisons partie du plan de Dieu qu’Israël a révélé au monde entier. Il y a des Arabes, des Palestiniens et des Juifs, et ils sont tous Israéliens», a-t-il ajouté.
Le premier mandat de Trump a été marqué par des mesures sans précédent pour soutenir les revendications territoriales d’Israël notamment en reconnaissant Jérusalem comme sa capitale éternelle et indivisible, en y déplaçant l’ambassade américaine et en reconnaissant la souveraineté d’Israël sur le plateau du Golan, territoire syrien occupé depuis 1967.
Les activistes du colonialisme estiment que les nominations effectuées par Trump signifient que la nouvelle administration ira beaucoup plus loin. Luria déclare: «Ils (membres de l’administration Trump, Ndlr) ont parlé du droit des Juifs à vivre partout, qu’il était impossible de diviser Jérusalem en deux parties et que vous ne pouvez pas permettre que la haine, le mal et le terrorisme se trouvent à votre porte et cela vient d’un contexte biblique, tout comme moi. Je vois le roi David et Abraham et ils les voient aussi.» Bref, l’extrémisme religieux juif et chrétien a désormais le vent en poupe et s’exprime ouvertement à Washington et plusieurs autres capitales occidentales.
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